Jacques Ferron
Contes, choix de textes illustrés par Marc Séguin
Montréal, Hurtubise, 2020, 160 p., 36,95 $.
Le classique Ferron
Je soulignais récemment le 60e
anniversaire des éditions Hurtubise. Pour laisser une empreinte littéraire de
cet événement, la maison fait paraître un choix des Contes de Jacques
Ferron dont elle publia l’intégrale dans la collection « Arbre » en 1968.
C’est aussi dans cette collection qu’Hurtubise a choisi Les songes en
équilibre, première œuvre poétique d’Anne Hébert parue en 1942, pour célébrer
son 50e anniversaire.
Contes du pays incertain (1962) et Contes anglais (1964), auxquels furent ajoutés les Contes inédits dans l’édition intégrale parue en 1968 toujours chez Hurtubise, sont les premières proses narratives publiées de Jacques Ferron. Ces 44 Contes parurent également, en 1993, dans la collection Bibliothèque québécoise, accompagnés d’une présentation de Victor-Lévy Beaulieu intitulée « Jacques Ferron ou la magie retorse ».
Les 14 Contes aujourd’hui
publiés sont un choix de Jean-Olivier Ferron, le fils de l’écrivain. Ce dernier
rappelle qu’Hurtubise a aussi utilisé les Contes pour
souligner son 25e anniversaire, tout en expliquant l’esprit qui l’a
guidé dans ses choix et dans le traitement des textes. En toute fin, il
remercie Marcel Olscamp « qui a participé de manière déterminante au choix
et à l’établissement des textes ».
Il est important de savoir que M.
Olscamp est l’exégète reconnu de l’ensemble de l’œuvre de Ferron, comme le sont
Marie José Thériault de celle de son père Yves, Jacques Pelletier de celle de
VLB ou Nathalie Watteyne de celle d’Anne Hébert. Sans ces passionnés, la mémoire
de grands de la littérature québécoise pourrait sombrer dans l’oubli comme cela
arrive trop souvent.
Un mot aussi pour dire que le
docteur Ferron n’est pas le seul disciple d’Esculape à s’être adonné à l’écriture
littéraire. Je pense notamment à Ringuet (Philippe Panneton) et Bertrand Vac
(Aimé Pelletier) à une autre époque, et Jean Lemieux et Jean Désy, nos contemporains.
Revenons à l’édition 2020 des Contes.
Celle-ci est accompagnée de 43 dessins réalisés par l’artiste multidisciplinaire
Marc Séguin. Ce dernier écrit en avant-propos : « J’aurais été
incapable "d’illustrer" les Contes. Parce que tout y est déjà.
J’ai donc choisi d’accompagner les textes de dessins, en parallèle de l’histoire.
Pour y découvrir, non pas l’évidence, mais des évocations qui, je le souhaite,
sauront modestement éclairer cette lecture. »
En observant un à un ces dessins,
on remarque le grain du papier sur lequel ils ont été réalisés leur donnant ainsi
une certaine perspective par rapport à la blancheur des autres pages.
Quelques-unes de ces images s’étendent sur deux pages, d’autres sont intégrés au
texte d’un conte. La ligne du dessin me semble toujours pesée si bien que le
noir du fusain ou une couleur franche semblent lui donner du mouvement. En les
observant attentivement, on comprend comment la trame du conte que chacun
jouxte a guidé le processus créatif de Séguin.
Relire Ferron est toujours l’occasion
de découvrir la puissance de son écriture, son style aussi bien que ce qui enflamme
son imaginaire, comme si ses récits se réinventaient d’une lecture à l’autre
au-delà des mots imprimés. VLB écrivait dans sa présentation citée plus haut :
« Je ne suis qu’ignorance, aussi bien de mon pays que du reste du monde alors
que Jacques Ferron vivait et écrivait de l’autre côté du miroir, maître d’un
équipage mesurant le temps et rappelant le destin… »
Je n’ose diriger votre attention
vers l’un ou l’autre des 14 contes, car la trame si personnelle de chacun en
fait une unité narrative insécable et delà incomparable. Puis, il y a que ces mêmes
contes ouvrent tout grand à l’œil attentif l’entièreté de l’univers ferronien,
tant dans ses thèmes telles la paradoxalité ou la naïveté des êtres que la littéralité
de sa plume. On ne lit pas ces récits sans qu’ils interpellent notre propre
poésie intérieure capable de nous ouvrir la vaste étendue de leurs significations.
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