Bernard et Cécile Pivot
Lire!
Paris, Flammarion, 2018, 192 p., 44,95 $.
Pour saluer Bernard
Pivot
J’écoute rarement les émissions
littéraires. Ce n’est pas là un jugement sur leurs qualités ou le talent des
animateurs. Elles m’ennuient. J’aime cependant lire ce qu’écrivent les journalistes
du livre. C’est entre autres pourquoi je me tourne vers les ouvrages de Bernard
Pivot dont les remarques et commentaires me permettent de jeter un regard
critique sur mon travail de lecteur professionnel et de chroniqueur littéraire.
Justement, le Lyonnais
octogénaire vient de publier Lire!,
un essai écrit en collaboration avec sa fille Cécile Pivot. Ce livre aborde
vingt-et-un sujets ayant pour objet la lecture, du privilège et du plaisir de
lire aux rituels qui l’entourent aux activités que l’on sacrifie pour lire,
etc.
Avant d’étudier le propos, je
dois dire que l’objet livre est magnifique, du papier choisi aux illustrations qui
sont une plus-value, notamment celle où on voit James Joyce et ses amies dans
la librairie parisienne Shakespeare & Co, en 1938. Moi qui annote toujours mes
lectures, mes remarques et commentaires ont noirci des fiches pour cet essai
comme pour le plus récent Dany Laferrière.
Lire! fait un parallèle entre le point de vue d’un professionnel et
celui d’une passionnée avertie. Un exemple anodin de ce qui les distingue,
c’est le plaisir qu’éprouve Cécile Pivot d’entrer chez son libraire pour
bouquiner ou voir les nouveautés qu’on lui a réservées. Certes, elle pourrait
choisir parmi les livres que son père met de côté, mais elle ne peut se priver
de respirer l’air des rayons d’une librairie.
Papa Pivot ne peut plus se
balader ainsi à travers les allées, car ses moindres gestes seraient épiés. Il
a cependant un problème qu’on peut lui envier: où ranger tous ces livres qu’il
reçoit? Il m’est facile d’imaginer ce que cela peut représenter puisque je vis
une situation semblable bien que moins importante.
Animer des émissions
hebdomadaires comme « Apostrophes», de 1975 à 1990, et « Bouillon de
culture », de 1991 à 2001, est très exigent. Pour le meneur de jeu, cela représente
plus d’une dizaine d’heures de lecture quotidienne. Lire le récit qu’il en fait
avec sérénité et humilité mérite le respect que j’ai à son égard. Encore là, ma
collaboration au Canada français, l’hebdo
du Haut-Richelieu, depuis plus de 40 ans et à la revue Lettres québécoises de 2003 à 2017 ne fait pas le poids.
Les rituels de lecture de la
fille et du père sont différents. Lui souligne ou commente ses livres parce
qu’il suit l’auteur depuis des années ou au cas où il accepterait de passer sur
le plateau de télévision? Il y a bien des exceptions, mais Bernard Pivot n’est
pas au goulag ni un martyr de la sainte église de la littérature, puisqu’il
adore son métier qu’il ne considère pas vraiment un travail. Je le comprends.
Il rappelle qu’il n’y a jamais
d’obligation de terminer un livre qui nous tombe des mains comme le suggère Comme un roman de Daniel Pennac. Au
sujet des relectures, le journaliste avoue ne pas comprendre, en révisant un
roman paru il y a 10 ans, ses réactions d’alors, ou trop sévères ou trop
flatteuses.
« Lire est un privilège »
de dire unanimement Cécile et Bernard Pivot. S’ils préfèrent les romans, c’est
qu’ils peuvent apporter une ouverture sur le monde et des cultures qu’ils ne
côtoieraient pas autrement. Quant à la poésie, M. Pivot raconte que les poètes
ne sont pas des invités volubiles, qu’il en a reçu peu, mais que le verbe haut
de Gaston Miron fut l’exception qui confirma la règle.
L’ouvrage des Pivot, père et fille,
m’a ravi et rappelé que, malgré l’isolement que la lecture requiert, c’est une
activité qui permet une ouverture sur l’humain et les sociétés comme peu
d’exercices parviennent à faire, même du côté des technologies de l’information
ou des réseaux sociaux.
Bernard Pivot
Les mots de ma vie
Le livre de poche, 2011, 336 p., 12,95 $.
Le journaliste littéraire a
publié, à ce jour, des ouvrages portant sur la langue. Des «dictées Pivot» aux
«mots à sauver», du «métier de lire» au «petit dictionnaire amoureux du vin»,
il s’en tient à l’essentiel du discours, à sa passion du français. Ainsi, <@Ri>Les
mots de ma vie<@$p> est un lexique composé de mots triés sur le volet de
sa profession, et de sa vie quotidienne. Les élus ont en commun l’usage qu’il
en fait, soit celui que les dictionnaires leur attribuent ou le sens qu’il lui
prête selon le contexte. Je n’ai pas été surpris d’y retrouver «apostrophe» et
«lire», le premier rappelant son émission culte et le second décrivant son
activité préférée. Ces deux mots, comme d’autres qu’il a retenus, révèlent à
quel point toute une vie peut se résumer en quelques termes et locutions.
Bernard Pivot
La mémoire d’en fait
qu’à sa tête
Paris, Albin Michel, 2017, 238
p., 27,95 $.
L’auteur propose une suite de
récits brefs inspirés par des aléas du quotidien devenus des historiettes qui
ne peuvent être le seul fait du hasard. Un peu comme s’il «tirait ses marrons
du feu». Parlant de marrons, M. Pivot raconte qu’il en a toujours un dans ses
poches tel un gri-gri dont la présence rassure. Plus d’une soixantaine de
situations ou d’événements retiennent son attention par la prégnance de
l’empreinte qu’ils lui laissent. La mémoire du titre, par exemple, est bien
celle dont on parle si souvent de nos jours; réelle ou artificielle, sa
fugacité étonne, surtout quand elle nous échappe. Le journaliste raconte qu’il
a des trous de mémoire depuis une maladie infantile et qu’il évite les écueils
grâce à de nombreuses notes de lecture et en organisant avec soin des fiches
repères.
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