Normand Cazelais
Le dictionnaire
géographique du Québec
Montréal, Fides, 2018, 152 p., 29,95 $.
Nommer le territoire
Acquérir du vocabulaire est
l’histoire d’une vie, les mots étant d’une mobilité époustouflante. Ainsi, le
lexique de la géographie s’enrichit selon l’intérêt ou l’expérience du locuteur.
Or, qui de mieux qu’un géographe pour nous faire voyager sur les routes de la
belle province en nous faisant découvrir ses particularités et le glossaire qui
s’y rattache? C’est ce que propose Normand Cazelais dans un nouvel ouvrage
intitulé Dictionnaire géographique du
Québec, publié chez Fides.
L’auteur n’a pas la prétention
d’être lexicographe, mais plutôt d’avoir l’envie irrépressible de transmettre
sa passion de tous ces coins de pays au caractère distinctif. Claude Lamothe
souligne, en introduction, qu’il « nous propose ici un aperçu du Québec
par le biais de quelques 140 génériques de sa géographie naturelle et d’une
vingtaine générique de sa géographie anthropique. » Par exemple, un fjord
est un phénomène naturel et une commune, une création humaine.
Lire ce dictionnaire est un exercice
plus ludique que didactique. Cela nous permet de revoir des notions apprises et
oubliées, mais aussi de réviser la signification de certaines d’entre elles, de
comprendre leurs origines ou d’apprendre de nouveaux mots dans leur contexte.
Qui sait jusqu’où cela peut nous mener, car on peut voir ou visiter ces sites, tous
étant accessibles par voie routière.
Jouer du dictionnaire, c’est
aller d’un mot à l’autre, sans autre intention que de survoler des fragments de
territoires connus, déjà visités ou non. Ainsi, « abattis / abatis / déserts »,
premiers mots de la liste, qui signifie « une clairière dégagée par une
coupe forestière », me rappelle Les
Brûlés (1959), ce film de l’ONF réalisé par Bernard Devlin dans lequel on
voit et entend Félix Leclerc.
Les synonymes « affluent / tributaire »
m’ont ramené dans une région qui m’est familière : « Dans la région
de Lanaudière, la [rivière] Bayonne est l’un de ces tributaires du fleuve »
qu’elle va rejoindre à Berthierville. J’ai revu là les images des campagnes environnantes,
dont celle de Saint-Barthélemy où, enfant, je visitais une tante de ma mère.
Savez-vous qu’un arrière-pays est
« une zone continentale […] située à l’arrière d’un littoral ou d’un
fleuve et desservie par un port »? L’écrivain Victor-Lévy Beaulieu utilise
fréquemment cette expression, entre autres pour situer les villages de
Saint-Paul-de-la-Croix où il est né et de Saint-Jean-de-Dieu où il a étudié.
En jouant à saute-mouton d’une
entrée à une autre, on apprend des mots que nous utilisons si peu qu’on les
croit nouveaux. Quelques exemples : « barachois » nous vient du
basque « barratxoa » et signifie « un banc de sable qui protège
l’embouchure d’une rivière au contact de la mer »; « une lagune ou un
étang saumâtre ainsi créés derrière une barre »; un « morne »
est une éminence, un monticule, un rocher ou un groupe de collines qu’on associe
à des sites tels Grand Morne en Beauce ou Gros-Morne en Gaspésie.
Mon voyage dans l’univers de la
géographique québécoise m’a permis de constater que plusieurs vocables tirent
leur origine des langues amérindiennes, de la langue des conquérants Anglais et
d’autres contrées partageant les mêmes caprices de la géographie.
Le Dictionnaire géographique du Québec m’a permis de refaire mes
classes, de visiter des lieux connus et d’autres nouveaux. J’ai notamment
appris que tombolo est d’origine italienne et désigne «un cordon de sable ou de
gravier reliant une île ou un îlot au littoral ou au rivage principal»; pensons
aux dunes qui réunissent entre elles les îles de la Madeleine.
Normand Cazelais a eu
l’excellente idée de nous faire visiter, de façon originale, divers coins du
Québec en nous intéressant à leurs aspects géographiques particuliers. Cela
nous permet de découvrir ou de revoir de grandes richesses de ce vaste
territoire qui est le nôtre et d’en ressentir une fierté à sa mesure.
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