mercredi 22 avril 2020

Marie-Renée Lavoie
Diane demande un recomptage
Montréal, XYZ éditeur, 2020,280 p., 24,95 $ (papier), 18,99 $ (numérique).

En rire ou en pleurer

En ces temps de grisaille sociale, un bon roman peut briser l’isolement émotif. J’ai récemment trouvé un remède efficace : Diane demande un recomptage, le dernier roman de Marie-Renée Lavoie. On y retrouve Diane Delaunais, la narratrice et le personnage principal d’Autopsie d’une femme plate (XYZ, 2017). Il y a aussi Claudine, son amie de longue date, avec laquelle elle partage un duplex.



Diane s’est remise du départ de Jacques, mais elle éprouve parfois de la fragilité quand il en est question. Si elle a quitté son travail et ne songe pas à y revenir malgré l’insistance de Claudine, sa collègue de bureau, elle se sent prête à trouver un boulot. Cependant, Diane veut profiter de la situation pour briser la routine d’autrefois qu’elle considère comme faisant partie de ce qui a fait d’elle « une femme plate ».
La vie dans le duplex est animée, entre autres parce qu’Adèle, une des deux filles de Claudine, habite chez sa mère et qu’elle les plonge dans la béance des aléas de l’adolescence. Si les enfants reproduisent les travers de leurs parents, surtout ceux qu’ils ne cessent de leur reprocher, Adèle est un bon exemple, car ses sauts d’humeur et son intransigeance ressemblent fort à ceux de Claudine.
Cet ado permet à l’autrice une palette étendue d’actions et d’émotions vives et truculentes. Il arrive même un point de rupture où Claudine fait appel à sa propre mère, Rosanne, pour mettre de l’ordre et de la discipline dans la vie d’Adèle. Les passes d’armes entre ce personnage coloré et sa petite-fille sont désopilantes, car elles illustrent le conflit de générations aux teintes délicieusement surannées. Survient un incident qui transforme leur relation, inverse le rôle de chacune, la cadette prenant en charge sa grand-mère.
Outre le besoin de se trouver un emploi pour sortir de sa torpeur, Diane fait en sorte que ses enfants adultes ne soulignent pas son cinquantième anniversaire et, même très hésitante, elle veut se trouver un amoureux pour que son corps exulte. La question travail est résolue quand on l’embauche pour faire de la garde d’enfants à l’école de son quartier, un emploi qu’elle croit pouvoir occuper puisqu’elle a eu trois enfants et les a amenés à être des adultes responsables.
L’école est aussi l’occasion de rencontres marquantes. D’abord, celle de Guy, un travailleur de la construction responsable d’un chantier près de son lieu de travail, puis de Madeleine Tremblay, une dame âgée désemparée dont elle croise le chemin. Ces deux personnages, de prime abord aux antipodes l’un de l’autre, ont des effets curatifs sur ce qui reste du mal-être de Diane. Le colosse au casque jaune est un compagnon de passage respectueux. La vieille dame l’oblige à sortir de sa langueur émotive en lui consacrant un intérêt autre que le sien propre.
Ces personnages, leurs interventions dans la trame narrative et les péripéties qu’ils vivent sont parfaitement intégrées à l’univers imaginé par l’autrice. Par exemple, Jacques, l’ex de Diane, lui fait passer un ultime test de guérison de sa peine d’amour en réclamant son aide dans des situations qu’il ne peut gérer sans elle. Marie-Renée Lavoie s s’en donne à cœur joie, pour le plus grand plaisir des lecteurs, dans la description des scènes où Diane et Jacques se retrouvent et les dialogues qu’elle leur met en bouche.
Certes, j’ai beaucoup ri en lisant Diane demande un recomptage, mais j’ai aussi beaucoup réfléchi aux petits drames que vit la narratrice qui sont semblables au quotidien de la vie famille. Le talent de Marie-Renée Lavoie, c’est de savoir rassembler en de mêmes lieux, dans de mêmes scènes, des personnages dont l’interaction est vraisemblable au point où les heurts qu’ils provoquent sont aussi salutaires pour eux que drôles pour nous, car nous avons la distance émotive nécessaire à les apprécier à leur juste valeur.
En lisant cette histoire, je n’ai pu m’empêcher de penser à Mère indigne de Caroline Allard ou même aux personnages de la regrettée Claire Bretécher, les Frustrées ou même Agrippine.

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