mercredi 31 mars 2021

Jacques Ferron

Contes, édition intégrale

Montréal, Bq, 2021, 304 p., 12,95 $.

La chimie de récits brefs

Jacques Ferron aurait eu 100 ans le 20 janvier dernier. Pour commémorer l’événement, Bibliothèque québécoise, la maison d’édition administrée conjointement par Hurtubise et Leméac, reprend l’intégrale des Contes de Ferron et la biographie écrite par Marcel Olscamp, parue en 1997 et mise à jour depuis, Le fils du notaire. Jacques Ferron : genèse intellectuelle d’un écrivain. Bref, l’homme et l’œuvre en deux volumes fort passionnants. 


Cette intégrale a été préparée par Marcel Olscamp et Jean-Olivier Ferron, fils de l’écrivain médecin; ils ont fait une ultime révision des textes et de leur ordre d’écriture ou d’édition. L’ouvrage rassemble ainsi Contes du pays incertain (1962) et Contes anglais (1964) auxquels furent ajoutés quatre récits sous le titre de Contes inédits (1968).

Il allait de soi, à mon avis, de reprendre la présentation qu’en a fait Victor Lévy-Beaulieu intitulée « Jacques Ferron ou la magie retorse » puisque ce dernier s’est souvent réclamé du médecin écrivain, lui consacrant commentaires et ouvrages dont l’incontournable Docteur Ferron (1991). Comme le Pistolois ajoute fréquemment un descriptif aux ouvrages consacrés à un écrivain, il considère celui sur Ferron comme un « pèlerinage ». Dans sa manière, l’ouvrage n’est pas banal : il s’agit de dialogues qu’entretiennent des personnages de Ferron et de VLB. Ils nous font ainsi entrer par la voie royale dans l’œuvre du docteur telle que comprise, aimée et admirée par un de ses plus fervents lecteurs. On pourra s’interroger sur la façon de lire cet essai : je crois que la meilleure consiste à se laisser prendre au fil du récit en croyant dur comme fer à tout ce que les personnages racontent, la passion de VLB n’étant rien d’autre qu’une force éclatant en manifestations d’enthousiasme et d’affection. Nous sommes témoins de l’osmose entre la fiction et la réalité.

Revenons aux Contes. « Qu’ils soient fantaisistes ou drôles, magiques ou politiques, tous parlent du Québec, de ceux et celles qui l’habitent, le tout dans une langue truculente et un style incisif… Peu d’écrivains contemporains ont pratiqué ce genre littéraire exigeant qu’est le conte. Pour sa part, Ferron y a trouvé une forme qui convenait le mieux à son propos. Par la finesse de son écriture et l’imaginaire unique qu’il déploie, Ferron s’impose comme l’un des plus grands écrivains d’expression française. » (p. 1)

Les contes, souvent associés à l’enfance, peuvent intéresser les adultes. J. Ferron explique : « J’ai écrit des contes pour au moins deux raisons : la première, parce que j’ai assisté à des réunions de beaux conteurs, issus de toutes les classes , de tous les milieux, les uns, bacheliers, les autres analphabètes, qui, pourvu que leur hôte leur donnât à boire, pouvaient se relancer d’un crépuscule à l’autre… la seconde, parce que le conte, comme le pamphlet et le libelle, est, par définition, assez court et qu’il se trouvait à convenir au temps dont je disposais pour écrire. » (Du fond de mon arrière-cuisine. Les salicaires, Bq, 2015, p. 37)

Ne perdons pas de vue que le médecin écrivain a aussi pratiquée l’historiette, « petit récit d’une aventure de peu d’importance », dont une douzaine dans Du fond de mon arrière-cuisine. Les salicaires (Bq, 2015), un recueil de 37 textes.

Quels contes retenir parmi les 44 que compte le recueil? Ce serait mal avisé de faire un tel choix, car chacun de ces récits brefs éveille une image, une émotion, une réflexion ou un rire qui lui est propre. Par exemple, dans "L’enfant", tiré des Contes du pays incertain, la vie et la mort s’affrontent dans une bagarre imaginaire entre les derniers jours et la fin d’une vie, l’une remplaçant inexorablement l’autre selon les cycles de l’existence. Il faut dire que "L’enfant" fait écho à "La mort du bonhomme", un conte où le rire franc l’emporte sur une certaine tristesse.

Que dire de "Mélie et le bœuf" ou de "La Mi-Carême", sinon que l’écrivain emploie un ton drolatique pour souligner des traits d’une société ancienne et nous instruire de façon légère à des réalités ayant pourtant leur part de sérieux.

