mercredi 30 mai 2018


Normand Cazelais
Le dictionnaire géographique du Québec
Montréal, Fides, 2018, 152 p., 29,95 $.


Nommer le territoire

Acquérir du vocabulaire est l’histoire d’une vie, les mots étant d’une mobilité époustouflante. Ainsi, le lexique de la géographie s’enrichit selon l’intérêt ou l’expérience du locuteur. Or, qui de mieux qu’un géographe pour nous faire voyager sur les routes de la belle province en nous faisant découvrir ses particularités et le glossaire qui s’y rattache? C’est ce que propose Normand Cazelais dans un nouvel ouvrage intitulé Dictionnaire géographique du Québec, publié chez Fides.




L’auteur n’a pas la prétention d’être lexicographe, mais plutôt d’avoir l’envie irrépressible de transmettre sa passion de tous ces coins de pays au caractère distinctif. Claude Lamothe souligne, en introduction, qu’il « nous propose ici un aperçu du Québec par le biais de quelques 140 génériques de sa géographie naturelle et d’une vingtaine générique de sa géographie anthropique. » Par exemple, un fjord est un phénomène naturel et une commune, une création humaine.
Lire ce dictionnaire est un exercice plus ludique que didactique. Cela nous permet de revoir des notions apprises et oubliées, mais aussi de réviser la signification de certaines d’entre elles, de comprendre leurs origines ou d’apprendre de nouveaux mots dans leur contexte. Qui sait jusqu’où cela peut nous mener, car on peut voir ou visiter ces sites, tous étant accessibles par voie routière.
Jouer du dictionnaire, c’est aller d’un mot à l’autre, sans autre intention que de survoler des fragments de territoires connus, déjà visités ou non. Ainsi, « abattis / abatis / déserts », premiers mots de la liste, qui signifie « une clairière dégagée par une coupe forestière », me rappelle Les Brûlés (1959), ce film de l’ONF réalisé par Bernard Devlin dans lequel on voit et entend Félix Leclerc.
Les synonymes « affluent / tributaire » m’ont ramené dans une région qui m’est familière : « Dans la région de Lanaudière, la [rivière] Bayonne est l’un de ces tributaires du fleuve » qu’elle va rejoindre à Berthierville. J’ai revu là les images des campagnes environnantes, dont celle de Saint-Barthélemy où, enfant, je visitais une tante de ma mère.
Savez-vous qu’un arrière-pays est « une zone continentale […] située à l’arrière d’un littoral ou d’un fleuve et desservie par un port »? L’écrivain Victor-Lévy Beaulieu utilise fréquemment cette expression, entre autres pour situer les villages de Saint-Paul-de-la-Croix où il est né et de Saint-Jean-de-Dieu où il a étudié.
En jouant à saute-mouton d’une entrée à une autre, on apprend des mots que nous utilisons si peu qu’on les croit nouveaux. Quelques exemples : « barachois » nous vient du basque « barratxoa » et signifie « un banc de sable qui protège l’embouchure d’une rivière au contact de la mer »; « une lagune ou un étang saumâtre ainsi créés derrière une barre »; un « morne » est une éminence, un monticule, un rocher ou un groupe de collines qu’on associe à des sites tels Grand Morne en Beauce ou Gros-Morne en Gaspésie.
Mon voyage dans l’univers de la géographique québécoise m’a permis de constater que plusieurs vocables tirent leur origine des langues amérindiennes, de la langue des conquérants Anglais et d’autres contrées partageant les mêmes caprices de la géographie.
Le Dictionnaire géographique du Québec m’a permis de refaire mes classes, de visiter des lieux connus et d’autres nouveaux. J’ai notamment appris que tombolo est d’origine italienne et désigne «un cordon de sable ou de gravier reliant une île ou un îlot au littoral ou au rivage principal»; pensons aux dunes qui réunissent entre elles les îles de la Madeleine.
Normand Cazelais a eu l’excellente idée de nous faire visiter, de façon originale, divers coins du Québec en nous intéressant à leurs aspects géographiques particuliers. Cela nous permet de découvrir ou de revoir de grandes richesses de ce vaste territoire qui est le nôtre et d’en ressentir une fierté à sa mesure.

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