Olga Duhamel-Noyer
Mykonos
Montréal, Héliotrope, 2018, 122 p., 19,95 $.
La misère des riches
Dany Laferrière a écrit qu’il ne
comprenait pas l’habitude de ses hôtes québécois d’écouter le bulletin de météo
toutes les dix minutes le matin, jusqu’au jour où il a enlevé hâtivement tuque
et foulard, la chaleur lui étant tombée sur le dos comme la misère sur celui
des pauvres gens.
C’est une question de climat qui
m’a poussé à lire Mykonos, le
quatrième roman d’Olga Duhamel-Noyer, écrivaine et éditrice. C’est aussi que ce
livre était un des dix ouvrages en présélection du Prix littéraire
France-Québec 2019, dont j’ai déjà recensé quatre autres des romans retenus.
Mykonos est une des îles grecques
les plus visitées par les touristes en quête du bleu de la mer et du blanc de
ses maisonnettes. L’image de Mykonos est celle d’une carte postale idyllique
qui a sûrement inspiré les quatre protagonistes du roman au moment de choisir
l’endroit où voyager loin de chez eux.
Christopher, Sebastian, Jules et Pavel
ne sont plus des enfants, mais des adultes dans la jeune vingtaine. Tout
indique qu’ils ont des familles aisées pouvant leur permettre un tel voyage.
Sur l’île, ils habitent la maison d’un oncle de Christopher et ils peuvent
jouir des lieux comme bon leur semble.
Dès les premières pages, on
commence à apprendre qui est chacun du groupe d’amis, en commençant par
Christopher qui, d’une certaine façon, est leur hôte. C’est aussi lui qui
exerce sur eux un leadership tranquille, entre autres en les guidant dans « le
labyrinthe blanc des petites rues de Mykonos Town, la foule dense, la musique
assourdissante et l’eau turquoise qui baigne l’abord des plages, tout autant
que les côtes rocheuses de l’île grecque ».
L’état d’esprit du groupe est bien résumé en quelques phrases : « Ils
sont libres désormais dans leur famille. C’est une liberté toute neuve. Mykonos
l’amplifie. L’étau se desserre. Ils ne savent pas exactement que faire de cette
liberté nouvelle, mais ils ont le temps d’apprend ce que veut dire prendre son
temps. Pour l’instant, le temps, comme la mer, est infini. »
Choisir une plage, une buvette ou
un bar, acheter des lunettes soleil ou d’autres attrape-touristes, regarder les
filles et flirter avec elles, observer la drague homosexuelle: cela peut
ressembler à apprendre le désœuvrement, ce qui n’est pas le cas de tous les
quatre garçons.
Des couples se forment et se défont,
le temps de quelques heures ou d’une nuit. Les uns préfèrent l’éphémère des
amourettes, trop jeunes pour s’engager. Les autres choisissent de s’abstenir de
toutes relations, même passagères, préférant profiter du paysage et d’un repos
qui sera vite passé.
Mais, les « nuits sont
longues à Mykonos. Dans ce roman solaire, elles peuvent également être
périlleuses. » Même s’ils déambulent généralement tous ensemble, ils ne
sont pas pour autant à l’abri des moqueries ou des ennuis que les touristes
peuvent connaître ou provoquer, à tort ou à raison. Il suffira d’un faux pas
pour que ces jours de farniente tournent au drame, brisant en mille morceaux
cette espèce de bienêtre qui, tel un miroir déformant, a gagné la raison des
vacanciers.
Quand cette désastreuse
maladresse se produira, on aura compris le véritable jeu de rôle au sein du
groupe, chacun, qu’il le veuille ou non, dépendant des autres. Ainsi, même
l’individualisme exacerbé cède le pas à la solidarité obligée du moment. « Tous
pour un, un pour tous », comme a dit Dumas.
Mykonos n’est peut-être pas un très grand roman, mais
l’auteure a créé des personnages qu’on aime ou qu’on hait, un exercice
littéraire qui n’est pas rien. Sans l’écrire tel quel, elle joue des contrastes
entre la beauté naturelle du décor et la laideur derrière, entre la grandeur et
la médiocrité d’humains laissés à eux-mêmes.