Un dernier exemple de conte tiré des Contes inédits et intitulé "Chronique de l’Anse Saint-Roch". En 17 tableaux, cette « chronique rapporte des faits qui ne sont pas toujours convenables, c’est que la vie est souvent inconvenante. Le principal est que tout s’arrange et qu’autour de la baie sauvage, peu à peu, les mœurs des vieux pays triomphent de leur peur barbare, adoucissant le cri des oiseaux qui passent par rafales au-dessus des maisons de l’anse avec le vent de terre. » (p. 276) Un des plus longs contes du livre, ce récit me semble un des exemples les plus frappants de l’étendue du talent de l’écrivain, de la maîtrise de son art, de ce qui fait son style et des registres de son imaginaire.

Que vous connaissiez l’œuvre de Jacques Ferron ou que vous en fassiez la découverte, je vous suggère, avec insistance, de voyager dans son univers profondément ancré dans le Québec, qu’il appelle d’ailleurs un pays incertain, et d’apprécier son regard ironique porté sur les personnages comme sur les situations, parfois équivoques, qui l’inspirent.

mercredi 24 mars 2021

Julien Lefort-Favreau

Le luxe de l’indépendance. Réflexions sur le monde du livre

Montréal, Lux, coll. « Futur proche », 2021, 168 p., 19,95 $.

Juste mesure et institution littéraire

La pandémie aura ramené, en chair et en os, des lectrices et lecteurs dans les librairies de quartier. D’autres ont découvert leslibraires.ca, un site transactionnel profitant du fonds de plus de 100 librairies indépendantes du Québec. Enfin, de l’avis de plusieurs libraires, le livre québécois a aussi largement profité de l’épidémie comme s’il s’agissait d’une valeur refuge.

C’est dans cet environnement de grandes bibliothèques comme on en voit tant sur la toile, ces beaux espaces plus admirables que tous les félins égarés dans l’arrière-pays numérique, que je me suis intéressé à l’essai de Julien Lefort-Favreau, Le luxe de l’indépendance. Réflexions sur le monde du livre.

 

Cet essai propose une analyse sociocritique de la planète livre, de l’édition à la commercialisation, tant du point de vue politique qu’économique, en s’appuyant sur des exemples venant de France et quelques-uns du Québec. Entendons-nous : quand j’écris politique, je fais référence à l’organisation des sociétés, des entreprises œuvrant dans le secteur du livre dans son entièreté. L’essayiste s’intéresse aux règles qui ont encadré ou encadrent l’édition, l’impression et la diffusion du livre. Il regarde aussi la volonté d’artisans de protéger les pratiques minimalistes qui, selon certains, permettent de mieux gérer la liberté de publier sans autre intention que d’ouvrir leurs portes à des autrices ou des auteurs engagés, loin des saveurs du jour.

L’univers qu’explore Lefort-Favreau me semble, à maints égards, le même que celui de Mark Fortier, son éditeur et patron de Lux Éditeur, dont la mission est identifiée ainsi sur son site : « Nourrir l’esprit, inspirer les révoltes… » Et d’ajouter qu’il s’agit bien d’une « maison d’édition indépendante spécialisée dans les domaines de l’histoire des Amériques et de la réflexion politique, d’inspiration libertaire, ce qui ne l’empêche pas de posséder une modeste, mais excellente collection d’ouvrages de littérature, de théâtre et de poésie ».

L’essayiste résume ainsi son propos :

« Au fil de mes recherches, j’ai identifié trois types d’indépendance éditoriale. Premièrement, certains discours et pratiques semblent justifier une "indépendance esthétique", acception qui recoupe fortement le concept d’avant-garde, comme on le verra plus loin. Deuxièmement, on assiste à des proclamations d’indépendance "politique" ou "idéologique" des éditeurs face à l’État, à des groupes de pression, à l’appareil judiciaire. Finalement, l’indépendance se définit directement sur le plan "économique" et se forme sur la base d’une opposition fondamentale au grand capital. » (p. 11)

Je ne reprocherai pas à Julien Lefort-Favreau d’avoir construit son point de vue du « luxe de l’indépendance » en s’appuyant sur celui d’analystes français et de situations bien réelles d’éditeurs « minimalistes ». Le chapitre 2, « Le miroir aux alouettes de l’indépendance », explique comment l’éditeur a parfois la tentation de devenir aussi gros que le bœuf avec une inventivité toute relative de partenariats, de minisatellites essaimés sur le territoire et de la diversification des sources de revenus, comme l’a fait Actes Sud, éditeur entre autres de Nancy Huston auquel Leméac fut associé.

