mercredi 5 juin 2024

Gatien Lapointe

Ode au Saint-Laurent précédé de J’appartiens à la terre, édition établie par Jacques Paquin

Montréal, PUM, coll. « Bibliothèque du nouveau monde », 2024, 248 p., 39,95 $.

Faire dos à l’Amérique? Jamais.

L’édition critique d’œuvres littéraires a des exigences de haut niveau, car elle s’adresse à un lectorat intéressé par la littérarité de certaines œuvres, telle l’évolution d’un livre ou de tous les textes constituant l’œuvre d’une ou d’un écrivain. Au Québec, c’est l’écrivain et universitaire Jean-Louis Major qui fondit la « Bibliothèque du Nouveau Monde » en 1986. Aujourd’hui la collection « bnm poursuit la mission de cette prestigieuse collection. Comme sa grande sœur, elle rassemble les textes fondamentaux de la littérature québécoise en des éditions critiques qui visent à assurer l'authenticité des œuvres et leur lisibilité. »

Parmi les ouvrages parus, je pense à l’intégrale des œuvres d’Anne Hébert – 5 volumes sous la direction de Nathalie Watteyne – et, récemment, celle de Jacques Brault – 4 volumes sous la direction de Jacques Brault et François Dumont.

Voilà que s’ajoute Ode au Saint-Laurent précédé de J’appartiens à la terre, un recueil de poésie de Gatien Lapointe dont l’édition a été établie par Jacques Paquin. Outre l’intérêt intrinsèque des poèmes de Lapointe et de l’appareil critique constitué par Paquin qui les accompagnent, il y a, pour la population de Saint-Jean-sur-Richelieu, le fait que Lapointe fut embauché comme professeur au Collège militaire royal du Canada à Saint-Jean-sur-Richelieu (1962-1969). Il se lia d’amitié avec Jean-Yves Théberge qui dirige alors la page « Arts et lettres » de l’hebdomadaire Le Canada français.

Laissons Jacques Paquin présenter son projet : « Gatien Lapointe (1931-1983) fait partie des grandes figures de la poésie au Québec. La parution du recueil Ode au Saint-Laurent, précédée de J’appartiens à la terre, en 1963, est un événement qui est resté marquant sur la scène littéraire. Non seulement le recueil a-t-il reçu tous les honneurs, mais la réception critique a été unanime sur les qualités de cette œuvre poétique qui s’inscrivait dans la thématique du pays, en particulier grâce au long poème qui célèbre le fleuve québécois. Le recueil est aussi remarquable parce qu’il fait partie des rares ouvrages à succès de la poésie québécoise, atteignant un tirage de plus de dix mille lors de sa dernière réimpression en 1969.

Les recherches qui ont abouti à cette édition critique remontent au début des années 2000. J’ai appris, de la part d’Armand Guilmette, ancien collègue et ami proche de Gatien Lapointe, que les héritiers avaient déposé les archives personnelles du poète au Musée québécois de culture populaire, à Trois-Rivières, dénommé aujourd’hui Musée Pop. C’est dans l’entrepôt du musée que j’ai pu découvrir la richesse des archives qui avaient été conservées. Mais ce n’est que plus tard, après avoir publié le journal intime – Gatien Lapointe : Journal 1950-1956 (PUL, 2020) – et une anthologie de poèmes de Lapointe – Poèmes retrouvés (Écrits des forges, 2016) Poèmes retrouvés (Écrits des forges, 2016), que j’ai commencé à déterminer l’ordre séquentiel des états rédactionnels du poème « Ode au Saint-Laurent ».

Deux ans plus tard, j’étais en mesure de partager les fruits de mon travail. Cette publication est l’aboutissement de recherches qui m’ont permis d’identifier les divers manuscrits de tous les poèmes du recueil. Le dépouillement des textes publiés dans les périodiques ainsi que dans les anthologies est venu compléter l’étude comparative dont les résultats sont consignés dans les notes et relevés des variantes, accessible gratuitement sur le site Internet des Presses de l’Université de Montréal.

Le cœur de cet ouvrage est la reproduction des poèmes de l’édition de 1966, qui sont accompagnés de notes visant divers objectifs : signaler la version d’un poème publiée dans un périodique, attirer l’attention sur un élément significatif de la poétique du recueil, sur une allusion littéraire ou artistique, fournir la référence des citations, enfin divulguer des informations sur l’identité des dédicataires. Pendant la période d’écriture de l’Ode, et même à l’aube des années 1970, Lapointe a rédigé des poèmes qui sont restés inédits ou qu’il n’a pas retenus pour les rendre publics. Il nourrissait également le projet de faire paraître des poèmes qu’il aurait regroupés sous le titre « L’homme en marche », et qu’on retrouvera placés après ceux de l’édition de 1966. À la suite, on pourra lire la série d’inédits qui sont restés à l’écart de l’Ode, mais qui offrent une évidente parenté avec les poèmes du recueil, soit parce qu’ils ont été écrits durant la même période, soit qu’ils partagent une poétique commune. Enfin, une dernière section rassemble trois témoignages précieux du poète sur le contexte de rédaction de son recueil.

Si Lapointe se livrait volontiers dans les entrevues qu’il accordait aux médias, une bonne partie de son parcours personnel et professionnel est néanmoins restée dans l’ombre. La consultation de sa correspondance, de son journal personnel ainsi que des curriculums vitae qu’il soumettait périodiquement à son université a permis d’éclairer plusieurs aspects méconnus de sa vie et dont rend compte la « Chronologie ».

Le milieu de la recherche, tout comme le lectorat curieux d’en apprendre davantage sur cette œuvre phare de Gatien Lapointe, pourra consulter avec profit la bibliographie exhaustive des poèmes, ainsi que des études dont le recueil a fait l’objet. Cet ouvrage s’adresse à un public qui souhaite lire un des grands recueils de la poésie québécoise dans sa version de référence tout en cherchant à répondre aux intérêts des spécialistes en histoire de la littérature et de l’édition québécoises, en poésie, en édition critique ainsi qu’en critique génétique. »

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