Michel Rondeau
L’insidieuse
invasion : observations sur l’anglicisation
Montréal, Somme toute, 2018, 352 p., 29,95 $.
Trouble-fête ou
sonneur d’alarme
J’ai entendu, l’autre jour, un
comédien dire sa gêne d’entendre et de voir tant de mots anglais dans les rues
de Paris. Ce n’est pas d’hier que la situation du français dépérit dans la
Ville lumière, comme chez nous d’ailleurs. C’est le retour du pendule
linguistique qui, à chaque époque, épouse le modèle dominant qui est, cette
fois, l’anglais états-unien. Raison suffisante pour lire L’insidieuse invasion : observations sur l’anglicisation, un
essai lexique de Michel Rondeau.
Ni lexicographe, ni linguiste,
l’auteur est traducteur après avoir été publicitaire pour de grandes sociétés.
Il est surtout, dit-il, un chipoteur de la langue française parlée au Québec,
un observateur critique de « l’insidieuse invasion » de l’anglais.
L’ouvrage comporte deux volets,
l’un théorique, l’autre pratique. Ainsi, plus de la moitié du livre est
consacrée à une analyse et à des observations de notre langage eu égard aux
influences du discours le plus répandu. L’autre partie fait un « tour du
jardin » sous forme d’un lexique thématique de mots ou locutions qui se
sont intégrés à notre parlure et à notre écriture sans qu’on s’en aperçoive ou
qu’on s’en méfie.
Côté vocabulaire, les plus âgés
se souviennent qu’avec la création de l’Office québécois de la langue française
en 1961 et la loi 101, version originale, il y a eu un grand effort de la
société pour éradiquer des « maudits » mots de notre lexique, dont
ceux de l’automobile, et pour en créer de nouveaux, entre autres dans le
domaine des technologies de l’information. C’était l’époque où l’image du
village d’Astérix assiégé par les Anglos a souvent été évoquée pour oublier que
c’est la langue française et la religion catholique qui ont cimenté notre « petit
peuple » depuis la conquête anglo-saxonne.
Revenons à l’essai, à ses
observations et rappels concernant les emprunts, les calques et les faux amis
qui sont autant de pièges dans lesquels il est facile de tomber, car il arrive
qu’un effort pour employer le mot juste ou la structure du discours
respectueuse de ses règles finisse en eau de boudin. En termes écolos, le
français d’ici est pollué par le discours continental majoritaire.
Les exemples de mots ou
d’expressions empruntés directement de l’états-unien et qui spolient le
français québécois renvoient à seize champs d’activité, allant de la maison aux
expressions figurées, des affaires à la table et aux sports. Les domaines qui me
semblent les plus perfides sont ceux des locutions, des prépositions et même des
onomatopées. Ces champs lexicaux sont tant utilisés dans le discours quotidien
qu’on mettrait sa main à couper qu’ils sont français.
J’ai aussi retenu, en souriant,
les pages consacrées aux «mots anglais venus de la France», dont pull-over pour
tricot et ferry pour traversier. Que dire du chapitre dont le titre est
emprunté à Gaston Miron, « La malédiction du traduidu », un texte
dans lequel le poète observe le double langage qui, longtemps, s’affichait sur
nos routes, les « ponts/bridge » par exemple?
Un index des mots et des expressions
cités, français et anglais, complète et facilite la consultation de L’insidieuse invasion : observations
sur l’anglicisation.
Le français est à la fois la
langue parlée et celle de la littérature. C’est là sa force et sa faiblesse, car
on a longtemps cru qu’il n’y avait qu’une seule langue française. Cela était
possible quand on ne tenait pas compte de la réalité socioculturelle de chacun
des pays de la francophonie. Ce qui est vrai pour l’anglais, l’espagnol ou le portugais
– c’est-à-dire leur diversité selon le territoire où elles sont la langue
nationale – est aussi le destin du français. Ainsi, la langue parlée au Québec
est une forme du français universel qu’il faut bien utiliser et respecter pour
que les autres locuteurs en fassent autant à son égard.
Ce qui me chagrine ce sont tous ces romans qui ne se contentent plus d'utiliser la langue parlée dans les dialogues mais également dans la narration. Ce qui donne l'idée que la langue parlée peut être de la littérature.
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