Si je résume la pensée de Lefort-Favreau, « le luxe de l’indépendance » pour un éditeur, un distributeur ou un libraire, réside dans une indépendance éditoriale autorisée lorsqu’ils restent éloignés des grands conglomérats. Au Québec, à titre d’exemples d’indépendants, on pense, entre autres, aux éditions du Noroît, Écrits des Forges (qui célèbre son 50e anniversaire cette année), Lux, Leméac, Pleine lune, Sémaphore, Mémoire d’encrier, Alto, Trois-Pistoles, etc. Au sujet de cette dernière, VLB écrivait sur FB le 18 février dernier : « Fondées en 1996, les Éditions Trois-Pistoles ont publié depuis quelque chose comme 450 ouvrages. De graves ennuis de trésorerie… et le satané virus de la Covid-19… ajouté à ma maladrerie… ont failli tout faire exploser comme le font les naines jaunes! » Pas question pour le Pistolois de fermer boutique, habitué qu’il est de vivre de peu en mettant tout son avoir au service de « ces grands idéaux que sont la Patrie, la Libération des idées visionnaires et de celles et ceux qui les portent. »

Sur la fragilité des éditeurs qui paient le prix de leur indépendance, je suis surpris, tout en comprenant qu’il ne faut pas tenter le diable, que Lefort-Favreau n’ait pas rappelé l’exemple le plus terrible qui soit, celui des éditions Écosociété qui furent poursuivies par deux minières pour une somme de plusieurs millions suite à la parution de Noir Canada : Pillage, corruption et criminalité en Afrique, un « ouvrage faisant état de nombreux abus qu’auraient commis des sociétés minières canadiennes en Afrique. » « Cette bataille judiciaire a aussi inspiré le documentaliste Julien Fréchette, qui a réalisé Le prix des mots, un documentaire qui retrace le parcours judiciaire vécu par les auteurs et Écosociété. »

S’il est plus question d’éditeurs spécialisés dans les essais que dans la fiction, c’est, à mon avis, que généralement ceux qui font paraître des « best-sellers » sont vite avalés par des conglomérats. Il suffit de passer en revue le nombre de maisons d’édition québécoises appartenant au groupe Québecor et de retracer leurs origines pour comprendre que le moteur économique, dans le milieu du livre comme dans d’autres, est toujours de plus en plus gourmand. Quand Québecor Média a fait l’acquisition des maisons d’édition chapeautées par Sogides, la société de Pierre Lespérance, il devenait LE conglomérat du livre au Québec.

Cela sans oublier que Québecor était aussi propriétaire d’Archambault, un magasin de musique d’abord familial auquel il ajouta la vente de livres. Encore là, l’économie étant la ligne directrice des grandes sociétés, Archambault fut plus tard cédé à la société Renaud-Bray, faisant de celle-ci un conglomérat de librairies vendant également CD, DVD, instruments de musique, et tant d’autres produits.

Les « réflexions sur le monde du livre » peuvent sembler à mille lieues de nos préoccupations, mais il ne faut surtout pas les balayer du revers de la main surtout quand on imagine le poids que les Amazon de ce monde font peser sur la chaîne du livre. Il existe chez nous une loi du livre, longtemps appelé loi Vaugeois du nom du ministre péquiste qui en fut l’instigateur (voir https://www.mcc.gouv.qc.ca/index.php?id=4385), qui encadre l’ensemble du domaine du livre, dont la propriété des maisons d’édition. Le monde du livre québécois semble en excellente santé, si on tient compte du grand nombre d’éditeurs indépendants et de la chaîne de commercialisation. Hélas, le premier maillon de cette chaîne, les autrices et les auteurs, est très faible, car il n’est pas encore reconnu un étant métier comme le sont éditeurs, imprimeurs et, dans une certaine mesure, libraire, etc. Il ne dépend que de nous, lectrices et lecteurs, de supporter notre institution littéraire et ses composantes. Comme je ne cesse de le répéter depuis plus de 40 ans : lire est l’activité culturelle la moins dispendieuse à exercer.

Oui, Le luxe de l’indépendance. Réflexions sur le monde du livre, c’est celui de toutes les minuscules maisons d’édition québécoises dont il faut encourager les initiatives et la production de qualité.

mercredi 17 mars 2021

Dominique Fortier

Les larmes de Saint-Laurent

Québec, Alto, coll. « Coda », 2012, 344 p., 16,95 $ (papier), 10,99 $ (numérique)

Le cabinet des curiosités

Variant ou évoluant, s’adaptant ou se modifiant : ces mots hypnotisent notre entendement. Pourtant, ils décrivent ce que nous faisons dès notre conception, de l’embryon à la naissance, et pour le reste de nos jours sous la forme du vieillissement. Il en va de même pour une œuvre artistique. Il m’arrive de découvrir une écrivaine alors qu’elle bâtit son œuvre, de faire un retour en arrière pour lire ses premiers livres et y observer les variants qui font son style, sa personnalité littéraire.

J’ai ainsi voulu m’attarder au roman, Les larmes de saint Laurent (Alto, 2010), second récit original de Dominique Fortier, qui propose trois textes d’époques – du 19e au 21e siècle – et de territoires différents – d’un village de Martinique à une ville d’Angleterre à Montréal – et en fait une seule et même histoire.


