Yvon Paré
Les revenants
Montréal, Pleine lune, 2021, 216 p., 22,95 $ (papier),
16,99 $ (numérique).
Visite au temps jadis
Quelle secousse sismique qu’a créée la rencontre de deux univers littéraires? J’étais à lire Les revenants, un roman d’Yvon Paré, et Ma Chine à moi (Trois-Pistoles, 2021), un nouveau récit de Victor-Lévy Beaulieu, m’est parvenu. À cet instant précis, les aventures de Richard-Yvon Blanc, le revenant du titre, se sont liées à celles du Jack Kerouac de VLB. J’y reviendrai.
Parlons d’abord de revenant, un mot qui a plus d’un sens. S’il évoque un retour après une absence plus ou moins prolongée, il fait aussi référence aux esprits ou aux fantômes inattendus ou inespérés. Les revenants du roman d’Yvon Paré sont du côté des absents, car ils ont quitté La Doré, municipalité du Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour une durée variable et moult raisons, certaines évoquant des esprits maléfiques.
Il faut voir ce retour aux terres
ancestrales comme celui des ouananiches, ces saumons d’eau douce qui remontent
le courant jusqu’à leur point d’origine pour aller y refaire le cycle de la vie
d’une génération à une autre. Cette métaphore et d’autres se relaient tout au
long des épisodes de l’histoire mettant en valeur la faune et la flore de la
région où le règne de la nature est aussi vital pour les humains que tout ce
qui y vit.
Qui sont celles et ceux qui s’amènent
auprès de Richard-Yvon Blanc, amnésique de son état, qui préfère qu’on l’appelle
Presquil, comme s’il était une terre liée à une autre, une image forte inspirée
du résultat négatif du référendum québécois de 1980? Il y a Félix qui dit connaître
Blanc d’avant qu’il ne parte faire des études dans la Métropole et pour réaliser
son grand projet : écrire. Il y a Jean-Sébastien, alias Bach, et sa
compagne Nokomis qui furent des universitaires. Que dire de Flavie, sinon qu’elle
est une artiste multidisciplinaire, arrivée au volant d’un autobus bringuebalant,
dont les passions qui l’habitent et la rendent imprévisible.
Il y a aussi M. Melville, de chat
qui suit Presquil pour s’assurer qu’il ne s’éloigne pas trop ni trop longtemps
par crainte qu’il se perde. Il y a Mammouth, la marmotte « domestique »
qui est, à sa façon, l’ambassadrice de la faune sauvage des alentours.
Comment Richard-Yvon Blanc s’est-il
retrouvé dans cette grande maison bleue vide? Mystère comme son passé, composé
et imparfait, que ses amis, telle une commune de l’époque du « peace and
love », tentent de lui redonner en l’aidant à reconstruire sa mémoire pour
le libérer de l’amnésie dont il est captif.
À quoi ressemble la vie de cette
microsociété? Presquil les voit ainsi : « Je me sentais inutile devant
Félix qui sablait, clouait pour refaire une jeunesse au Salutatus. De
son côté, Bach collectionnait les champignons, jouait de la guitare pendant des
heures, tentait de piéger une mélodie qui ne cessait de fuir. Nokomis croquait
chaque seconde comme un morceau de chocolat. Et Flavie cherchait la beauté du bout
de ses doigts. Tous avaient un chemin à suivre quand j’attendais sur la
galerie, face aux cyprès, la tête vidée de mon passé. » (p. 141-142)
Si la trame est consacrée à cette
quête du passé, la narration est bel et bien au présent. Pour distinguer ces
territoires, Yvon Paré a fait de son héros le narrateur de sa propre histoire
et choisi l’italique pour rendre tangibles – comme une distance narrative observable
– ses souvenirs, ses réflexions, son âme, sa conscience.
Je racontai plus haut la croisée du
roman Les revenants et du récit de Victor-Lévy Beaulieu. Cette rencontre
tient avant tout à la présence constante de Beaulieu dans l’univers de Presquil,
dont le Jack Kerouak semble la pierre philosophale de son existence. Le Pistolois
se transforme même en un personnage sacral.
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