Hugo Meunier
Infiltrer Hugo
Meunier : enquête sur la vie des vedettes québécoises
Montréal, Lux, 2017, 208 p., 19,95 $.
Couvrez cette vérité,
je ne saurais la voir
L’autobiographie
est un genre littéraire connu depuis Montaigne, écrivain français du 16e,
mais surtout depuis les Confessions
(1782) de J.-J. Rousseau. Le sujet de cette forme d’essai est l’auteur lui-même
qui relate, en ordre chronologique, les événements choisis de sa vie. Remise au
goût du jour, cette forme de récit peut être considérée comme une suite
d’autoportraits dont l’ensemble constitue une fresque, plus ou moins vaste,
mettant en relief l’existence de l’auteur ou, du moins, ce qu’il veut bien en
dire.
Étant de la
vieille école, je crois que l’autobiographie est plus près des mémoires que du
journal personnel. Je suis donc toujours étonné qu’une « vedette »
montante ou sur le déclin s’adonne à une telle écriture, même en ayant recours
à un quelconque scribe. C’est pourquoi j’étais curieux d’Infiltrer Hugo Meunier : enquête sur la vie des vedettes québécoises,
désireux de voir ce que ce journaliste d’enquête, dont le passage remarqué dans
l’univers raëlien et dans celui de la chaîne Wal-Mart, a retenu du culte du
vedettariat qu’encourage l’autobiographie.
Le projet de
Meunier consiste à demander conseil à des auteurs ou des éditeurs de tels
livres, à lire quelques-uns des «classiques» du genre, et d’écrire sa propre
histoire au fur et à mesure de son enquête.
Pourquoi écrire
sa vie quand on a la jeune trentaine et qu’on vole, parfois haut parfois bas,
au firmament d’un minuscule « star-system » comme le nôtre? L’élément
déclencheur d’un tel projet varie selon l’événement ayant fait la une des
journaux spécialisés –grossesse, accident d’auto, séparation, maladie grave,
etc. – à moins que ce ne soit la défection du public qui vous trouve ringard.
Ces raisons, et
bien d’autres, tirent leur origine de la peopolisation de notre relation collective
avec les acteurs de la vie publique – culturelle, politique ou autres – que nous
voulons le plus près possible de notre propre modèle d’existence. Le mot «populaire»
résume bien ce concept tout en évoquant le caractère populiste de
l’autobiographie. Il n’en demeure pas moins que le récit de l’intimité,
intellectuelle ou autre, d’un lofteur ou d’une Voix de vingt ans risque d’être
mince et que l’intérêt qu’il suscite tient à un geste d’éclat ou à une obscure
machination dont le public veut tout savoir.
Parmi les « autobiographées »
que l’essayiste a rencontrées, les propos de Marie-Claude Savard semblent fort
juste, car la journaliste animatrice est d’un naturel déconcertant,
c’est-à-dire avec juste assez de fard pour préserver son indépendance. N’ayons
pas la naïveté de croire que l’auteur d’une autobiographie dit la vérité, toute
la vérité. Du moment où un individu est à la fois le sujet et le narrateur d’un
tel récit, sa réalité devient notre fiction.
Rappelons-nous
que l’œuvre de Michel Tremblay compte plusieurs personnages venus directement
de son enfance et, qu’en passant du souvenir à la réalité d’un roman ou d’une
pièce de théâtre, ils ont traversé le miroir de la fiction. Alors, quand il
s’agit de raconter sa propre existence en s’appuyant sur un événement
spécifique ou sur une période de temps trouble – je pense ici à Maxim Martin et
l’ère de ses dépendances –, rien n’empêche d’adapter la réalité au message que
l’on veut communiquer ou à l’image de soi qu’on veut projeter.
Hugo Meunier a
bien compris les leçons qu’on lui a données et il a choisi le ton badin pour
raconter quelques pages de sa propre histoire. Ce faisant, il fait à nouveau la
preuve que les gens heureux n’ont pas d’histoire. Ou si peu.
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