 

Le récit fondateur s’intitule « Monstres et merveilles ». Nous y accompagnons Baptiste, un habitant de la ville de Saint-Pierre, en Martinique, d’où on voit au loin la montagne Pelée. Baptiste est un drôle de zig qui pratique mille métiers pour éviter les misères que la vie lui réserve. Fin renard, il réussit à se sortir des sales pétrins dans lesquels il a l’art de se mettre. Sauf qu’une fois, il ne peut échapper à la justice et il est incarcéré dans un cachot imprenable tel un donjon, sans fenêtre d’où apercevoir la mer et sentir ses odeurs iodées.

Survient le matin du 8 mai 1902, la terre tremble tant que Baptiste a peine à se tenir debout. Plus il ressent le séisme plus il croit sa fin venue. Pourtant, le volcan a donné des signes avant-coureurs, dont cette poussière grise recouvrant tout sur son passage et les émanations de soufre. La Pelée en éruption, elle tue la population entière de Saint-Pierre, sauf Baptiste dans sa geôle.

Baptiste Cyparis – c’est le nom qu’il donne aux autorités – devient un personnage : le Revenant de l’Apocalypse, un être d’exception par la force des choses. L’éclaireur du cirque Barnum & Bailey vient un jour le rencontrer et lui propose un travail au sein d’une troupe où animaux exotiques, êtres humains au physique exceptionnel – jumeaux siamois, femme à barbe, petite personne, etc. – se partagent le grand chapiteau.

C’est ainsi que Baptiste parcourt les États-Unis et découvre une modernité dont il ignorait l’existence. Plus important, il fait partie d’une famille qui, comme toutes les familles, connaît ses différents, ses fous rires et ses grandes peines, l’entraide et le chacun-pour-soi. Cela lui convient, car il ne se sent pas trop encadré ou trop obligé. Cette famille devient la sienne quand il épouse Alice et prend soin d’Élie, une union qui lui impose de ne pas flirter avec Stella. La chair est faible, Élie les voit, Baptiste ne peut plus reculer. C’est un incident tragique qui ramène Baptiste en prison, s’accusant d’un crime qu’il n’a pas commis pour protéger le jeune coupable.

Si le séisme de la montagne Pelée et la vie de Baptiste sont au centre du premier récit, c’est un jeune mathématicien anglais qui mène la trame de « l’harmonie des sphères ». Les parents d’August Edward Hough Love, de riches bourgeois, souhaitent que leur fils devienne une personnalité au sein de la société qu’ils fréquentent. Or, Edward s’intéresse à une seule chose : étudier. À peine sait-il écrire et compter qu’il imagine des calculs sur tout ce qui l’entoure comme s’il était doué de sciences infuses.

Du matin au soir, il s’adonne à des quêtes successives au grand désespoir de ses parents qui aimeraient bien qu’il se trouve une compagne digne d’être des leurs et qu’ensemble ils fondent un foyer. Hélas pour eux, Edward n’est pas du genre à courir le billet doux. Un jour pourtant, Garance, une « jeune Française à l’accent chantant et qui paraissait préférer de loin le piano à ses responsabilités de maîtresse de maison », entre dans sa vie. (p. 155) À cette époque, Edward s’intéresse à la planète terre et à certaines de ses réactions, dont l’écoute du sol permet d’anticiper les mouvements. Quant à Garance, en bonne musicienne, elle est captivée par les sons, tous les sons. Or, lorsque le garçon la rencontre, elle a l’oreille collée au sol à écouter les harmonies ou les cacophonies de la planète.

Le logement des tourtereaux devient vite un capharnaüm innommable. Leur aversion pour les trivialités du quotidien les amène à négliger les choses aussi basiques que cuisiner, faire le ménage et autres obligations vitales. Le couple se concentre sur la passion de chacun qui rythme leurs horaires et déplacements. Ainsi, ils se rendent même en Italie pour constater les dégradations de l’environnement du Vésuve, comme ils le feront du volcan Pelée.

Surprise! Garance constate qu’elle est enceinte. Le couple hésite entre joie et panique, cette grossesse n’ayant jamais été envisagée. À partir de ce moment-là, les choses vont rapidement et leur imprévoyance entraîne le décès de la jeune femme en couche. Le jeune père panique et confie les jumeaux Hyacinthe et Violette à sa mère. C’est devant la fosse où git le cercueil de Garance qu’il a une épiphanie : « rendre compte de ce que c’était d’être vivant sur cette planète n’était rien si l’on ne rendait pas compte de la manière dont cette planète elle-même était vivante. » (p. 206)

Quatre ans plus tard, Edward amène les jumeaux admirer les Perséides « que Garance avait toujours appelées "larmes de saint Laurent" en l’honneur du malheureux saint né à la fin de l’été et dont elle assurait que les étoiles étaient les pleurs versés chaque année à la même époque. » (p. 207) Arrive le point final des recherches et de la vie d’Edward, un ouvrage intitulé Théorie Mathématique de l’Élasticité.

