Sergio Kokis
L’âme des marionnettes
Montréal, Lévesque, coll. « Réverbération », 2017,
30 $.
Voyage dans l’inconscience
J’aime que Sergio Kokis m’amène dans
des contrées lointaines. Il y a ces détails des us et coutumes qu’il évoque par
petites touches, il y a surtout le cœur et l’esprit des personnages au centre
de ses récits. Dans L’âme des
marionnettes, son récent opus, le guide se nomme Leandro Cajal et nous
l’accompagnons à Rio de Janeiro où il est invité à la Biennale du livre par son
éditeur brésilien.
Peu de temps avant son départ,
Leandro dine chez les Morand, ses amis psychiatres. Ferdinand lui demande de s’enquérir
du sort de Liette, sa jeune sœur partie là-bas pour se former auprès d’un
marionnettiste réputé, car elle a rompu tout contact avec les siens.
En route, Leandro fait escale au
Mexique pour visiter son père, le vieux Don Venustiano qui est moribond. Sa
sœur Isabel et son époux, sachant qu’il n’attendait que la visite de son fils
damné pour rendre l’âme, ont tout prévu et on a réglé sur-le-champ la
succession, ce que Leandro avait compris.
À Rio, Jonas, le chauffeur de son
éditeur, l’accueille et, à l’occasion d’un cocktail, Daniel Ribeiro reçoit sa
vedette de la Biennale. Leandro Cajal note des traits de caractère de l’éditeur
qui lui rappellent le ton dictatorial de son propre père. Qu’importe,
pense-t-il, car il a besoin de son hôte pour retrouver Liette Morand, mais il
doit d’abord rencontrer Romario Fortunato avec qui son ami Ferdinand est en
contact. Ce curieux policier dit vouloir n’être qu’un intermédiaire entre la
famille de la jeune femme et ceux qui l’ont recueillie dans des circonstances
nébuleuses.
Leonardo comprend le régime
sociopolitique du pays que Jonas, le sympathique chauffeur devenu son ami, lui
décrit. Il sait que, s’il retrouve Liette, il devra négocier son rapatriement. Il
demande à Jonas de repérer Guido Fagottini, maître ès marionnettes chez qui la
disparue a séjourné. Le chauffeur le retrace et une rencontre a lieu. Le
dialogue entre Fagottini et Cajal est surréaliste tant le vieux marionnettiste
explique son art comme s’il s’agissait d’une philosophie de vie où l’âme et le
corps sont deux entités distinctes, rappelant ainsi le titre du roman.
Il lui faut maintenant visiter
Barto Bonecas qui a connu Liette chez Fagottini. Il s’y rend et celui-ci lui
explique qu’un jour des gens armés sont débarqués chez lui et ont amené la
jeune femme. C’est cependant le policier Fortunato qui lui apprend que Liette se
trouve chez Deodato Realengo, un caïd dans son milieu, et que ce dernier accepte
de rencontrer Leonardo.
Realengo le reçoit avec tous les égards
et lui fait part de son désir de renvoyer la jeune femme dans son pays. Il y
met cependant une condition: que Leonardo écrive sa biographie pour éterniser
ses faits d’armes et ses grandes réussites. Ce dernier promet d’y réfléchir après
avoir rencontré Liette. Lorsque cela survient, il constate que l’état de la
santé mentale de la jeune femme est conforme à ce que le vieux marionnettiste
considérait comme sa volonté de soumission, appelée « acedia » ou
anémie de l’âme.
Leonardo négocie l’entente entre
les Morand et le policier, et il accepte la proposition de son éditeur d’écrire
une hagiographie du caïd. Liette rentre à Montréal, mais Leonardo n’a pas à
revenir au Brésil, Realengo ayant été assassiné. Après s’être refait une santé,
Liette poursuit sa quête d’asservissement et retourne au Brésil.
L’âme des marionnettes est un roman touffu dans son action, ses
péripéties, l’intensité dramatique des personnages et les niveaux de conscience
des individus qu’il explore. Refermant ce livre, j’ai eu l’impression d’avoir
visité une auberge espagnole où Liette Morand était volontairement le pantin de
tout un chacun. Quête identitaire et spirituelle plus qu’enquête policière,
l’histoire de Sergio Kokis s’inscrit dans l’évolution de sa démarche littéraire
entreprise, en 1994, avec Le pavillon des
miroirs.
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