mercredi 24 avril 2019


François Hébert
Des conditions s’appliquent
Montréal, L’Hexagone, 2019, 80 p., 17,95 $.

Roger Des Roches
Dixhuitjuilletdeuxmillequatre, précédé de Nuit, penser
Montréal, Les Herbes rouges, coll. « Territoires », 2019, 112 p., 12,95 $.

La poésie dans tous les sens

Besoin impérieux de poésie en cet entre-saison, comme si le soleil des mots et la magie des images prolongeaient les effets bénéfiques de l’astre rouge hésitant. Des conditions s’appliquent de François Hébert et la réédition de Dixhuitjuilletdeuxmillequatre accompagné de Nuit, penser de Roger Des Roches m’ont été d’un grand secours pour oublier la grisaille.




L’enracinement des images dans la réalité quotidienne chez François Hébert me ravit. La quatrième de couverture donne le ton du recueil dont le réalisme attire et retient l’attention : « Pour qui se demande ce qu’est le poème, quelques options. On ira au musée. On chassera le chevreuil. On fera une virée en Inde. On s’occupera. On recensera ses oiseaux. On pleurera sa petite sœur qui aimait tant les myosotis. » La poésie est un mode de vie, une façon d’appréhender le jour, ses joies et ses peines.
L’écrivain a engagé les 43 poèmes de l’ouvrage sur trois pistes distinctes : d’abord "sur le bout de la langue", puis "des conditions s’appliquent" et enfin "retours". Ces voies sont parallèles dans la mesure où elles véhiculent une unité d’expression poétique et une même recherche esthétique. Tout est question d’atmosphère pour livrer le contexte d’usage des mots, ce qu’ils peuvent évoquer selon le choix du poète ou le nôtre.
Voyez : « un autre poète écrit / (il est mort mais ça ne fait rien) / que dire n’est pas le propos / mais si peu que ce soit / habiter l’énigme ». Ces vers me semblent illustrer parfaitement la première piste explorée.
"on demande un acarien", poème tiré de la seconde voie, est un exemple de l’ironie, cette figure récurrente si bien utilisée par Hébert; à preuve : « ils versifignolent / les académiciens de la pandémie / ils susurrent / les suffisants les salsifis ».
Quant à "retours", il s’en dégage une nostalgie joyeuse, pléonasme vivant comme ces lignes intitulées sculpture : « courber la côte d’Adam / rouler le serpent / arrondir le ventre d’Ève / en ronde-bosse ».
Le collage de l’auteur en couverture, intitulé "Figure", attire, puis retient notre attention. Cette œuvre donne le ton aux poèmes qu’elle habille, entre sérieux et moquerie, entre souci d’écriture, équilibre des sens et bon usage des images.




Allons maintenant revisiter deux recueils de Roger Des Roches réunis dans la collection « Territoires » des Herbes rouges. Ceux-ci ont en commun de se distinguer de la recherche formelle à laquelle le poète s’adonne comme le « traitement des mots comme pures sonorités, l’éclatement sémantique ou la confusion du discours ».
Ainsi, de l’avis de l’auteur, Nuit, penser paru en 2001, est « un recueil né de mes "légendaires" insomnies. "Dix mille nuits sans dormir" : le calcul est grossier, mais ça illustre un peu mes problèmes avec le sommeil. Pendant ces nuits qui allongent à l’infini, que faire? Que penser? Qu’imaginer? Ces poèmes ont reçu un accueil exceptionnel. » Je crois qu’une telle réception est toujours méritée, car un nouveau lectorat est toujours en quête d’une littérarité originale ce que proposent ici les vers du poète Des Roches.
Quant à Dixhuitjuilletdeuxmillequatre paru en 2008 et dont la page couverture est ici reprise, le poète commente ainsi : ce « recueil m’aura pris deux ans à écrire. Des textes denses, lyriques, surréalistes, intimistes, différents de (presque) tout ce que j’ai fait jusqu’à ce jour. Des poèmes où je me demandais parfois : « Où donc vais-je chercher ça? » ou « Ai-je vraiment le "droit" d’écrire des choses pareilles? » L’accueil, chez mes amis poètes, jeunes et moins jeunes, est unanime... et surprenant. Quelle sorte de poèmes vais-je donc écrire à compter d’aujourd’hui? » Depuis, le poète a répondu à sa propre interrogation à travers les pages de quatre recueils parus aux Herbes rouges. Et j’ai la certitude qu’il n’a pas fini d’alimenter notre propre intimité.
Bon printemps tout en poésie!

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