jeudi 5 juillet 2018


Jean-François Poupart
Lire la poésie
Montréal, Poète de brousse, coll. « Essai libre », 2018, 136 p., 18 $.

« Qu’attendez-vous de la poésie? »

Qui lit encore de la poésie, me demande-t-on? À mon avis, plus de lecteurs qu’on ne le croit. Bon an mal an, des éditeurs, petits et grands, publient de dix à vingt recueils. On organise des soirées de lecture partout au Québec et le public répond à ces invitations à découvrir les qualités littéraires des œuvres.




Où en est ce genre malaimé en 2018? En guise de réponse, j’ai ouvert Lire la poésie, un « essai libre » de Jean-François Poupart. Poète, essayiste, musicien et professeur de littérature dans un cégep, il a cofondé les éditions Poète de brousse, avec Kim Doré, en 2004. Cette maison a, entre autres, publié Une éducation bien secondaire (2013), un essai percutant de la regrettée Diane Boudreau, et des recueils de poésie de Geneviève Blais et Philippe More.
La poésie alors? Première constatation: « Lire la poésie, c’est être à l’écoute d’une musique. La poésie et la musique servent à entrer dans le cœur des femmes et des hommes, à façonner leur sensibilité et, ainsi, à changer le monde. » Pour nous accompagner, l’auteur nous fait « le don de cette clé aux grands voyages de la poésie, telle est ma volonté la plus chère. »
Il rappelle que la rime est, depuis la nuit des temps, ce qui distingue la poésie de la prose. « En 2018 [note-t-il], la rime est encore pour la grande majorité, l’élément central du poème. » En quelque sorte, « la rime est immortelle ».
J.-F. Poupart raconte son cheminement sur les routes parfois sinueuses et pleines d’embûches qui l’ont mené à sa conception et sa pratique de la poésie. Le premier cycle universitaire et l’enseignement qu’on y faisait alors l’ont révolté, surtout l’analyse formaliste du poème, alors à la mode. Il a continué sa quête en écrivant et en allant découvrir ailleurs d’autres façons de comprendre ou d’interpréter la poésie. Il est ainsi parti étudier à Paris où le poète et essayiste Yves Bonnefoy fut son maître de thèse de doctorat.
Cette rencontre, souvent racontée, fut déterminante sur l’ensemble de sa carrière de poète, d’écrivain et d’éditeur. J’y vois comme un effet initiatique qui l’a, entre autres, amené à déclarer : « La poésie est le plus haut degré de la parole humaine, l’art le plus humain qui soit. » En ces temps où la parole est mise à mal, un tel enseignement mérite notre propre réflexion et, surtout, notre engagement.
Lire la poésie n’étant pas à proprement parler un essai didactique, l’auteur donne des exemples concrets de poètes et d’œuvres qu’il a croisés sur sa route et qui l’ont marqué. Outre « Présence d’Yves Bonnefoy », une lettre d’opinion visant à souligner le décès du Français en juillet 2016, son propos va au cœur du sujet, lire de la poésie, Poupart s’intéresse à Phèdre, la tragédie de Racine dont il scrute la poétique, et au père du surréalisme André Breton en quête de l’or du temps comme lui.
Impossible de terminer cette recension, sans souligner l’éloquent épilogue où il est question du colloque tenu autour du thème « À quoi bon les poètes en temps de détresse? », à Paris en novembre 2016. L’idée ici n’est pas de faire le verbatim de la rencontre, mais de nous transmettre l’essence des échanges comme l’a si bien fait Julia Kristeva (http://www.kristeva.fr/a-quoi-bon-des-poetes.html en temps de détresse?). Pour elle, il « était donc inévitable, indispensable qu’on ailler chercher le poète quand l’humanité s’écroule, et qu’on lui demande à lui, et à lui en premier lieu, non pas d’être ou de ne pas être, mais tout simplement de recommencer. »
Lire la poésie évoque ultimement un mode de vie, une façon d’appréhender le monde dans sa plus pure réalité qu’il faut sans cesse réinventer sans autres artifices que les rêves libérateurs.

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