« L’harmonie des sphères » m’a fait penser à un terrain de jeux intellectuels tant Dominique Fortier s’en donne à cœur joie avec le vocabulaire scientifique ou de la recherche fondamentale comme celui de la musique. Cela sans parler de cet objet abscons trouvé par Garance chez un chineur, un vase en bronze dont les « flancs supportaient huit dragons, tête en bas, dont sept tenaient dans leur gueule entrouverte une bille en métal de la grosseur d’un œuf de caille, au-dessus de grenouilles disposées dessous, celles-là la bouche béante, prêtes à recueillir chacune la sphère suspendue au-dessus d’elles. » (p. 175)

Si le volcan de la montagne Pelée est rappelé par Edward, c’est son ultime ouvrage et cette bizarrerie de vase qui sont évoqués dans « Love waves », troisième et dernier récit composant Les larmes de saint Laurent. Cette fois, nous sommes à Montréal, cent ans plus tard. Nous accompagnons une jeune femme dont l’occupation consiste à promener quotidiennement les chiens de diverses personnes. Le mont Royal est son lieu de prédilection où ses amis les bêtes s’esbaudissent sous son regard bienveillant devant leur liberté retrouvée. Vladimir, Estragon, Paillasson et Lili l’écoutent au doigt et à l’œil comme si elle était leur chef de clan. S’ajoute Damoclès, un chien qu’elle a sauvé de l’abandon, promu gardien de la meute.

Un jour à la montagne, « sous le hêtre au pied duquel elle a l’habitude de s’asseoir quelques instants avant de poursuivre par le sentier rocailleux menant à l’université, se dresse ce jour-là un inukshuk fermement planté sur ses deux courtes jambes ». (p. 216) Par la suite, elle « découvre, différent et pourtant toujours fait des mêmes pierres, avec l’impression de retrouver un ami depuis longtemps perdu dont elle reconnaît les traits sous une série de masques. » (p. 217)

« Le boisé Saint-Jean-Baptiste est la propriété du Cimetière Mont-Royal » et les chiens doivent être tenus en laisse, ce qui la fâche. Apercevant un jeune homme qui semble s’occuper des lieux, elle l’invective sur ces règles injustifiables. Impassible, il lui fait d’abord remarquer que ses chiens semblent avoir froid, puis explique, exemple à l’appui, pourquoi les clebs doivent être attachés.

Les liens entre la promeneuse et l’employé du cimetière se tissent au fur et à mesure qu’on découvre leurs centres d’intérêt et la liberté que leur enseignent la faune, la flore, la nature et leurs lectures. Petit à petit, l’un et l’autre se révèlent : lui par ses différentes lectures dont Théorie Mathématique de l’Élasticité d’Edward Love, elle par sa détermination à vouloir supprimer toutes entraves à ce qui bouge sur terre. Ils s’apprivoisent sans jamais s’identifier et sans exprimer leurs sentiments.

Un jour, voyant « la silhouette du chapiteau tout blanc que vient planter le cirque à la lisière de la ville », elle éprouve un malaise qui devient une mise en abyme racontant un numéro de trapèze qui vire au drame quand Colombine, la trapéziste, « est brutalement ramenée vers le haut à mi-chute » grâce au harnais qui la retient et que son compagnon, Pierrot, « atterrit violemment dans le filet de sécurité ». Que raconte cette parenthèse, sinon une page d’un passé composé où la jeune femme s’appelait Colombine que son amoureux n’a pu rattraper.

Puis, les événements se suivent dans une certaine langueur : le décès de Damoclès, l’hospitalisation de la jeune femme, la traversée de la rue Saint-Laurent à partir du fleuve en direction nord, etc. La chute de la narration se déroule, une nuit durant, dans un mausolée du cimetière du Mont-Royal et cèle leur relation. Elle se nomme Rose Cyparis, lui William Love, faisant ainsi écho aux précédents récits.

Les larmes de saint Laurent joue de tous les registres qu’une narration peut exploiter, de la fiction pure au conte féérique, de l’imaginaire presque fantastique à la description du comportement humain. Chaque fois que le registre change, il convient à la situation vécue par les personnages comme s’ils exigeaient ces transformations. Ce roman a quelque chose du cabinet de curiosités abritant « des choses rares, nouvelles ou singulières ».

mercredi 10 mars 2021

Jean-Benoît Nadeau

Écrire pour vivre. Conseils pratiques à ceux qui rêvent de vivre pour écrire, 2e édition, revue et augmentée

Montréal, Québec Amérique, coll. « Dossiers et documents », 2021, 416 p.,26,95 $ (papier), 17,99 $ (numérique).

Vivre pour écrire ou écrire pour vivre?

