India Desjardins
La mort d’une
princesse
Montréal, L’Homme, 2017, 296 p., 24,95 $ (papier),
18,99 $ (numérique).
La nostalgie
réparatrice
Le titre du roman d’India Desjardins, La mort d’une princesse, m’a interpellé. Mais qu’allait faire un
septuagénaire dans un univers racontant la vie professionnelle et sentimentale
de Sarah Dufour? D’abord, découvrir la réalité littéraire de l’écrivaine, puis
constater où en sont les femmes au bord de la quarantaine d’aujourd’hui.
L’héroïne en est aussi la narratrice, ce qui, ici, ajoute au
réalisme du récit dont les péripéties sont liées à son intimité, voire à son
moi intérieur en constante évolution. Il y a aussi que la trame, divisée en
deux segments — 2008 et 2015 —, a recours à divers procédés, dont celui du
journal personnel ou des textos échangés entre Sarah et son amie Anik, ou un
certain Pascal. N’anticipons pas.
Résumant la trame, j’écrirais que Sarah Dufour a bâti sa
réussite professionnelle sur les décombres d’un échec amoureux. Elle a créé sa
propre boîte de relations publiques et la mène en consacrant le plus clair de
son temps à son essor. Elle considère son amoureux d’alors, Gabriel, comme le
prince charmant dont elle a tant rêvé adolescente. Or, il y a eu divergence de
perspective, le Prince charmant refusant de s’aventurer maintenant dans une
union de couple traditionnelle — femme, enfant, maison, chalet, etc.
Cette dérive classique, souvent masculine, éloignera Sarah
et Gabriel, ce dernier prétextant une liaison. Cet aveu bouleversera
complètement la vie sentimentale de Sarah, certaine d’avoir tout investi dans leur
relation. Ainsi débute « la mort d’une princesse », un cheminement
dont nous devenons les témoins.
Peu de personnages entrent dans l’intimité de la femme
d’affaires, sinon Anik qui a aussi connu l’échec amoureux, sa conjointe l’ayant
quittée en laissant derrière la chocolaterie et l’enfant qu’ils avaient voulu.
Anik donne l’image d’une super femme capable de gérer sa monoparentalité et son
commerce, sans aide.
L’entreprise de Sarah fonctionne parfaitement et sa
réputation n’est plus à faire, mais à entretenir. Pourtant, les années de
célibat commencent à miner son existence. Elle ne parvient pas, par exemple, à
avoir une aventure d’un soir, à ventiler ses hormones. Elle tient mordicus aux
principes qu’enfant on lui a inculqués, refusant de faire vivre à d’autres le
drame amoureux qu’elle a vécu.
Sarah a bien des amitiés masculines, dont celle de François,
un homme d’affaires dont elle promeut les projets entrepreneuriaux. Mais ces
relations sont urbaines et ne tiennent pas compte du sentiment amoureux. Bien
qu’elle ait décidé qu’il en soit ainsi, le manque d’équilibre entre sa vie personnelle
et celle d’entrepreneure la tourmente.
Divers événements mettent en relief l’éphémère des biens et
services que Sarah soutient et le vide intérieur qu’elle ressent lorsque les
feux de la rampe s’éteignent. Il y a d’abord l’épuisement professionnel d’Anik
qui va la conduire à l’hôpital et l’obliger à remettre à l’heure le pendule de
son existence, puis l’arrivée imprévue de Pascal dans sa vie et, enfin, la mort
subite de son ami François.
India Desjardins a créé des personnages fébriles vivant à
100 à l’heure sans trop se soucier des conséquences sur eux-mêmes et leur
entourage. Les remises en question de Sarah Dufour sont nombreuses et elle les
considère comme monolithiques jusqu’à ce que la vie se charge de lui rappeler
l’erreur de cette façon de penser et d’agir par une cascade de péripéties tout
à fait crédibles.
Allait-il de soi que La
mort d’une princesse se termine par un « happy end »? Peut-être,
mais le chemin parcouru par l’héroïne au fil du récit plutôt une embellie, une
lumière au bout du tunnel qui lui fasse oublier la nostalgie d’une vie de
princesse.
Note : si la solitude des femmes, choisie ou non, est un sujet
qui vous intéresse, il vous faut lire Nous
sommes bien seules (Leméac, 2017) de Julie Bosman. Comprenez que le
« bien » choisi par l’auteure peut être compris dans son sens
positif, comme « nous sommes heureuses d’être seules », ou son contraire,
« nous sommes trop seules ». Un peu comme la Sarah de La mort d’une princesse qui hésite entre
les deux. Les quinze récits que J. Bosman donne à lire sont d’une autre
dimension, car ils lui ont été inspirés par des femmes ayant vécu une
expérience unique, la leur incomparable. C’est beaucoup, direz-vous, mais n’en
est-il pas ainsi quand on parle d’émotions ou de sentiments? Cette impression
que ce que l’on vit d’heureux ou de pire n’est jamais ce que l’autre perçoit ou
ressent. Chose certaine, il faut du talent et une application littéraire pour
ainsi rendre justice aux témoignages, souvent confidentiels, en les faisant
passer de la réalité à l’imaginaire, sans qu’ils perdent un brin de leur
intensité.
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