mardi 18 avril 2017

Sergio Kokis
L’âme des marionnettes
Montréal, Lévesque, coll. « Réverbération », 2017, 30 $.

Voyage dans l’inconscience

J’aime que Sergio Kokis m’amène dans des contrées lointaines. Il y a ces détails des us et coutumes qu’il évoque par petites touches, il y a surtout le cœur et l’esprit des personnages au centre de ses récits. Dans L’âme des marionnettes, son récent opus, le guide se nomme Leandro Cajal et nous l’accompagnons à Rio de Janeiro où il est invité à la Biennale du livre par son éditeur brésilien.
Peu de temps avant son départ, Leandro dine chez les Morand, ses amis psychiatres. Ferdinand lui demande de s’enquérir du sort de Liette, sa jeune sœur partie là-bas pour se former auprès d’un marionnettiste réputé, car elle a rompu tout contact avec les siens.
En route, Leandro fait escale au Mexique pour visiter son père, le vieux Don Venustiano qui est moribond. Sa sœur Isabel et son époux, sachant qu’il n’attendait que la visite de son fils damné pour rendre l’âme, ont tout prévu et on a réglé sur-le-champ la succession, ce que Leandro avait compris.




À Rio, Jonas, le chauffeur de son éditeur, l’accueille et, à l’occasion d’un cocktail, Daniel Ribeiro reçoit sa vedette de la Biennale. Leandro Cajal note des traits de caractère de l’éditeur qui lui rappellent le ton dictatorial de son propre père. Qu’importe, pense-t-il, car il a besoin de son hôte pour retrouver Liette Morand, mais il doit d’abord rencontrer Romario Fortunato avec qui son ami Ferdinand est en contact. Ce curieux policier dit vouloir n’être qu’un intermédiaire entre la famille de la jeune femme et ceux qui l’ont recueillie dans des circonstances nébuleuses.
Leonardo comprend le régime sociopolitique du pays que Jonas, le sympathique chauffeur devenu son ami, lui décrit. Il sait que, s’il retrouve Liette, il devra négocier son rapatriement. Il demande à Jonas de repérer Guido Fagottini, maître ès marionnettes chez qui la disparue a séjourné. Le chauffeur le retrace et une rencontre a lieu. Le dialogue entre Fagottini et Cajal est surréaliste tant le vieux marionnettiste explique son art comme s’il s’agissait d’une philosophie de vie où l’âme et le corps sont deux entités distinctes, rappelant ainsi le titre du roman.
Il lui faut maintenant visiter Barto Bonecas qui a connu Liette chez Fagottini. Il s’y rend et celui-ci lui explique qu’un jour des gens armés sont débarqués chez lui et ont amené la jeune femme. C’est cependant le policier Fortunato qui lui apprend que Liette se trouve chez Deodato Realengo, un caïd dans son milieu, et que ce dernier accepte de rencontrer Leonardo.
Realengo le reçoit avec tous les égards et lui fait part de son désir de renvoyer la jeune femme dans son pays. Il y met cependant une condition: que Leonardo écrive sa biographie pour éterniser ses faits d’armes et ses grandes réussites. Ce dernier promet d’y réfléchir après avoir rencontré Liette. Lorsque cela survient, il constate que l’état de la santé mentale de la jeune femme est conforme à ce que le vieux marionnettiste considérait comme sa volonté de soumission, appelée « acedia » ou anémie de l’âme.
Leonardo négocie l’entente entre les Morand et le policier, et il accepte la proposition de son éditeur d’écrire une hagiographie du caïd. Liette rentre à Montréal, mais Leonardo n’a pas à revenir au Brésil, Realengo ayant été assassiné. Après s’être refait une santé, Liette poursuit sa quête d’asservissement et retourne au Brésil.

L’âme des marionnettes est un roman touffu dans son action, ses péripéties, l’intensité dramatique des personnages et les niveaux de conscience des individus qu’il explore. Refermant ce livre, j’ai eu l’impression d’avoir visité une auberge espagnole où Liette Morand était volontairement le pantin de tout un chacun. Quête identitaire et spirituelle plus qu’enquête policière, l’histoire de Sergio Kokis s’inscrit dans l’évolution de sa démarche littéraire entreprise, en 1994, avec Le pavillon des miroirs.

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