Gilles Archambault
Comment de temps
encore?
Montréal, Boréal, 2017, 144 p., 18,95 $.
À quand la dernière
page?
Si les changements climatiques
sont une évidence pour la majorité d’entre nous, au point de ne pas savoir quel
vêtement porté matin, midi ou soir, les quatre saisons se manifestant en un
même jour, il y a des certitudes dans le paysage littéraire, dont la nature
d’un nouvel ouvrage de Gilles Archambault.
Alors que paraît Combien de temps encore?, son 34e
livre, je me souviens être entré dans son univers en 1980, lors de la réédition
de Parlons de moi, un roman dans
lequel un homme dans la quarantaine fait un bilan du pathétique de son
existence. C’est, me semble-t-il, ce même monologuiste qui nous convie
aujourd’hui à l’exposition de petits récits qui, tels des motifs de céramiques,
tracent la fresque d’une mort lente, appréhendée par des événements sans
véritable conséquence, sinon de donner l’espoir d’en finir.
On retrouve avec plaisir le style Archambault dans chacune des 24 histoires brèves qui composent le livre, constituant, dans son ensemble, le tableau morcelé de faits divers qui occupent le quotidien d’une personne âgée. À 83 ans, comment un écrivain comme lui peut-il renouveler son fonds de commerce thématique, tout littéraire est-il, ou rafraîchir le travail artistique qui l’amène sous les yeux des lecteurs? Gilles Archambault parvient encore à surprendre tantôt par un détail sur l’état d’esprit d’un personnage ou par le qualificatif choisi pour faire remarquer un objet banal, mais qui, néanmoins, guide l’action dans une direction qui surprend ou étonne.
La nouvelle initiale du recueil donne
le ton. Les « Deux petits lacs » dont il est question font référence
aux yeux d’une certaine Vanessa et ils m’ont rappelé Anouk, personnage au cœur
de Doux dément, son précédent roman
paru en 2015. Puis, il suffit d’une anecdote futile — le passage quotidien des
enfants d’une garderie devant son logement —, pour que le héros veuille se
soustraire de ce tableau urbain, car « le petit blondinet en queue de
peloton me fait penser chaque fois à l’enfant que j’ai été. Je préférerais
l’oublier, celui-là. »
Je l’ai dit plus d’une fois :
si l’écrivain trempe rarement sa plume dans l’encre couleur d’optimisme, elle
en trace quand même les signes d’une ironie qui se moque d’abord de lui-même.
Les signes de la mélancolie douce des narrateurs de chacune des nouvelles —
aucun n’étant pas jamais bien loin de l’auteur — sont également faciles à identifier :
« Des livres, j’en ai écrit. Qu’ils me survivent me paraît improbable… Ma
femme a-t-elle connu un peu de bonheur avec moi? Je ne peux que le souhaiter. »
Si je devais choisir un seul de
ces récits qui résumerait bien l’ambiance du recueil, je retiendrais, sans
hésiter, « Comme neuf ». Ici, le propos peut sembler de prime abord
banal, mais il est tout autre. Jugez-en par vous-même : le héros refuse de
se défaire d’un vieux fauteuil dont le grincement des ressors fatigués est une
musique lui rappelant une époque passée et il préfère le confier à un
rembourreur pour ne pas faire entrer un intrus dans son appartement devenu
l’oasis de tous les silences qu’imposent irrémédiablement les souvenirs et la
nostalgie.
Combien de temps encore?, le récit éponyme qui clôt l’ouvrage en
deux pages, pose directement la question lancinante qui jette un brouillard sur
l’ensemble de l’œuvre : « Depuis peu, je préfère m’installer dans
l’idée de ma mort. Combien de temps encore? Mais, est-ce si important, dites? »
Ce à quoi on peut répondre que l’espoir d’écrire un autre livre peut prolonger
une existence, comme un petit miracle, autrement la vie serait comme celle d’un
moribond pressé d’en finir.
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