mercredi 29 novembre 2017

Hugo Meunier
Infiltrer Hugo Meunier : enquête sur la vie des vedettes québécoises
Montréal, Lux, 2017, 208 p., 19,95 $.

Couvrez cette vérité, je ne saurais la voir

L’autobiographie est un genre littéraire connu depuis Montaigne, écrivain français du 16e, mais surtout depuis les Confessions (1782) de J.-J. Rousseau. Le sujet de cette forme d’essai est l’auteur lui-même qui relate, en ordre chronologique, les événements choisis de sa vie. Remise au goût du jour, cette forme de récit peut être considérée comme une suite d’autoportraits dont l’ensemble constitue une fresque, plus ou moins vaste, mettant en relief l’existence de l’auteur ou, du moins, ce qu’il veut bien en dire.




Étant de la vieille école, je crois que l’autobiographie est plus près des mémoires que du journal personnel. Je suis donc toujours étonné qu’une « vedette » montante ou sur le déclin s’adonne à une telle écriture, même en ayant recours à un quelconque scribe. C’est pourquoi j’étais curieux d’Infiltrer Hugo Meunier : enquête sur la vie des vedettes québécoises, désireux de voir ce que ce journaliste d’enquête, dont le passage remarqué dans l’univers raëlien et dans celui de la chaîne Wal-Mart, a retenu du culte du vedettariat qu’encourage l’autobiographie.
Le projet de Meunier consiste à demander conseil à des auteurs ou des éditeurs de tels livres, à lire quelques-uns des «classiques» du genre, et d’écrire sa propre histoire au fur et à mesure de son enquête.
Pourquoi écrire sa vie quand on a la jeune trentaine et qu’on vole, parfois haut parfois bas, au firmament d’un minuscule « star-system » comme le nôtre? L’élément déclencheur d’un tel projet varie selon l’événement ayant fait la une des journaux spécialisés –grossesse, accident d’auto, séparation, maladie grave, etc. – à moins que ce ne soit la défection du public qui vous trouve ringard.
Ces raisons, et bien d’autres, tirent leur origine de la peopolisation de notre relation collective avec les acteurs de la vie publique – culturelle, politique ou autres – que nous voulons le plus près possible de notre propre modèle d’existence. Le mot «populaire» résume bien ce concept tout en évoquant le caractère populiste de l’autobiographie. Il n’en demeure pas moins que le récit de l’intimité, intellectuelle ou autre, d’un lofteur ou d’une Voix de vingt ans risque d’être mince et que l’intérêt qu’il suscite tient à un geste d’éclat ou à une obscure machination dont le public veut tout savoir.
Parmi les « autobiographées » que l’essayiste a rencontrées, les propos de Marie-Claude Savard semblent fort juste, car la journaliste animatrice est d’un naturel déconcertant, c’est-à-dire avec juste assez de fard pour préserver son indépendance. N’ayons pas la naïveté de croire que l’auteur d’une autobiographie dit la vérité, toute la vérité. Du moment où un individu est à la fois le sujet et le narrateur d’un tel récit, sa réalité devient notre fiction.
Rappelons-nous que l’œuvre de Michel Tremblay compte plusieurs personnages venus directement de son enfance et, qu’en passant du souvenir à la réalité d’un roman ou d’une pièce de théâtre, ils ont traversé le miroir de la fiction. Alors, quand il s’agit de raconter sa propre existence en s’appuyant sur un événement spécifique ou sur une période de temps trouble – je pense ici à Maxim Martin et l’ère de ses dépendances –, rien n’empêche d’adapter la réalité au message que l’on veut communiquer ou à l’image de soi qu’on veut projeter.

Hugo Meunier a bien compris les leçons qu’on lui a données et il a choisi le ton badin pour raconter quelques pages de sa propre histoire. Ce faisant, il fait à nouveau la preuve que les gens heureux n’ont pas d’histoire. Ou si peu.

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