mercredi 30 janvier 2019


Aki Shimazaki
Maïmaï
Montréal/Arles, Leméac/Actes Sud, 2018, 176 p., 19,95 $.

Le temps au pas de l’escargot

J’avais besoin d’une pause après une rentrée littéraire automnale mouvementée. Or, je savais qu’un nouveau roman d’Aki Shimazaki m’apporterait cette quiétude et Maïmaï y est parvenu sans difficulté pour mon plus grand plaisir. Pour le vôtre aussi, espérais-je.




Cinquième et dernier ouvrage de la suite « L’Ombre du chardon », on y retrouve cette femme, mère d’un enfant mulâtre et sourd-muet. Elle est propriétaire de la librairie Kitô où, un jour, une dame, accompagnée de sa fillette de l’âge de son fils Tarô, est venue y trouver des livres que son époux, le diplomate Sato, a demandés. Le garçon et Hanako jouent ensemble, dessinant un peu de leur jeune univers.
La trame de ce nouvel opus se déroule des années plus tard, le jour où la libraire Mitsuko décède, terrassée par une crise cardiaque. Dans la cinquantaine, elle a eu vie mouvementée et s’est peu préoccupée de sa santé, fumant et buvant plus qu’il ne le faut.
Tarô, son fils unique, a fait des études et il est devenu artiste peintre. Grâce à son physique remarquable, il est aussi mannequin de mode et il fréquente Mina, une collègue. Le décès de sa mère le trouble certes, mais il sait quoi faire puisqu’elle et lui ont déjà discuté de cette éventualité. Ainsi, il n’y a pas de funérailles, mais une modeste rencontre avec des gens qu’elle aimait. Puis, Tarô aménage avec sa grand-mère octogénaire, qu’il appelle affectueusement Bâchan, qui vivait déjà avec sa fille.
Le jeune homme découvre petit-à-petit des aspects de la vie de sa mère grâce à des vêtements qu’il ne le lui a jamais vu porter ou des documents et des photos dont il ignorait l’existence.
La librairie Kitô devient la galerie et l’atelier Kitô où Tarô peint et reçoit les visiteurs. Les premiers d’entre eux sont d’ailleurs d’anciens clients de la librairie qui ont appris à regret le décès de Mitsuko et la fermeture de la librairie. Cette triste nouvelle a été relayée dans Azami, le bulletin de Mitsuo Kawano, lui-même client, dont le titre rappelle un précédent roman d’Aki Shimazaki paru en 2014.
Un jour qu’il travaille à une toile, Tarô reçoit une visite aussi inattendue que surprenante. Il s’agit de Hanako Sato, cette enfant rencontrée des années plus tôt qu’il n’a jamais oubliée. Les retrouvailles sont très chaleureuses, alimentées par le partage des bons souvenirs d’alors. Tarô est étonné que Hanako se rappelle qu’il est sourd et muet; plus encore qu’elle a appris le langage des signes qu’elle maîtrise parfaitement. D’ailleurs, lui apprend-elle, elle utilise régulièrement ce langage dans son emploi de travailleuse sociale.
Grand-mère Shimizu est préoccupée par le fait que son petit-fils ne lui a pas encore présenté son amoureuse. Lui n’en voit pas l’urgence, surtout que l’arrivée de Hanako dans sa vie le trouble. Ne fut-elle pas son premier amour d’enfance? Il profite du retour de Mina d’un contrat à Hawaï pour rompre leur relation, ce qui se fait sans heurt.
Tarô et Hanako se fréquentent de plus en plus au grand plaisir de la grand-mère qui s’entend à merveille avec la jeune femme qui lui rappelle la détermination de sa propre fille. Les tourtereaux s’installent ensemble, prennent soin de la vieille dame et choisissent également de s’épouser.
Profitant d’un séjour de ses parents au Japon pour leur présenter Tarô et leur annoncer leur prochain mariage, cette nouvelle provoque une tempête, madame Sito refusant cette union ou même de revoir l’ami de sa fille.
Les amoureux sont contrariés, mais Hanako ne se laisse pas imposer la volonté de sa mère dont elle ne comprend pas l’entêtement. Était-ce qu’il soit mulâtre et sourd-muet qui la dérange? Qu’il n’appartienne pas au monde de la diplomatie comme son père? Ou quoi d’autre? La situation devient plus tendue lorsque madame Sito est amenée d’urgence à l’hôpital pour, semble-t-il, un ennui de tension artérielle. Son état de santé demeure fragile et elle reste au Japon, alors que son époux retourne à Belgique où son travail l’attend.
Hanako fait appel à ses grands-parents pour qu’ils tentent de raisonner leur fille qui campe sur sa position. Dans le brouhaha des événements, on apprend que le père de la jeune femme fut marié une première fois, qu’il n’était pas fidèle et que son épouse se suicida alors qu’elle séjournait dans un hôpital psychiatrique.
C’est dans un établissement semblable qu’on amène madame Sito en proie à une terrible crise d’angoisse. Calmée, elle demande enfin à voir Tarô, seul. La scène imaginée par Aki Shimazaki est brève, mais d’une grande intensité, deux solitudes se retrouvant face à une vérité qu’elle n’imaginait jamais devoir dire et lui, entendre. Le secret dont le jeune homme vient d’être investi, le révèlera-t-il à sa grand-mère ou à son amoureuse? C’est sur cette interrogation que le roman se termine, chacun pouvant imaginer ce que Tarô fera de ces années de silence, de demi-vérités et de mensonges.
Cette nouvelle miniature d’Aki Shimazaki est dessinée et peinte sous le signe de l’escargot, version française du titre du roman. L’auteure a même imaginé un poème de six vers résumant en images toute l’histoire :
Maïmaï, maïmaï,
Où vas-tu si lourdement?
Que portes-tu dans ta maison si grande?
Un chagrin ou un fardeau, ou bien les deux?
Ah, tu ne peux qu’avancer, comme la vie!
Bon courage, maïmaï! Adieu!

1 commentaire:

  1. L'œuvre de Aki Shimazaki est remarquable, je la suis à pas d'escargot! Je viens de lire Maïmaï... Merci Jean-François de l'avoir commenté.

    RépondreEffacer