Normand Cazelais
Vivre l’hiver au
Québec, nouvelle édition revue et augmenté
Montréal, Fides, 2017, 200 p., 39,95 $.
L’hiver de tous nos
états
Je connais peu d’endroit sur la
planète où on peut ressentir, en moins de 24 heures, les effets météorologiques
des quatre saisons. Pas plus que d’entendre répéter ad nauseam les bulletins
météo, au point où les visiteurs venus d’ailleurs s’interrogent sur cette habitude
déconcertante. Même l’écrivain académicien Dany Laferrière prévient son jeune
interlocuteur, celui de Tout ce qu’on ne
te dira pas, Mongo (Mémoire d’encrier, 2015), qu’il comprendra vite et à la
dure les raisons de cette obsessive météo.
Fides a raison de rééditer une
version, revue et augmentée, de Vivre
l’hiver au Québec, l’essai de Normand Cazelais, d’abord paru en 2009, dans
lequel l’auteur esquisse une large fresque de cette saison. Il est bien vrai
que certains d’entre nous ont une relation amour-haine avec la saison froide,
alors que de nombreux touristes la découvrent avec passion.
J’ai déjà écrit que M. Cazelais, qui
nous fait voyager depuis très longtemps dans les médias et à travers les pages
de ses fictions, est un habile communicateur. Il présente ici, avec de nombreux
exemples, les aléas de l’hiver, des aspects de cette saison qui impose sa loi
sur notre pays et sur une large part du continent nord-américain. À se demander
si la France d’autrefois n’a pas abandonné nos ancêtres à cause de la férocité
de l’hiver qui refusait qu’on la dompte.
Plus qu’un phénomène saisonnier, les grands froids et la neige font
partie de notre culture, marquant de façon indélébile nos us et coutumes. Or,
l’ouvrage explore plusieurs zones d’influence que cette saison exerce sur nous.
Selon l’auteur : « L’hiver est bien davantage qu’une saison: il a
façonné un espace, défini un mode de vie, modelé une culture. Il est une
présence, un destin, un souffle, une identité. Les coutumes, l’architecture,
l’imaginaire, l’économie, les façons de faire et de dire des Québécois en sont
imprégnés. »
C’est l’hiver en soi et son importance socioculturelle qui sont étudiés,
rappelant non seulement que cette période occupe plusieurs mois de l’année,
mais qu’elle conditionne notre vie collective et personnelle, jusque dans notre
intimité. L’hiver 2017-2018 que nous traversons, qui semble avoir retrouvé une
vigueur d’une autre époque, rappelle les effets du « facteur éolien »
(p. 43) et de la « poudrerie » (p. 42), tout en subissant les effets
aléatoires des changements climatiques. Quand M. Cazelais souligne des pages de
notre Histoire, dont celle des communautés amérindiennes familières depuis
toujours aux rigueurs de cette saison, il illustre son importance sur nos
habitudes et, comme je l’ai déjà mentionné, la relation amour-haine que
certains entretiennent avec elle.
J’ai souri en relisant l’encadré intitulé «Le scorbut», cette maladie
dont les premiers colons ont souffert et dont on évoquait le danger quand
j’étais enfant en m’obligeant à manger des aliments riches en vitamine C,
notamment des légumes.
Et la littérature dans ce froid? Il faut lire les pages consacrées à
Louis-Edmond Hamelin, celui par qui l’intérêt pour le Nord est entré dans notre
culture, celui qui a développé le concept de « nordicité ». On pense
aussi au rôle de l’hiver dans la littérature en général et dans les livres
d’histoire. Que dire de la saison froide si importante dans Maria Chapdelaine de Louis Hémon, Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, Les Habits rouges de Robert de
Roquebrune, L’hiver de force de
Réjean Ducharme ou L’hiver de pluie
de Lise Tremblay?
Enfin, on fait une halte sur le nouveau chapitre intitulé « L’hiver
identitaire » dans lequel l’auteur raconte la relation que des amis venus
d’ailleurs ont établie avec l’hiver dont son ami Dominique, d’un couple de
jeunes Français et de quelques autres.
L’hiver, avez-vous dit? Il fait
partie de tous nos climats qu’ils soient météorologiques, physiologiques et
même sentimentaux.
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