mercredi 7 février 2018


Normand Cazelais
Vivre l’hiver au Québec, nouvelle édition revue et augmenté
Montréal, Fides, 2017, 200 p., 39,95 $.

L’hiver de tous nos états

Je connais peu d’endroit sur la planète où on peut ressentir, en moins de 24 heures, les effets météorologiques des quatre saisons. Pas plus que d’entendre répéter ad nauseam les bulletins météo, au point où les visiteurs venus d’ailleurs s’interrogent sur cette habitude déconcertante. Même l’écrivain académicien Dany Laferrière prévient son jeune interlocuteur, celui de Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo (Mémoire d’encrier, 2015), qu’il comprendra vite et à la dure les raisons de cette obsessive météo.
Fides a raison de rééditer une version, revue et augmentée, de Vivre l’hiver au Québec, l’essai de Normand Cazelais, d’abord paru en 2009, dans lequel l’auteur esquisse une large fresque de cette saison. Il est bien vrai que certains d’entre nous ont une relation amour-haine avec la saison froide, alors que de nombreux touristes la découvrent avec passion.




J’ai déjà écrit que M. Cazelais, qui nous fait voyager depuis très longtemps dans les médias et à travers les pages de ses fictions, est un habile communicateur. Il présente ici, avec de nombreux exemples, les aléas de l’hiver, des aspects de cette saison qui impose sa loi sur notre pays et sur une large part du continent nord-américain. À se demander si la France d’autrefois n’a pas abandonné nos ancêtres à cause de la férocité de l’hiver qui refusait qu’on la dompte.
Plus qu’un phénomène saisonnier, les grands froids et la neige font partie de notre culture, marquant de façon indélébile nos us et coutumes. Or, l’ouvrage explore plusieurs zones d’influence que cette saison exerce sur nous. Selon l’auteur : « L’hiver est bien davantage qu’une saison: il a façonné un espace, défini un mode de vie, modelé une culture. Il est une présence, un destin, un souffle, une identité. Les coutumes, l’architecture, l’imaginaire, l’économie, les façons de faire et de dire des Québécois en sont imprégnés. »
C’est l’hiver en soi et son importance socioculturelle qui sont étudiés, rappelant non seulement que cette période occupe plusieurs mois de l’année, mais qu’elle conditionne notre vie collective et personnelle, jusque dans notre intimité. L’hiver 2017-2018 que nous traversons, qui semble avoir retrouvé une vigueur d’une autre époque, rappelle les effets du « facteur éolien » (p. 43) et de la « poudrerie » (p. 42), tout en subissant les effets aléatoires des changements climatiques. Quand M. Cazelais souligne des pages de notre Histoire, dont celle des communautés amérindiennes familières depuis toujours aux rigueurs de cette saison, il illustre son importance sur nos habitudes et, comme je l’ai déjà mentionné, la relation amour-haine que certains entretiennent avec elle.
J’ai souri en relisant l’encadré intitulé «Le scorbut», cette maladie dont les premiers colons ont souffert et dont on évoquait le danger quand j’étais enfant en m’obligeant à manger des aliments riches en vitamine C, notamment des légumes.
Et la littérature dans ce froid? Il faut lire les pages consacrées à Louis-Edmond Hamelin, celui par qui l’intérêt pour le Nord est entré dans notre culture, celui qui a développé le concept de « nordicité ». On pense aussi au rôle de l’hiver dans la littérature en général et dans les livres d’histoire. Que dire de la saison froide si importante dans Maria Chapdelaine de Louis Hémon, Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, Les Habits rouges de Robert de Roquebrune, L’hiver de force de Réjean Ducharme ou L’hiver de pluie de Lise Tremblay?
Enfin, on fait une halte sur le nouveau chapitre intitulé « L’hiver identitaire » dans lequel l’auteur raconte la relation que des amis venus d’ailleurs ont établie avec l’hiver dont son ami Dominique, d’un couple de jeunes Français et de quelques autres.
L’hiver, avez-vous dit? Il fait partie de tous nos climats qu’ils soient météorologiques, physiologiques et même sentimentaux.

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