Jean-François Lépine
Janine Sutto : vivre
avec le destin
Montréal, Libre expression, 2010, 392 p., 29,95 $
(papier), 21,99 $ (numérique).
Pour saluer Janine
Sutto
Cette recension parue dans
l’édition du 10 mars 2011 de l’hebdomadaire Le Canada français, la biographie
ayant mis un certain temps à me parvenir. Cette attente valait la peine, car l’ouvrage, écrit par le journaliste Jean-François Lépine, est plus que le récit
chronologique d’une vie. C’est à la fois les mémoires d’une comédienne et les éphémérides
de près de 80 ans de théâtre au Québec.
Tout commence le 20 avril 1921, à
Paris, lorsque Léopold Sutto et Renée Rimbert ont un deuxième enfant, Janine.
Sans être riche, les Sutto sont à l’aise jusqu’au krach boursier de 1929;
commence alors une période d’incertitude qui amène la famille au Canada. Malgré
ses huit ans, Janine « rêve déjà de devenir elle-même actrice ».
En 1940, à 19 ans, Mme Sutto fait
son entrée au théâtre grâce à Mario Duliani qui lui propose de jouer dans L’Aiglon de Jean Rostand en compagnie,
entre autres, de Jean-Louis Roux, Paul Guèvremont et Yvette Brind’Amour.
Une fois admise dans le cercle des
jeunes acteurs, elle passe du théâtre à la radio, de l’Arcade aux radioromans. Elle
rencontre Pierre Dagenais, un génie de la scène qui fonde l’Équipe, une troupe
d’avant-garde. Dagenais et Sutto en viennent à former un couple à la ville
comme à la scène.
Ce mariage sera à l’exemple de
l’Équipe, de l’enthousiasme à l’échec. La comédienne partira alors faire un
séjour d’un an à Paris pour y parfaire son apprentissage de la scène. C’est là
qu’elle retrouve Henry Deyglun, un comédien et écrivain français né en 1903,
lui aussi établi au Québec où il a femme et enfants.
De retour à Montréal en août 1947,
la carrière de Janine Sutto reprend de plus belle et sa relation avec Deyglun
se poursuit. Quand arrive la télévision en 1952, la comédienne et ses camarades
entrent sans hésiter dans ce nouvel univers. Tout au long des années 1952-1960,
la SRC diffuse des pièces de théâtre en direct ou en différé presque toutes les
semaines, sans oublier les premiers téléromans, dont Un homme et son péché. Ce sera l’époque de Marcel Dubé et de sa
bande d’acteurs dont font partie les Janine Sutto, Jean Duceppe, Denise
Pelletier, Monique Miller, Catherine Bégin et de nombreux autres.
En 1953, Mme Sutto s’installe
avec Henry Deyglun, à Vaudreuil, non loin de chez Félix Leclerc. Le couple aura
alors une vie sociale très active, avant que la carrière de Deyglun périclite.
Le 22 septembre 1958 naissent les jumelles Mireille et Catherine, cette
dernière atteinte de trisomie. Janine Sutto est de plus en plus le soutien de la
famille. Plus tard, elle réalisera qu’elle a souvent laissé une lourde tâche à
Mireille qui protégeait sans cesse sa sœur démunie.
Divers aléas hantent la vie de
Janine Sutto : son manque constant d’argent, sa vie amoureuse instable,
l’alcoolisme et le secret dont elle entoure sa vie personnelle. Elle résout la
question d’argent en confiant l’administration de ses biens à un comptable et
la question de l’alcool en cessant de boire.
Restent ses amours et sa vie
secrète. Janine Sutto : vivre avec
le destin rompt définitivement le silence qui a pu protéger sa vie
d’artiste; il me semble très rare que des mémoires aillent aussi loin dans la
confidence. Mme Sutto semble s’être gardé un minuscule jardin où elle a
installé ses pensées intimes et cet amant qu’elle nomme D. Le livre que lui a
écrit son gendre, Jean-François Lépine, nous en apprend autant sur elle que sur
l’histoire du théâtre d’ici, entre autres en résumant parfaitement la trame d’un
très grand nombre de pièces dans lesquelles elle a joué. C’est ainsi que son
patrimoine devient le nôtre.
Je vous salue donc, Janine Sutto,
en souvenir de ces étés à vous croiser quotidiennement au Théâtre des Prairies,
à Joliette, où je travaillais avec la ducepperie.
Aujourd’hui, 28 mars 2017, vous
êtes parties rejoindre dans l’au-delà vos amis, vos amours et vos rêves, enfin
libérée de toute contrainte. Reposez en paix, Madame.
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