Michel Lord
25 ans de nouvelles québécoises par ses meilleurs
nouvelliers et nouvellières (1996-2020)
Bromont, de la Grenouillère, coll. « Essai », 2022,
344 p., 34,95 $.
Refaire le portait du monde à sa façon
Au début des années 1970, étudiant en littérature à McGill, je fréquentais des librairies non loin du campus. La première fois que je suis entré dans un bookstore, je fus surpris du nombre de rayons consacrés aux « short stories ». En faisant la remarque à une conseillère, elle m’a expliqué que ce genre correspondait à l’influence littéraire états-unienne. J’ai plus tard constaté cette évidence en fréquentant de tels établissements outre-frontière où le « short story » semblait le roi incontesté de la prose narrative.
La littérature québécoise n’est
pas en reste pour la publication de recueils de nouvelles, plusieurs éditeurs
littéraires lui consacrent une collection ou même l’entièreté de leur catalogue,
L’instant même étant un bon exemple. Il y a même un périodique spécialisé, XYZ,
la revue de la nouvelle, qui célèbre son 150e numéro cet été. D’autres
revues littéraires s’y intéressent aussi; par exemple, Lettres québécoises
qui a longtemps compté dans ses rangs LE spécialiste reconnu de la nouvelle, Michel
Lord.
Tout retraité qu’il soit, Michel
Lord demeure fort actif, entre autres en publiant deux livres en autant d’années,
soit une étude intitulée Anne Hébert contre vents et marées (Lévesque
éditeur, 2021) et, maintenant, 25 ans de nouvelles québécoises par ses meilleurs
nouvelliers et nouvellières (1996-2020) (de la Grenouillère, 2022).
Ce dernier ouvrage, un recueil
alphabétique proposant la recension de 160 recueils de nouvelles écrites par 71
nouvellières et nouvelliste, des articles parus au fil des ans, au cours de ses
longues et fructueuses collaborations à la revue Lettres québécoises, à l’annuel
Lettres canadiennes et à la revue University of Toronto Quarterly>.
Le critique a revu l’ensemble de ses propositions et rédigé les mises en
contexte appropriées.
Pour avoir été un lecteur assidu
des recensions de Michel Lord, j’ai pu observer sa façon d’aborder les livres sur
lesquels il a porté un regard diligent. Les études qu’il propose ici se lisent comme
une suite de nouvelles racontant non seulement la trame narrative des proses choisies,
mais aussi la place de ces récits brefs dans l’ensemble de l’œuvre des autrices
et auteurs, et dans le paysage littéraire québécois.
J’attire votre attention sur l’introduction
de 25 ans de nouvelles québécoises… L’essayiste y décrit le plus
simplement du monde son projet de livre qui n’est pas, insiste-t-il, un répertoire
de nouvelles à lire ou non, mais bien « des textes qui s’apparentent à la
critique de consécration, l’objectif étant de célébrer une pratique que d’aucuns
rangent à tort parmi les petits genres. » Il souligne que chaque « nouvel
auteur apporte, peu ou prou, un peu de tout ce qui fait son temps, privé ou
public, selon qu’il est discret, politique, ou pas, dans ses œuvres. »
25 ans de nouvelles québécoises…
donne aussi à observer l’évolution de la pratique de la chronique et de la
critique littéraire de M. Lord sur une période de 25 ans, ce qui n’est pas rien
en cette ère où l’éphémère et l’autoproclamation d’une expérience critique « innée »
sont rois.
Un autre aspect de l’anthologie, c’est
qu’elle témoigne des choix éditoriaux qu’un chroniqueur aguerri doit faire, de l’écriture
critique proprement dite – un genre littéraire en soi qui « n’a cessé de
soulever depuis le XVIe siècle, débats et controverses » (Laffont-Bompiani)
– et de son art d’appréhender de nouveaux recueils avec passion afin « de
faire découvrir et aimer ces beaux recueils qui ont jalonné le dernier quart de
siècle. »
Bref, « l’écrivain et
critique Michel Lord, qui a consacré son existence au genre bien particulier de
la nouvelle, situe les œuvres dans leur contexte, éclaire le lecteur sur la vie
des auteurs et montre à quel point s’affirme le genre littéraire dans lequel
les auteurs québécois manifestent un génie remarquable : astuces narratives,
critiques sociales, même confessions dans un mode d’autofiction ou d’autodérision,
création d’un autre univers, la nouvelle et celles et ceux qui s’y consacrent
au Québec n’ont de limites que leur imagination. »
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