Marie-Renée Lavoie
Diane demande un recomptage
Montréal, XYZ éditeur, 2020,280 p., 24,95 $ (papier),
18,99 $ (numérique).
En rire ou en pleurer
En ces temps de grisaille
sociale, un bon roman peut briser l’isolement émotif. J’ai récemment trouvé un
remède efficace : Diane demande un recomptage, le dernier roman de Marie-Renée
Lavoie. On y retrouve Diane Delaunais, la narratrice et le personnage principal
d’Autopsie d’une femme plate (XYZ, 2017). Il y a aussi Claudine, son
amie de longue date, avec laquelle elle partage un duplex.
Diane s’est remise du départ de
Jacques, mais elle éprouve parfois de la fragilité quand il en est question. Si
elle a quitté son travail et ne songe pas à y revenir malgré l’insistance de
Claudine, sa collègue de bureau, elle se sent prête à trouver un boulot.
Cependant, Diane veut profiter de la situation pour briser la routine d’autrefois
qu’elle considère comme faisant partie de ce qui a fait d’elle « une femme
plate ».
La vie dans le duplex est animée,
entre autres parce qu’Adèle, une des deux filles de Claudine, habite chez sa
mère et qu’elle les plonge dans la béance des aléas de l’adolescence. Si les enfants
reproduisent les travers de leurs parents, surtout ceux qu’ils ne cessent de
leur reprocher, Adèle est un bon exemple, car ses sauts d’humeur et son intransigeance
ressemblent fort à ceux de Claudine.
Cet ado permet à l’autrice une
palette étendue d’actions et d’émotions vives et truculentes. Il arrive même un
point de rupture où Claudine fait appel à sa propre mère, Rosanne, pour mettre de
l’ordre et de la discipline dans la vie d’Adèle. Les passes d’armes entre ce
personnage coloré et sa petite-fille sont désopilantes, car elles illustrent le
conflit de générations aux teintes délicieusement surannées. Survient un incident
qui transforme leur relation, inverse le rôle de chacune, la cadette prenant en
charge sa grand-mère.
Outre le besoin de se trouver un
emploi pour sortir de sa torpeur, Diane fait en sorte que ses enfants adultes
ne soulignent pas son cinquantième anniversaire et, même très hésitante, elle
veut se trouver un amoureux pour que son corps exulte. La question travail est
résolue quand on l’embauche pour faire de la garde d’enfants à l’école de son
quartier, un emploi qu’elle croit pouvoir occuper puisqu’elle a eu trois enfants
et les a amenés à être des adultes responsables.
L’école est aussi l’occasion de
rencontres marquantes. D’abord, celle de Guy, un travailleur de la construction
responsable d’un chantier près de son lieu de travail, puis de Madeleine
Tremblay, une dame âgée désemparée dont elle croise le chemin. Ces deux personnages,
de prime abord aux antipodes l’un de l’autre, ont des effets curatifs sur ce
qui reste du mal-être de Diane. Le colosse au casque jaune est un compagnon de
passage respectueux. La vieille dame l’oblige à sortir de sa langueur émotive en
lui consacrant un intérêt autre que le sien propre.
Ces personnages, leurs interventions
dans la trame narrative et les péripéties qu’ils vivent sont parfaitement intégrées
à l’univers imaginé par l’autrice. Par exemple, Jacques, l’ex de Diane, lui fait
passer un ultime test de guérison de sa peine d’amour en réclamant son aide
dans des situations qu’il ne peut gérer sans elle. Marie-Renée Lavoie s s’en donne
à cœur joie, pour le plus grand plaisir des lecteurs, dans la description des
scènes où Diane et Jacques se retrouvent et les dialogues qu’elle leur met en
bouche.
Certes, j’ai beaucoup ri en
lisant Diane demande un recomptage, mais j’ai aussi beaucoup réfléchi aux
petits drames que vit la narratrice qui sont semblables au quotidien de la vie famille.
Le talent de Marie-Renée Lavoie, c’est de savoir rassembler en de mêmes lieux,
dans de mêmes scènes, des personnages dont l’interaction est vraisemblable au
point où les heurts qu’ils provoquent sont aussi salutaires pour eux que drôles
pour nous, car nous avons la distance émotive nécessaire à les apprécier à leur
juste valeur.
En lisant cette histoire, je n’ai pu m’empêcher de
penser à Mère indigne de Caroline Allard ou même aux personnages de la
regrettée Claire Bretécher, les Frustrées ou même Agrippine.
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