Quelle mort prochaine n’a-t-on pas annoncée à l’arrivée de telle ou telle nouveauté du monde des communications? Parmi les plus récentes, les réseaux sociaux sont devenus la pierre tombale de productions médias dont il faudrait dresser une liste pour en faire ne serait-ce que l’énumération. L’écriture et la langue, par exemple, figurent toujours parmi les victimes collatérales des Facebook de ce monde comme les appareils mobiles, téléphone ou tablette.

Or, contrairement à l’hécatombe annoncée, jamais n’a-t-on tant écrit, les nouveaux médias réclamant des personnels pour alimenter les générations spontanées de plateformes émergentes. C’est pourquoi, voyant paraître une seconde édition d’Écrire pour vivre. Conseils pratiques à ceux qui rêvent de vivre pour écrire, j’ai voulu savoir où en était le prolifique Jean-Benoît Nadeau dans son analyse et ses conseils en ces matières.

D’entrée de jeu, il faut connaître la différence entre un individu qui veut écrire pour vivre et celui qui veut vivre pour écrire; le premier veut faire commerce de sa production, le second pratique l’écriture en dilettante. C’est toute la différence du monde comme le sont le peintre du dimanche et Clarence Gagnon ou Jean-Paul Riopelle, le pianiste de salon et le concertiste. Comme l’est aussi l’auteur et l’écrivain, le premier se limitant à communiquer par écrit, le second en faisant une œuvre d’art.

Revenons au guide de J.-B. Nadeau. Comme il le note, l’eau qui a coulé sous les ponts depuis la première édition de l’ouvrage en 2007, par exemple la prolifération des blogues, ces « pages Web personnelles où un internaute écrit, sur une base régulière et sur divers sujets, de courts billets au ton libre, habituellement présentés dans un ordre chronologique inversé et assortis de liens vers des pages analogues. »

Que dire de l’évolution ou de la transformation de certaines pratiques d’écriture ou des rapports avec icelles. Pensons au foisonnement de pigistes, femmes et hommes, qui sont venus nombreux grossir les carnets de contacts des journaux, papier ou numérique, des maisons d’édition, des spécialistes des rapports corporatifs de toutes sortes, etc. Sûrement que dans une éventuelle troisième édition du guide, l’auteur soulignera le travail à distance comme un facteur « aggravant » du nombre de travailleurs autonomes de l’écriture.

L’abondante matière d’Écrire pour vivre est organisée en cinq sections : proposer, se projeter, se financer ou négocier, produire et faire sa publicité. Qu’ont d’affaire ces actions à l’écriture? Il est ici question de faire commerce de compétences et de faire valoir un ou des talents en lien avec le ou les besoins d’individus ou de sociétés. Bref, on veut faire en sorte que le travail d’écrire soit un gagne-pain respectable et raisonnable.

Jean-Benoît Nadeau a une longue expérience du travail d’écrivain public, une autre façon de nommer celle ou celui qui écrit pour vivre. Ce sont ces années sur le terrain qu’il codifie en tenant compte de divers changements techniques ou sociaux survenus depuis 2007. Prêchant par l’exemple, l’auteur développe un argumentaire détaillé sur les modifications significatives du contenu de l’ouvrage, un document disponible sur le site de son éditeur Québec Amérique. Écoutons-le.

« Sur la forme, la principale innovation est l’usage d’une écriture inclusive qui suit certains principes simples comme l’alternance des genres pour les titres et fonctions génériques, la règle d’accord de proximité et de majorité. Le tout permet une lecture plus ouverte sans alourdir le texte. Sur le fond, j’ai introduit un nouveau chapitre 2 qui explique comment " trouver sa gang ". Car la réalité est que quiconque débute pour faire le métier d’écrivain n’a pas les idées très claires et la plupart des débutants entrent dans le métier en se trouvant d’abord une tribu ou un club-école. C’est dans ce chapitre que je parle des principaux canaux où l’on peut entrer, notamment les publications spécialisées. »

« Dans la section sur les idées, j’ai introduit un nouveau chapitre 7 qui porte sur l’offre de service, c’est-à-dire la manière d’offrir ses services pour un nouveau genre d’idée qui n’existe pas ou pour un projet hors cadre. Autre nouveauté : c’est dans ce chapitre que j’aborde de front la problématique de la déontologie et du conflit d’intérêts. »

« Dans les chapitres 10 et 11 sur le droit d’auteur, j’ai introduit une discussion sur le problème du plagiat : quoi faire si on est plagié et comment éviter d’être plagiaire. »

« J’ai créé une nouvelle section appelée "argent" (3e section), j’ai écrit un nouveau chapitre sur la question généralement du financement de son travail, avec une discussion sur les bourses, mais aussi les taxes de vente. Les chapitres sur la négociation sont les mêmes sauf que j’ai séparé en deux chapitres distincts la négociation sur l’argent et la négociation sur le reste (les attentes, les conditions d’exécution, la propriété, les frais et les modalités). Dans le chapitre sur le contrat et celui sur la communication, j’ai introduit une discussion sur la médiation. »

