Émilie Dubreuil
L’humanité, ça sent
fort. Chroniques 2011-2017
Montréal, Somme toute, 2017, 196 p., 22,95 $.
Tomber en amour avec
une inconnue
J’ai toujours trouvé les topos de
la journaliste Émilie Dubreuil, diffusés à la télé de la SRC, pertinents et bien
documentés. Que dire de son ton souvent ironique, sinon qu’il brise la
monotonie des infos formatées? Or, j’ignorais qu’elle pratiquait son métier sur
d’autres plateformes, dont la presse écrite et numérique. On a ainsi pu la lire,
au fil des ans, dans Voir, Urbania et sur le site d’actualités MSN.
Curieux de voir comment la journaliste jouait de la
plume ou du clavier, j’ai littéralement plongé dans un choix d’articles réunis dans
L’humanité, ça sent fort. Dieu qu’elle écrit bien cette femme!
Je ne comprends pas qu’elle dise
que ses études en lettres ne lui sont pas de grande utilité. Au contraire, je
crois qu’elles l’ont obligée à lire plein d’ouvrages qu’on ne lit plus, mais
qui apportent toujours une meilleure compréhension du genre humain et de ses
vicissitudes que bien des livres à la mode. J’ai constaté que sa culture est très
certainement au-delà de la moyenne de plusieurs de ses collègues.
Le recueil est composé de 45
billets d’humeur, certains s’appuyant sur des observations journalistiques, d’autres
sur l’impression laissée par une rencontre ou un événement du quotidien. Ces
chroniques ont été réunies sous cinq intitulés : la fatigue culturelle; on
ne naît pas femme, on date; une
problématique comme genre style!; ben voyons donc!; au pied de l’Oratoire. Si
on n’a pas tenu compte de l’ordre chronologique de leur parution originale,
tout en indiquant la date et la plateforme, je n’ai pas noté de brisure dans le
rythme de la prose ni aucun changement important dans la facture littéraire de
l’auteure.
Oui, c’est bien de littérature
dont il s’agit, car Émilie Dubreuil passe du journalisme pur et dur, sans
compromis sur l’objectivité nécessaire, à l’expression d’expériences humaines
aussi bien à travers des faits divers que des sentiments ou des émotions toutes
personnels. Sans flagornerie, j’ai parfois eu l’impression de lire Foglia dans
ses bons jours, tant ses articles où il frappait fort sur la bêtise humaine que
ceux où, sans trop le dire, il distillait l’humanisme acidulé dont il avait le
secret.
Qu’ai-je retenu des 190 pages de l’essai
en forme de courtepointe? La franchise, parfois désarmante, d’Émilie Dubreuil
qui la pousse à écrire des perceptions qu’on refoule trop souvent par peur de
passer pour des ingrats comme de ne pas aimer Jean-Pierre Ferland ou de croire
que Janette Bertrand a fait son temps.
Ses topos sur la langue sont
aussi décapants et ce n’est pas pour rien qu’elle en a retenu sept dont les
seuls titres sont très évocateurs : la langue
"désainciboirisée"; écoutez!; Loadé
comme un gun; Kuei; Sorry I don’t speak French!; Is it ever to late?; une problématique
comme genre style.
L’homme vieillissant que je suis
a tiré quelques leçons de la deuxième section du livre, « On ne naît pas
femme, on date ». Émilie
Dubreuil aborde en onze textes autant d’aspects de la condition féminine à
l’époque d’un après-féminisme militant, mais dont certains combats sont et
seront toujours nécessaires. Ce n’est pas pour rien que j’ai relu quelques fois
« Féministe assumée » qui évoque le rôle primordial de la solidarité
entre femmes. J’ai également relu « Je ne veux pas mourir », ce cri
du cœur qui émerge de l’élan amoureux : « J’ai seize ans allant sur
quarante-deux et j’embrasse tout le ridicule de l’emphase extatique
biologiquement explicable de l’amour… Quand on aime, on ne veut plus mourir.
C’est narcissique et c’est con. Mais, j’imagine que c’est ça, vieillir. »
Oui, il est bien vrai que L’humanité, ça sent fort et il faut toujours
se le rappeler, ce que fait intelligemment Émilie Dubreuil dans ses lignes aux
propos universels.
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