mercredi 8 juin 2022

Michel Lord

25 ans de nouvelles québécoises par ses meilleurs nouvelliers et nouvellières (1996-2020)

Bromont, de la Grenouillère, coll. « Essai », 2022, 344 p., 34,95 $.

Refaire le portait du monde à sa façon

Au début des années 1970, étudiant en littérature à McGill, je fréquentais des librairies non loin du campus. La première fois que je suis entré dans un bookstore, je fus surpris du nombre de rayons consacrés aux « short stories ». En faisant la remarque à une conseillère, elle m’a expliqué que ce genre correspondait à l’influence littéraire états-unienne. J’ai plus tard constaté cette évidence en fréquentant de tels établissements outre-frontière où le « short story » semblait le roi incontesté de la prose narrative.

La littérature québécoise n’est pas en reste pour la publication de recueils de nouvelles, plusieurs éditeurs littéraires lui consacrent une collection ou même l’entièreté de leur catalogue, L’instant même étant un bon exemple. Il y a même un périodique spécialisé, XYZ, la revue de la nouvelle, qui célèbre son 150e numéro cet été. D’autres revues littéraires s’y intéressent aussi; par exemple, Lettres québécoises qui a longtemps compté dans ses rangs LE spécialiste reconnu de la nouvelle, Michel Lord.

Tout retraité qu’il soit, Michel Lord demeure fort actif, entre autres en publiant deux livres en autant d’années, soit une étude intitulée Anne Hébert contre vents et marées (Lévesque éditeur, 2021) et, maintenant, 25 ans de nouvelles québécoises par ses meilleurs nouvelliers et nouvellières (1996-2020) (de la Grenouillère, 2022).

Ce dernier ouvrage, un recueil alphabétique proposant la recension de 160 recueils de nouvelles écrites par 71 nouvellières et nouvelliste, des articles parus au fil des ans, au cours de ses longues et fructueuses collaborations à la revue Lettres québécoises, à l’annuel Lettres canadiennes et à la revue University of Toronto Quarterly>. Le critique a revu l’ensemble de ses propositions et rédigé les mises en contexte appropriées.

Pour avoir été un lecteur assidu des recensions de Michel Lord, j’ai pu observer sa façon d’aborder les livres sur lesquels il a porté un regard diligent. Les études qu’il propose ici se lisent comme une suite de nouvelles racontant non seulement la trame narrative des proses choisies, mais aussi la place de ces récits brefs dans l’ensemble de l’œuvre des autrices et auteurs, et dans le paysage littéraire québécois.

J’attire votre attention sur l’introduction de 25 ans de nouvelles québécoises… L’essayiste y décrit le plus simplement du monde son projet de livre qui n’est pas, insiste-t-il, un répertoire de nouvelles à lire ou non, mais bien « des textes qui s’apparentent à la critique de consécration, l’objectif étant de célébrer une pratique que d’aucuns rangent à tort parmi les petits genres. » Il souligne que chaque « nouvel auteur apporte, peu ou prou, un peu de tout ce qui fait son temps, privé ou public, selon qu’il est discret, politique, ou pas, dans ses œuvres. »

25 ans de nouvelles québécoises… donne aussi à observer l’évolution de la pratique de la chronique et de la critique littéraire de M. Lord sur une période de 25 ans, ce qui n’est pas rien en cette ère où l’éphémère et l’autoproclamation d’une expérience critique « innée » sont rois.

Un autre aspect de l’anthologie, c’est qu’elle témoigne des choix éditoriaux qu’un chroniqueur aguerri doit faire, de l’écriture critique proprement dite – un genre littéraire en soi qui « n’a cessé de soulever depuis le XVIe siècle, débats et controverses » (Laffont-Bompiani) – et de son art d’appréhender de nouveaux recueils avec passion afin « de faire découvrir et aimer ces beaux recueils qui ont jalonné le dernier quart de siècle. »

Bref, « l’écrivain et critique Michel Lord, qui a consacré son existence au genre bien particulier de la nouvelle, situe les œuvres dans leur contexte, éclaire le lecteur sur la vie des auteurs et montre à quel point s’affirme le genre littéraire dans lequel les auteurs québécois manifestent un génie remarquable : astuces narratives, critiques sociales, même confessions dans un mode d’autofiction ou d’autodérision, création d’un autre univers, la nouvelle et celles et ceux qui s’y consacrent au Québec n’ont de limites que leur imagination. »

Merci Michel Lord, passeur littéraire émérite et « critique de la célébration ».

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