Jean Lemieux
Les clefs du silence
Montréal, Québec Amérique, coll. « Tous Continents »,
2017, 368 p., 29,95 $.
Voyage dans le temps
André Surprenant, le policier
venu des Îles-de-la-Madeleine en naviguant sur la plume de l’écrivain médecin
Jean Lemieux, est de retour. La cinquième aventure du sergent-détective,
intitulée Les clés du silence, a pour
épicentre la Métropole, mais elle fait voyager ses personnages de la Rive Nord
à la Rive Sud, et même chez nos voisins états-uniens. Quant à la trame, si elle
donne parfois l’impression d’aller dans toutes les directions, elle reflète
l’existence du héros dans sa volonté de résoudre des problèmes complexes
professionnels ou personnels.
Je ne distillerai pas ici
l’essence des précédentes aventures de Surprenant, qu’il n’est pas nécessaire
d’avoir lu pour comprendre cette nouvelle histoire, sinon pour dire que l’homme
a toujours son franc parlé et sa manière bien personnelle d’aborder des contraintes
du métier comme les aléas de la vie courante. Ses collègues policiers sont sensiblement
les mêmes que dans Le mauvais côté des
choses (QA, 2015), soit son partenaire LP Brazeau, Guité, son patron au
poste de la Place Versailles, et quelques spécialistes des choses judiciaires.
Cette fois, il s’agit d’un roman
à intrigues multiples, la première étant le meurtre sordide d’André Pereira,
infectiologue au CHUM dont le bureau est à quelques pas du site de l’hôpital.
Ce que les policiers observent sur les lieux du crime — l’écrivain a toujours
cette bonne habitude de mentionner des détails des lieux que ses personnages
retiennent et qui alimentent l’imaginaire du lecteur, voire les étonnent; outre
que la victime porte toujours sa Rolex au poignet, il y a ces cubes de bois, un
jouet d’enfant où figurent, bien visibles, les lettres FLQ.
Pereira, apprennent-ils,
attendait, ce soir-là, M. Trottier-Lefebvre, un jeune patient en cure de
désintoxication qu’ils devront d’ailleurs retrouver. Mais avant, il leur faut
savoir qui était l’infectiologue. Marié à une comédienne réputée, père de deux
enfants, il semblait avoir une vie rangée dont le vernis craquera au fur et à
mesure que l’enquête avance. Les faits saillants de sa feuille de route, sans
dévoiler les liens entre tous les éléments, se résument à dire qu’il était
originaire des É.-U., qu’il a étudié à McGill où il a connu un membre
mystérieux du FLQ de 1970 et qu’il est un homme discret sinon secret, même pour
ses proches.
Une seconde intrigue surgit avec
la mort suspecte de Pierre Lefebvre, avocat attaché à un grand bureau malgré
ses 81 ans et ministre sous Trudeau père à l’époque de la crise d’Octobre. De
prime abord, il ne semble pas y avoir de lien entre ce décès et celui de Pereira,
sinon que l’avocat était aussi membre du CA de l’hôpital universitaire.
Pour nous distraire un peu des
trames centrales du roman, Jean Lemieux nous entraîne à la suite d’André
Surprenant dans la famille de celui-ci. Outre Geneviève, sa compagne qu’il fut
une collègue aux Îles-de-la-Madeleine; Maria, la mère de ses deux enfants dont
Maude, sa fille est sur le point d’accoucher; Maurice et Robert, son père et
son oncle; il y a une nouvelle venue prénommée Laurie. Ce que je retiens de
cette smala, c’est qu’elle est le point d’ancrage qui fournit un peu
d’équilibre dans la vie du policier Surprenant.
Ne vous demandez pas s’il y a
convergence entre la mort violente de Pereira et de Lefebvre, car poser la
question c’est y répondre. L’important, c’est que grâce au style littéraire que
Lemieux s’est donné au fil de ses œuvres, il parvient à créer des écheveaux
tels qu’ils semblent à ce point emmêlés qu’on a peine à croire qu’il réussira à
en faire une trame unique, ce à quoi les multiples facettes de son récit
parviennent à réaliser.
Moi qui ne suis pas naturellement
un lecteur de polar, je reconnais sans hésiter que les univers que le médecin
écrivain imagine n’ont rien à envier des autres fictions, car sa culture et son
humanisme donnent à ses récits toute la noblesse de leur littérarité. Au point
où j’en redemande!
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