Hubert Mansion
Les trésors cachés du
français d’Amérique
Montréal, L’Homme, 2017, 176 p., 22,95 $.
Parler franbéquois
Les passions s’animent dès qu’il
est question de la langue au Québec. Qu’on le parle ou qu’on l’écrive,
l’apprentissage du français est fort complexe, même pour ceux dont c’est la
langue maternelle. Longtemps, le modèle linguistique idéal fut celui de la France,
sinon celui de Paris. Toujours, le piège des anglicismes est une crainte
constante, presque une obsession. Or, en lisant Les trésors cachés du français d’Amérique, un essai d’Hubert
Mansion, j’ai à nouveau compris qu’il fallait cesser les comparaisons avec le
français d’ailleurs et mettre en perspective nos peurs d’emprunter à la langue
de nos voisins.
Un mot sur l’auteur. Originaire
de Belgique, Hubert Mansion est un avocat qui s’est longtemps consacré aux
vedettes du show-business avant de venir s’installer ici. Il a depuis publié
plusieurs livres sur le Québec dont 101
mots à sauver du français d’Amérique (Brûlé, 2008).
Son nouvel essai prend la forme
d’un lexique où sont consignés plus d’une centaine de mots et expressions
retenus parmi les termes et locutions fréquemment employés dans le discours
quotidien des Québécois et des autres francophones du continent, et dont
l’usage est, souvent, faussement craint.
Cet ouvrage m’a autant appris
qu’il m’a fait rire, car l’auteur se permet des digressions interdites dans les
dictionnaires ou les ouvrages savants de linguistique. Il ne se pose pas en
lexicologue, mais en francophone parfois ulcéré par un rigorisme ou un purisme puritain
qui finissent par tuer à petit feu toute passion du français. On oublie alors
qu’une langue est vivante dont les mutations ravivent son usage.
Un exemple. Le mot « barguiner »
n’est pas l’anglicisme que l’on croit, puisqu’« attesté en français sous
la forme de "barganer", de "bargaigner" ou de
"barguigner" depuis le XIIe ». Toujours sous ce
vocable, l’auteur s’aventure à baliser l’origine des mots qui composent le
français d’Amérique, plusieurs ayant été empruntés aux langues amérindiennes,
ou à la sonorité d’icelles, et, ma foi, très peu à l’anglais. D’ailleurs, n’oublions
pas que la langue de Shakespeare compte plus d’emprunts au français que
l’inverse.
L’essayiste rappelle aussi une
réalité qui nous échappe trop souvent : « Et pour terminer avec les
idées toutes faites, comment ne pas souligner que c’est bien au Canada, et non
en France, que le français a eu pour la première fois le statut de langue
nationale, parlée et comprise par tous, plus de trois siècles avant de
s’imposer comme idiome général dans l’Hexagone? » Ce n’est pas la une
théorie imaginaire, mais attestée par des historiens de la langue, dont la
linguiste Henriette Walter dans son histoire de la langue Le français dans tous les sens (Le livre de poche, 1997) et dans
l’éloquent article de J.-C. Germain, «L’inconnaissance de l’histoire est un
choix» dont j’ai fait mon credo.
Revenons au lexique de Mansion.
Au cours de mes années d’enseignement, j’ai souvent eu recours à l’étymologie
des mots pour redonner vie à une classe les jours de pluie. Ainsi, l’origine
d’« enfirouaper » réveillait les plus endormis lorsque je racontais que
le mot venait de l’anglais « in fur wrapped », précisant que c’était
là une façon de protéger les fusils des intempéries. Or, l’auteur suggère d’autres
origines non moins intéressantes dont le fait que les fourrures étaient jadis
vendues au poids et que certains trappeurs avaient pris l’habitude d’ajouter
des pierres aux ballots pour en augmenter le prix.
Je pourrais continuer ainsi très
longtemps tant Les trésors cachés du
français d’Amérique recèle, comme le titre le suggère, de véritables perles
du français qu’on parle au Québec, mais aussi en Acadie ou en Louisiane. À lire
et consulter pour découvrir d’autres richesses de notre parlure et en être fière.
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