mercredi 9 mai 2018


René Homier-Roy avec la complicité de Marc-André Lussier
Moi
Montréal, Leméac, 2018, 272 p., 26,95 $.

Du Je au Vous

L’autobiographie et le portrait furent jadis des variations de l’autofiction et autres « selfies » littéraires du 21e siècle. Je fuis l’histoire d’un débutant dont les faits d’armes se résument à un tournoi télévisé de chanteurs, cuisiniers et autres talents éphémères. Vieux jeu, je suis d’avis qu’il faut avoir vécu plus que quelques semaines sous les projecteurs pour être capable de nourrir l’esprit d’éventuels lectrices ou lecteurs.




René Homier-Roy est, à mon avis, de ces gens dont l’expérience, personnelle et professionnelle, peut être inspirante. J’étais donc curieux de découvrir ce qu’il racontait dans Moi, une biographie écrite avec la complicité du chroniqueur Marc-André Lussier. J’ai ainsi fait un tour d’horizon de la culture québécoise d’après l’ère du catholicisme duplessiste à aujourd’hui à travers les faits et gestes d’un iconoclaste impénitent.
René Roy est devenu Homier-Roy le jour où sa mère, féministe avant l’heure, décide de faire porter son patronyme ses enfants. L’ado René résiste à cet impératif, mais y adhère dès que les projecteurs se braquent sur lui. La vie de famille lui est très importante, que ce soit pour l’ouverture d’esprit des siens à ses projets d’études, architecture à McGill ou sciences politiques à Ottawa, qui, sans les avoir complétées, l’ont toujours influencé. Il y a aussi diverses expériences vécues auprès de siens dont l’époque où la famille connait des ennuis financiers.
Il devient journaliste lorsqu’il cherche un emploi d’étudiant et qu’on lui offre le job de correcteur au Petit journal. Plus tard, on lui propose de voir un film et d’en faire la critique dans Photo journal, un hebdo qui partageait la même salle de rédaction. Dès sa première recension, on remarque l’originalité de sa plume qu’il peaufinera jusqu’à développer son propre style.
Gourmand gourmet de culture, Homier-Roy raconte qu’il « doit son véritable apprentissage culturel à Pierre Morin, l’un des premiers grands réalisateurs de Radio-Canada, qu’il a rencontré dans sa jeune vingtaine, un soir par hasard, chez des amis communs ». Cette rencontre fut déterminante et les deux hommes en vinrent à partager leur existence pendant plusieurs décennies, jusqu’au décès de P. Morin, le 1er juillet 2012.
Si on se souvient de La bande des six, d’À première vue ou de Viens voir les comédiens, on a oublié, à tort, le magazine Nous où Pierre Bourgault signait une chronique, sous la plume de Chantal Bissonnette, qui a fait grand bruit. Se souvient-on de Ticket, magazine de cinéma créé par Homier-Roy?
J’ai aimé lire le journaliste à la plume bien pendue, mais j’ai surtout prisé son talent d’animateur à la barre de C’est bien meilleur le matin. Quelle générosité avait cet homme envers ses camarades? L’exemple qui me vient spontanément concerne Véronique Mayrand, passée d’une timide miss météo à une collaboratrice à part entière grâce à la confiance que R. H.-R. l’a aidée à développer.
Aujourd’hui septuagénaire, R. H.-M. pratique toujours cet art qui consiste à transmette sa vision et celle de ses invités sur les productions culturelles d’ici et d’ailleurs, quel que soit le niveau de reconnaissance qu’ils méritent. Il n’a rien perdu de son esprit critique qui, en une phrase assassine, peut stigmatiser une œuvre plus qu’une suite de « like » facebookiens.
Cette biographie nous apprend plus sur la façon de penser et d’être de cet homme que sur la petite histoire d’un milieu fertile en potinages. Au cœur de ce livre, même s’il ne remportera pas de grand prix littéraire, s’animent les passions d’un homme pour la vie culturelle et ses artisans, ferments de toute société qui se respecte et qu’on doit entendre et écouter.

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