« Dans la section "produire", il y a assez peu de changement, mais j’ai beaucoup resserré et actualisé le chapitre sur la recherche. »

« Pour la dernière section sur "la publicité", j’ai fait un très gros ménage, en séparant très très clairement le chapitre sur les gestes à faire pour se faire bien voir de nos clients du chapitre suivant où l’on travaille plus activement à se faire un nom. Le dernier chapitre porte sur la publicité proprement dite, et plus exactement la campagne pour vendre un produit ou un événement spécifique (livre ou conférence, par exemple). »

« Autre petite nouveauté sympa à la fin : il y a quelques pages de "maximes à découper" pour votre "frigo déco". Incidemment, cet aide-mémoire résume parfaitement le livre. »

Ce que j’apprécie le plus d’Écrire pour vivre. Conseils pratiques à ceux qui rêvent de vivre pour écrire, c’est que J.-B. Nadeau applique les éléments théoriques qu’il professe dans la rédaction même de son livre. Quand cela ne suffit pas, il n’hésite pas à donner des exemples pratiques en les mettant en contexte, ce qui est incontournable quand il est question d’écrire pour vivre, car un même texte aura ses particularités selon le lectorat visé.

Que vous soyez étudiantes ou étudiants en lettres, en journalisme ou en recherche scientifique, vous aurez inévitablement des documents à produire dans le cadre de vos activités professionnelles. Ce guide vous sera alors d’une grande utilité et vous ne devez pas hésiter à le consulter.

(Cette chronique est inspirée de la présentation que fait l’auteur sur https://www.quebec-amerique.com/livres/biographies-idees/dossiers-documents/ecrire-pour-vivre-10375)

mercredi 3 mars 2021

Jean Désy

Non je ne mourrai pas

Montréal, Mémoire d’encrier, coll. « Poésie », 2021, 128 p., 17 $.

La vie sens dessus dessous

La mémoire est une prestidigitatrice dont l’illusion de faire disparaître, à coups d’abracadabra, des moments d’existence, n’est qu’une manipulation de l’esprit. Comment ai-je pu oublier que le dernier numéro de Lettres québécoises que j’ai codirigé avait pour invité Jean Désy, médecin, professeur et écrivain? Double tour de passe-passe : j’ai été surpris que ce soit son éditeur et ami Rodney Saint-Éloi qui a fait son entrevue.


La magie n’a pas fait long feu et j’ai relu avidement l’autoportrait, l’entrevue et le profil de l’œuvre de Jean Désy, parue à ce moment-là, pour m’immerger dans son univers qui est tout, sauf banal. C’est ainsi que je me suis préparé à entrer convenablement en lecture de Non, je ne mourrai pas, un récit fulgurant n’ayant pas d’autre choix que d’être poétique, sinon il aurait été comme un appel, un cri désespéré.

Laissons l’écrivain hisser la toile de fond sur laquelle son alter ego imaginaire projette une aventure dont il est à la fois victime et rescapé. « Il n’y a pas si longtemps, j’ai voulu plonger en écriture dans l’un des sujets les plus difficiles de ma vie, et pas seulement de ma vie de poète, mais de ma vie tout court : la mort… Ce sujet m’a bien sûr donné du fil à retorde. En m’y glissant, j’ai voulu réfléchir sur les différences essentielles que me semble exister entre les mots "vide" et "néant"… Pour sauver ma vie, et j’utilise cette métaphore consciemment, j’ai choisi de créer un personnage qui parle tout seul, égaré dans la toundra, en plein hiver, au Nunavik, grièvement blessé après un accident de motoneige, et qui se bat, en rageant et en priant, pour survivre. »

Ne craignez pas, cette histoire n’est pas triste, car, comme le poète argentin le rappelle en exergue, « tandis que tu fais une chose ou l’autre, quelqu’un est en train de mourir. » Ce récit tient à la fois du conte par la fulgurance de l’aventure qu’il raconte, à la fois de l’allégorie par l’hyper symbolisme de cette même aventure.

Jean Désy, il faut le savoir, atterrit pour la première fois au Nunavik en janvier 1990 et c’est l’éblouissement. « Après le pays nord-côtier et le Nitassinan innu, puis la Baie-James et le Eeyou Istchee cri, apparaît le Nunavik. Magnificences de la toundra inuite. Fondamental coup de poing en pleine rêverie poétique. » Pas étonnant alors que le « Nord et le Grand Nord [soient] des lieux où, pendant toute ma vie, mon âme a volé, c’est ce que j’ai souvent ressenti. » et qu’il y ait situé cette histoire qui, de toute façon, n’aurait pu se dérouler ailleurs tant sa trame est liée à la toundra, sa végétation, sa faune et sa flore, et sa vastitude territoriale.

