René Homier-Roy avec la complicité de Marc-André Lussier
Moi
Montréal, Leméac, 2018, 272 p., 26,95 $.
Du Je au Vous
L’autobiographie et le portrait
furent jadis des variations de l’autofiction et autres « selfies » littéraires
du 21e siècle. Je fuis l’histoire d’un débutant dont les faits
d’armes se résument à un tournoi télévisé de chanteurs, cuisiniers et autres talents
éphémères. Vieux jeu, je suis d’avis qu’il faut avoir vécu plus que quelques
semaines sous les projecteurs pour être capable de nourrir l’esprit d’éventuels
lectrices ou lecteurs.
René Homier-Roy est, à mon avis,
de ces gens dont l’expérience, personnelle et professionnelle, peut être inspirante.
J’étais donc curieux de découvrir ce qu’il racontait dans Moi, une biographie écrite avec la complicité du chroniqueur
Marc-André Lussier. J’ai ainsi fait un tour d’horizon de la culture québécoise
d’après l’ère du catholicisme duplessiste à aujourd’hui à travers les faits et
gestes d’un iconoclaste impénitent.
René Roy est devenu Homier-Roy le
jour où sa mère, féministe avant l’heure, décide de faire porter son patronyme ses
enfants. L’ado René résiste à cet impératif, mais y adhère dès que les
projecteurs se braquent sur lui. La vie de famille lui est très importante, que
ce soit pour l’ouverture d’esprit des siens à ses projets d’études,
architecture à McGill ou sciences politiques à Ottawa, qui, sans les avoir
complétées, l’ont toujours influencé. Il y a aussi diverses expériences vécues
auprès de siens dont l’époque où la famille connait des ennuis financiers.
Il devient journaliste lorsqu’il
cherche un emploi d’étudiant et qu’on lui offre le job de correcteur au Petit journal. Plus tard, on lui propose
de voir un film et d’en faire la critique dans Photo journal, un hebdo qui partageait la même salle de rédaction.
Dès sa première recension, on remarque l’originalité de sa plume qu’il
peaufinera jusqu’à développer son propre style.
Gourmand gourmet de culture,
Homier-Roy raconte qu’il « doit son véritable apprentissage culturel à
Pierre Morin, l’un des premiers grands réalisateurs de Radio-Canada, qu’il a
rencontré dans sa jeune vingtaine, un soir par hasard, chez des amis communs ».
Cette rencontre fut déterminante et les deux hommes en vinrent à partager leur
existence pendant plusieurs décennies, jusqu’au décès de P. Morin, le 1er
juillet 2012.
Si on se souvient de La bande des six, d’À première vue ou de Viens
voir les comédiens, on a oublié, à tort, le magazine Nous où Pierre Bourgault signait une chronique, sous la plume de
Chantal Bissonnette, qui a fait grand bruit. Se souvient-on de Ticket, magazine de cinéma créé par Homier-Roy?
J’ai aimé lire le journaliste à
la plume bien pendue, mais j’ai surtout prisé son talent d’animateur à la barre
de C’est bien meilleur le matin.
Quelle générosité avait cet homme envers ses camarades? L’exemple qui me vient
spontanément concerne Véronique Mayrand, passée d’une timide miss météo à une
collaboratrice à part entière grâce à la confiance que R. H.-R. l’a aidée à développer.
Aujourd’hui septuagénaire, R.
H.-M. pratique toujours cet art qui consiste à transmette sa vision et celle de
ses invités sur les productions culturelles d’ici et d’ailleurs, quel que soit
le niveau de reconnaissance qu’ils méritent. Il n’a rien perdu de son esprit
critique qui, en une phrase assassine, peut stigmatiser une œuvre plus qu’une
suite de « like » facebookiens.
Cette biographie nous apprend
plus sur la façon de penser et d’être de cet homme que sur la petite histoire
d’un milieu fertile en potinages. Au cœur de ce livre, même s’il ne remportera
pas de grand prix littéraire, s’animent les passions d’un homme pour la vie
culturelle et ses artisans, ferments de toute société qui se respecte et qu’on
doit entendre et écouter.
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