Louis-Philippe Hébert
Le dernier catéchisme
illustré, récits
Saint-Sauveur-des-Monts, La Grenouillère, coll. « Livre
de poche », 2018, 136 p., 18,95 $.
Pour saluer
Louis-Philippe Hébert
1969, j’étudie à l’université McGill
et vit dans une résidence située derrière l’hôpital Royal-Victoria. Pour m’éloigner
quelques heures de cet univers pluriculturel, je descends le cœur léger la rue
University pour aller retrouver un apprenti libraire, Louis-Philippe Hébert, qui
officie à La Maison du livre de la Place Ville-Marie. Parfois, on y expose les œuvres
de jeunes créateurs, dont les dessins de Micheline Lanctôt. J’ignore alors qu’elle
et mon ami planchent sur une suite de textes et d’illustrations qui seront réunis
en cinq volumes, et publiés de 1971 à 1975.
En octobre 2017, j’ai recensé la version
remasterisée d’un ouvrage intitulé Le Roi
Jaune, des textes en prose parus au Jour, en 1971, et illustrés par son amie
Lanctôt. J’ai alors constaté que cet ouvrage n’a pas vieilli d’une virgule, son
originalité initiale étant inaltérée, car inaltérable. Je citais alors le judicieux
conseil de Jean-François Chassay : « Prenez le temps de lire. Ne
sautez aucun mot. Ralentissez. Vous aurez des surprises. Et c’est dans pareil
moment que la littérature joue pleinement son rôle. »
Au début de 2018, j’ai souligné
la parution de Le cinéma de la Petite-Rivière,
version aussi rematricée de la prose éponyme, et de Textes extraits de vanille et Textes
d’accompagnement. Ces ouvrages sont tous illustrés par la jeune artiste qui
allait devenir la comédienne que l’on sait et, plus tard, cette remarquable cinéaste.
J’invitais les lecteurs à remarquer les mots en cascades de l’écrivain qui
inventent des sens dans toutes les directions, créant de nouveaux mondes, chaque
texte tenant lieu de laboratoire de l’imaginaire et de l’appropriation d’un
style original, voire unique.
Ne manquait qu’un livre illustré de
cette époque, Le petit catéchisme,
paru à l’Hexagone, en 1972. Louis-Philippe Hébert dit qu’il s’agissait là de
poèmes en prose, un genre ayant pris son essor en France au 19e siècle,
entre autres sous la plume de Baudelaire et de Rimbaud. De tels poèmes « forment
un tout et sont fondés sur des recherches de rythme, de sonorités, d’images
propres à la prose mais qui sont utilisés différemment. »
Devenu Le petit catéchisme illustré, le livre compte une cinquantaine de textes
regroupés en cinq segments comme autant de pistes de lecture dans lesquelles s’engager.
Même loin de la narration dans son acception générale, deux personnages interviennent
à travers les dits d’un narrateur aussi imaginaire qu’eux, On et W. Ici plus
que jamais dans ses ouvrages précédents et ceux qui viendront dans les
décennies suivantes, L.-P. Hébert « pourrait [comme l’écrit Michel Lord] s’inscrire
dans la tradition des contempteurs de la tradition littéraire de stricte
obédience : les Lautréamont, Alfred Jarry, Raymond Roussel, Henri Michaux,
Claude Gauvreau… »
Moderne avant d’autres écrivains
de l’École littéraire du Jour? Je le crois, car la quête apparente de Hébert n’était
pas celle d’un pays, mais d’une littérature nouvelle par ce qui la distinguait de
ses semblables. Jean-Pierre Vidal, le plus pointu des critiques, voire l’exégète
de l’œuvre de Louis-Philippe Hébert, écrivait à son sujet, dans un dossier que la
revue Lettre québécoise lui
consacrait en 2003 : « On voit qu’il aura été tributaire […] de toutes sortes de discours et de pratiques
littéraires, mais pour mieux suivre sa route à lui qui n’appartient en propre à
aucun autre parcours. Tout au plus pourrait-on dire qu’il réussit ce tour de
force d’être ainsi toujours un marginal, y compris par rapport à la marge,
autoproclamée ou institutionnalisée. C’est sans doute ce qui lui vaut la
relative obscurité dont l’entourent soigneusement les médias, comme par peur de
voir leurs confortables certitudes ébranlées par une œuvre violemment
inclassable. »
S’il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on
va, je considère les premiers ouvrages d’un écrivain comme d’incontournables
signes de piste quand son œuvre arrive à maturité. Or, je crois que Le petit catéchisme illustré est de ceux-là,
car il nous dirige, d’un point de vue panoramique, vers ce qui allait devenir l’œuvre
« totalisante » que Louis-Philippe Hébert a écrite à ce jour.
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