mercredi 9 décembre 2020

Jacques Ferron

Contes, choix de textes illustrés par Marc Séguin

Montréal, Hurtubise, 2020, 160 p., 36,95 $.

 

Le classique Ferron

 

Je soulignais récemment le 60e anniversaire des éditions Hurtubise. Pour laisser une empreinte littéraire de cet événement, la maison fait paraître un choix des Contes de Jacques Ferron dont elle publia l’intégrale dans la collection « Arbre » en 1968. C’est aussi dans cette collection qu’Hurtubise a choisi Les songes en équilibre, première œuvre poétique d’Anne Hébert parue en 1942, pour célébrer son 50e anniversaire.

Contes du pays incertain (1962) et Contes anglais (1964), auxquels furent ajoutés les Contes inédits dans l’édition intégrale parue en 1968 toujours chez Hurtubise, sont les premières proses narratives publiées de Jacques Ferron. Ces 44 Contes parurent également, en 1993, dans la collection Bibliothèque québécoise, accompagnés d’une présentation de Victor-Lévy Beaulieu intitulée « Jacques Ferron ou la magie retorse ». 



Les 14 Contes aujourd’hui publiés sont un choix de Jean-Olivier Ferron, le fils de l’écrivain. Ce dernier rappelle qu’Hurtubise a aussi utilisé les Contes pour souligner son 25e anniversaire, tout en expliquant l’esprit qui l’a guidé dans ses choix et dans le traitement des textes. En toute fin, il remercie Marcel Olscamp « qui a participé de manière déterminante au choix et à l’établissement des textes ».

Il est important de savoir que M. Olscamp est l’exégète reconnu de l’ensemble de l’œuvre de Ferron, comme le sont Marie José Thériault de celle de son père Yves, Jacques Pelletier de celle de VLB ou Nathalie Watteyne de celle d’Anne Hébert. Sans ces passionnés, la mémoire de grands de la littérature québécoise pourrait sombrer dans l’oubli comme cela arrive trop souvent.

Un mot aussi pour dire que le docteur Ferron n’est pas le seul disciple d’Esculape à s’être adonné à l’écriture littéraire. Je pense notamment à Ringuet (Philippe Panneton) et Bertrand Vac (Aimé Pelletier) à une autre époque, et Jean Lemieux et Jean Désy, nos contemporains.

Revenons à l’édition 2020 des Contes. Celle-ci est accompagnée de 43 dessins réalisés par l’artiste multidisciplinaire Marc Séguin. Ce dernier écrit en avant-propos : « J’aurais été incapable "d’illustrer" les Contes. Parce que tout y est déjà. J’ai donc choisi d’accompagner les textes de dessins, en parallèle de l’histoire. Pour y découvrir, non pas l’évidence, mais des évocations qui, je le souhaite, sauront modestement éclairer cette lecture. »

En observant un à un ces dessins, on remarque le grain du papier sur lequel ils ont été réalisés leur donnant ainsi une certaine perspective par rapport à la blancheur des autres pages. Quelques-unes de ces images s’étendent sur deux pages, d’autres sont intégrés au texte d’un conte. La ligne du dessin me semble toujours pesée si bien que le noir du fusain ou une couleur franche semblent lui donner du mouvement. En les observant attentivement, on comprend comment la trame du conte que chacun jouxte a guidé le processus créatif de Séguin.

Relire Ferron est toujours l’occasion de découvrir la puissance de son écriture, son style aussi bien que ce qui enflamme son imaginaire, comme si ses récits se réinventaient d’une lecture à l’autre au-delà des mots imprimés. VLB écrivait dans sa présentation citée plus haut : « Je ne suis qu’ignorance, aussi bien de mon pays que du reste du monde alors que Jacques Ferron vivait et écrivait de l’autre côté du miroir, maître d’un équipage mesurant le temps et rappelant le destin… »

Je n’ose diriger votre attention vers l’un ou l’autre des 14 contes, car la trame si personnelle de chacun en fait une unité narrative insécable et delà incomparable. Puis, il y a que ces mêmes contes ouvrent tout grand à l’œil attentif l’entièreté de l’univers ferronien, tant dans ses thèmes telles la paradoxalité ou la naïveté des êtres que la littéralité de sa plume. On ne lit pas ces récits sans qu’ils interpellent notre propre poésie intérieure capable de nous ouvrir la vaste étendue de leurs significations.

Un bien beau voyage auquel les Contes de Jacques Ferron et les dessins de Marc Séguin nous convient et qu’on voudra partager en les offrant à un parent, à un ami.

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