Marie-Ève Martel et Gabrielle
Brassard-Lecours (dir.),
Prendre parole : Lettres de la (plus si jeune) relève
journalistique
Montréal, Somme toute, 2021, 120 p., 17,95 $.
Le faux n’engendrera jamais le vrai
Si Obélix, enfant, est tombé dans la potion magique, je suis tombé dans celle, tout aussi énergétique, de l’information – journaux locaux, presse nationale, revues spécialisées, radio, télé – grâce à mon père. Jusqu’à la fin de ses jours, je l’ai vu un journal à la main, quotidiens métropolitains et hebdos régionaux. Il écoutait aussi les infos à la radio et à la télé.
Voilà pourquoi tout ce qui concerne l’information m’intéresse au plus haut point et que je tente de lire, entre autres, les essais qui s’y consacre. C’est ainsi que j’ai recensé ici Extinction de voix : plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale (Somme toute, 2018), un essai de Marie-Ève Martel. Elle y rappelle que la propriété des médias régionaux est passée d’individus à conglomérats, Quebecor ou Transcontinental, et que cette joute de titans a malmené, sinon tué des hebdos. L’essayiste constate aussi que Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft (GAFAM) ont squatté les communautés en appâtant leur principale ressource : la publicité. Que dire de la gratuité des médias sur la toile, sinon que c’est un échec financier.
Mme Martel et Gabrielle Brassard-Lecours proposent aujourd’hui Prendre parole : lettres de la (plus si jeune) relève journalistique, un recueil de brefs essais qui fait le bilan de l’état de l’information au Québec. On y lit les réflexions de sept journalistes proposées sous forme d’une lettre que chacun adresse à un correspondant différent : décideurs des médias, journalistes de carrière, internautes, ministres de l’Éducation et de la Culture, membres de l’Assemblée nationale du Québec, journalistes recherchistes, grands consommateurs d’information et enfin quiconque serait tenté de créer son propre média.
On retrouve ainsi Thomas Deshaies (journaliste à Radio-Canada)
dans « Sortons du média-spectacle et gagnons la confiance des citoyens »;
Émélie Rivard-Boudreau (correspondante régionale pour de nombreux médias en
Abitibi-Témiscamingue) dans « La pige pour faire parler les régions »;
Bouchra Ouatik (journaliste scientifique à l’émission Découverte, à
Radio-Canada) dans « Fausses nouvelles, vrais problèmes »; Marie-Ève
Martel (journaliste au quotidien La Voix de l’Est) dans « De la
nécessaire éducation aux médias »; Naël Shiab (journaliste à Radio-Canada)
dans « Données cherchent journalistes »; Michael Nguyen (journaliste
judiciaire au Journal de Montréal) dans « Du renouvellement du
savoir »; et Gabrielle Brassard-Lecours (journaliste indépendante) dans « Créer
son propre journalisme ».
Martel et Brassard-Lecours racontent en introduction que le projet de cet
essai collaboratif leur est venu au sortir « d’une rencontre à l’école
d’hiver de l’Institut du Nouveau Monde où nous [Martel et Brassard-Lecours] avions
parlé journalisme avec de jeunes adultes qui nous ont abreuvées de questions. Malgré
cette curiosité rafraîchissante, nous n’avons pu ignorer plusieurs constats
dressés au cours des échanges avec notre public d’un jour : pratiquement
personne ne payait pour des contenus d’actualité; tous, ou presque, s’informaient
exclusivement en ligne; très peu comprenaient le processus de création d’une
nouvelle; et bon nombre ne pouvaient pas distinguer un texte d’opinion d’un
reportage neutre. Voilà le portrait du contexte dans lequel nous exerçons notre
métier. Ajoutons à cela la compétition féroce des fausses nouvelles en ligne
(provoquant du même souffle une importante crise de confiance envers les médias
traditionnels), la dégringolade croissante et accélérée des revenus qui
précarise de plus en plus toutes les ramifications de la profession et un exode
des talents. »
L’essentiel de l’essai peut se
résumer ainsi : « D’aucuns n’oseraient dire le contraire : les
enjeux auxquels se confronte la relève journalistique sont de taille. Pourtant,
lorsqu’il est question de l’avenir des médias, ce sont souvent les mêmes voix qui
se font entendre; celles de journalistes d’expérience, modèles pour la jeune
génération. Bien que leurs contributions aux débats en cours soient
essentielles, il est aussi nécessaire d’entendre la relève journalistique, parce
que le futur des médias résultera, en grande partie, des décisions que cette
nouvelle génération prendra. Dans ce livre, sept d’entre eux s’expriment sur
les enjeux de demain, leurs incertitudes et leurs aspirations. De
l’indépendance journalistique aux stratégies pour combattre les fausses
nouvelles, en passant, entre autres, par la transmission du savoir, la création
de nouvelles instances médiatiques et le traitement de données numériques, la
diversité des sujets abordés reflète celle des défis qui les assaillent. Si
incertain soit l’avenir des médias, les textes réunis ici permettent de réaliser
qu’il reste de l’espoir. Et que cet espoir réside dans la relève. »
On a longtemps dit que les médias
étaient le quatrième pouvoir en démocratie, un rôle qu’il ne faut pas échapper
car plus important que jamais, entre autres face au libertarisme que pratiquent
les médias sociaux et la montée des fausses nouvelles comme autant de miroirs
aux alouettes.
Mickaël Bergeron
Tombée médiatique. Se réapproprier l’information,
Montréal, Somme toute, 2021, 240 p., 24,95 $.
« Fuite des revenus
publicitaires, méfiance du public, fake news, virage numérique, compressions budgétaires,
réduction des effectifs, fermetures… dire qu’une crise secoue les médias relève
aujourd’hui de l’euphémisme. Disons-le franchement : le milieu journalistique
est en chute libre. Si aucun coup de barre n’est donné, les entreprises
médiatiques continueront de fermer les unes après les autres. Bientôt, il ne
restera que quelques structures dans les mains de deux ou trois milliardaires
en quête d’influence. Ou encore, une poignée de petits organismes sans moyens.
L’infospectacle, les chroniques et les réseaux sociaux resteront les seules
façons de s’informer et les assises de la démocratie s’effriteront peu à peu.
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