Pourquoi alors avoir choisi la poésie pour faire ce récit? « Curieusement, c’est sous forme de poèmes que le travail a évolué à partir du thème [la survie] qui me préoccupait. Le texte est donc devenu un long poème. C’est en particulier la rythmicité poétique qui m’a permis de me rendre jusqu’au bout de cette aventure qui, je dois le répéter, a été souffrante. De tout cœur, j’espère que quelques lecteurs et lectrices accepteront de ma suivre dans ce "conte-poème" qui touche au froid mortel, aux délires, à l’angoisse existentielle, mais aussi a la joie pure. »

Je réponds dès maintenant à l’espérance de l’écrivain : je vous ai suivi au bout de ce voyage, au bout de la vie auquel vous nous conviez et qui nous oblige à mettre en perspective tout événement que l’existence met sur notre route que l’on y consente ou non. Il me semble impossible que ce texte ait eu une autre forme que le poème, car il aurait alors pu prendre les allures d’une aventure presque triviale, presque un fait divers qui ne livre que le résultat d’un événement sans en communiquer l’essence même de sa nature.

Un homme, familier du Grand Nord, a un accident de motoneige, Désy l’écrit dans le prologue comme un échotier peut le faire dans le journal du lendemain. C’est à ce moment précis que nous, lectrices ou lecteurs, devenons les témoins des instants résumés dans le titre du livre : non, je ne mourrai pas. Car, c’est à cette tâche ardue que se livre le blessé. Oui, une de ses jambes a subi une profonde lacération, on l’imagine du moins. Oui, il n’a pour se protéger du climat et du territoire hostiles que son qamutik, son traîneau, une carabine et un couteau de chasse.

Nous passons avec lui les secondes, les minutes, les heures qui s’égrènent sans qu’il puisse quoi que ce soit. Son impuissance sonne l’alarme intérieure, puis éveille petit à petit son instinct de combattant, puis de survivant. Alors, pourquoi vouloir résister alors que les conditions de la mort semblent si bien rassemblées qu’elles sont inéluctables? Le rythme de la poésie, comme l’a dit l’écrivain, emprunte celui du sang qui bat dans sa chair et qu’il entend puisqu’aucun autre son ne monte de ce coin de contrée, pas même celui du vent.

Les sens semblent s’éveiller les uns après les autres. Les douleurs ressenties interpellent le blessé, tout en lui rappelant l’espèce humaine à laquelle il appartient. Puis, l’incontournable folle du logis s’emballe et va dans toutes les directions, de la peur à la joie, d’un passé irrécupérable à un avenir du tout possible. L’heure des bilans? Trop tôt malgré la fragilité de la situation. Jamais le héros dont nous sommes les témoins impuissants ne se laisse défaire par l’évocation d’une fin prochaine.

L’inquiétude, voire la peur ne surgit qu’à un ou deux moments. Quand nanuq, l’ours blanc, vient rôder et qu’il perçoit à travers le silence la lourdeur de son pas. Mâle ou femelle, seul ou avec un petit? Aucun mouvement, même celui d’un souffle n’est permis. Puis, quand la soif et la faim le gagnent et qu’il comprend que la maigre végétation qui l’entoure ne pourra suffire à le nourrir bien longtemps. Pourquoi n’a-t-il pas tiré le tuktu, le caribou qui s’est approché peu après l’accident? Parce qu’on ne tue pas inutilement une telle bête, qu’il n’en avait pas alors la force et qu’il croyait s’en sortir plus rapidement.

Tuktu revient, il le tue et évoque, plus qu’il ne raconte, ces instants presque surnaturels où la vie de l’animal et la sienne ne font plus qu’une. J’ose à peine imaginer ce qu’une description de l’événement aurait ajouté à son réalisme puisque tous les sens du blessé et toutes leurs facultés sont à ce point exacerbés qu’il est dans un état second, aux limites de sa résistance physique et mentale. Rassasié, il retrouve un certain équilibre sensoriel et affectif, ce qui lui fait comprendre que, non il ne mourra jamais.

Ce poème-récit de Jean Désy est troublant, car il nous fait partager une expérience plus réelle qu’imaginaire de ce qu’un être humain vit dans un territoire hostile où l’adversité le guette à chaque instant. Seule la poésie permet de transcender l’hyper réalisme des événements et les obligations dans lesquelles elles plongent le survivant. C’est, à mon avis, la justesse du ton, presque évanescent, de la poésie qui permet d’accompagner le narrateur dans son combat entre la vie et la mort.

En ces temps de pandémie, Non, je ne mourrai pas oblige à mettre en perspective les conditions de survivance des uns et des autres selon le degré d’abnégation, d’acceptation ou de résilience de chacune et chacun. « Humain trop humain » écrivait Nietzsche, ce que le personnage de Jean Désy illustre de façon magistrale, surtout sans cynisme.