Jean-François Poupart
Lire la poésie
Montréal, Poète de brousse, coll. « Essai libre »,
2018, 136 p., 18 $.
« Qu’attendez-vous
de la poésie? »
Qui lit encore de la poésie, me
demande-t-on? À mon avis, plus de lecteurs qu’on ne le croit. Bon an mal an, des
éditeurs, petits et grands, publient de dix à vingt recueils. On organise des
soirées de lecture partout au Québec et le public répond à ces invitations à
découvrir les qualités littéraires des œuvres.
Où en est ce genre malaimé en
2018? En guise de réponse, j’ai ouvert Lire
la poésie, un « essai libre » de Jean-François Poupart. Poète,
essayiste, musicien et professeur de littérature dans un cégep, il a cofondé les
éditions Poète de brousse, avec Kim Doré, en 2004. Cette maison a, entre autres,
publié Une éducation bien secondaire
(2013), un essai percutant de la regrettée Diane Boudreau, et des recueils de
poésie de Geneviève Blais et Philippe More.
La poésie alors? Première
constatation: « Lire la poésie, c’est être à l’écoute d’une musique.
La poésie et la musique servent à entrer dans le cœur des femmes et des hommes,
à façonner leur sensibilité et, ainsi, à changer le monde. » Pour nous
accompagner, l’auteur nous fait « le don de cette clé aux grands voyages
de la poésie, telle est ma volonté la plus chère. »
Il rappelle que la rime est,
depuis la nuit des temps, ce qui distingue la poésie de la prose. « En
2018 [note-t-il], la rime est encore pour la grande majorité, l’élément central
du poème. » En quelque sorte, « la rime est immortelle ».
J.-F. Poupart raconte son cheminement
sur les routes parfois sinueuses et pleines d’embûches qui l’ont mené à sa
conception et sa pratique de la poésie. Le premier cycle universitaire et
l’enseignement qu’on y faisait alors l’ont révolté, surtout l’analyse formaliste
du poème, alors à la mode. Il a continué sa quête en écrivant et en allant découvrir
ailleurs d’autres façons de comprendre ou d’interpréter la poésie. Il est ainsi
parti étudier à Paris où le poète et essayiste Yves Bonnefoy fut son maître de
thèse de doctorat.
Cette rencontre, souvent racontée,
fut déterminante sur l’ensemble de sa carrière de poète, d’écrivain et
d’éditeur. J’y vois comme un effet initiatique qui l’a, entre autres, amené à
déclarer : « La poésie est le plus haut degré de la parole humaine,
l’art le plus humain qui soit. » En ces temps où la parole est mise à mal,
un tel enseignement mérite notre propre réflexion et, surtout, notre
engagement.
Lire la poésie n’étant pas à proprement parler un essai didactique,
l’auteur donne des exemples concrets de poètes et d’œuvres qu’il a croisés sur
sa route et qui l’ont marqué. Outre « Présence d’Yves Bonnefoy », une
lettre d’opinion visant à souligner le décès du Français en juillet 2016, son
propos va au cœur du sujet, lire de la poésie, Poupart s’intéresse à Phèdre, la tragédie de Racine dont il
scrute la poétique, et au père du surréalisme André Breton en quête de l’or du
temps comme lui.
Impossible de terminer cette recension,
sans souligner l’éloquent épilogue où il est question du colloque tenu autour
du thème « À quoi bon les poètes en temps de détresse? », à Paris en
novembre 2016. L’idée ici n’est pas de faire le verbatim de la rencontre, mais
de nous transmettre l’essence des échanges comme l’a si bien fait Julia
Kristeva (http://www.kristeva.fr/a-quoi-bon-des-poetes.html
en temps de détresse?). Pour elle, il « était donc inévitable,
indispensable qu’on ailler chercher le poète quand l’humanité s’écroule, et
qu’on lui demande à lui, et à lui en premier lieu, non pas d’être ou de ne pas
être, mais tout simplement de recommencer. »
Lire la poésie évoque ultimement un mode de vie, une façon
d’appréhender le monde dans sa plus pure réalité qu’il faut sans cesse
réinventer sans autres artifices que les rêves libérateurs.
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