Denis Boudrias et Jacques Boulerice
Marcher dans les pas
du temps (récits, prose et poésie)
Saint-Jean-sur-Richelieu, Crayon d’argent, 2017, 184 p.,
20 $.
Les mots, d’hier à
maintenant
Deux collégiens d’autrefois, du temps d’avant
qu’on invente le cégep pour, soi-disant, remplacer les fabriques de curés et d’élite,
ont écrit et publié en 1965, avec leur camarade Beaudin, un recueil des mots aux
couleurs des émotions d’alors. Le temps a passé depuis Avenues (du Verveux), mais leur ambition d’écrire ne s’est pas
calmée.
Denis Boudrias est devenu avocat, juge
municipal, coroner, ami des arts et des lettres, et mécène. Jacques Boulerice
est revenu au collège pour y enseigner la langue et la littérature; il a aussi été
de l’École littéraire du Jour en compagnie de Jean-Marie Poupart,
Louis-Philippe Hébert et toute une cohorte de fous des mots ayant décidé, sans
le savoir, de faire la Révolution tranquille littéraire.
Or, voilà que ces deux camarades d’hier se
retrouvent pour réinventer la poésie et la prose qui les ont animés et projetés
dans cet avenir, maintenant si tant passé qu’il est leur présent, à travers les
pages de Marcher dans les pas du
temps. Récits brefs, proses évocatrices et poésies riches de leurs
expériences personnelles sont ainsi livrés au regard indiscret et imaginatif
des lecteurs.
S’ils sont loin du projet
intitulé Avenues que leur a proposé
J.-P. Plante en 1965, ils en ont quand même gardé l’esprit comme l’écrivait à
l’époque le regretté Gatien Lapointe: « Il y a dans ce recueil trois jeunes
AVENUES qui s’ouvrent sur le monde et l’homme. Que chacun vienne y faire une
promenade : il y trouvera un paysage intime et peut-être aussi sa propre
immortelle jeunesse. »
La première partie du recueil est
consacrée aux textes de Denis Boudrias. Si l’écriture de plaidoyers, de
rapports ou de jugements fut son lot professionnel, il n’a pas pour autant
perdu la liberté d’écrire pour le simple plaisir d’exprimer sentiments et
émotions, ou de jeter un regard oblique sur la société où qu’elle soit. C’est ce
que j’ai observé dans la prose ou les vers de l’auteur dont le verbe fréquente
l’intimité des gens et de leurs pensées les plus secrètes.
Il aborde le thème de la solitude
des êtres, de l’amour à réinventer, de l’âge qui, s’il additionne les années,
prend parfois plus de temps que le temps lui-même n’autorise. Nul atermoiement,
juste cette hâte quand le temps n’est plus compté. Quelques séjours à Paris
racontés illustrent la façon de l’auteur d’observer ce qui l’entoure et de
l’écrire avec toute l’affection que la Ville lumière lui inspire.
« Le vendeur de mots »,
qui clôt la section, résume à lui seul l’intention d’une littérature
personnelle où la chimie des sens et le maillage des propos occupent la
première place.
Suivent la poésie et les récits
de Jacques Boulerice qui a choisi de les rassembler selon les époques où ils
ont été écrits. Cette façon de faire permet à ceux qui le découvrent d’observer
l’évolution de son art, comme celle des thèmes qui lui sont chers. Les familiers
n’auront peut-être pas de grandes surprises, mais tous devraient se rallier à
l’idée qu’une œuvre littéraire qui ne bat pas au même rythme que la vie d’un
auteur n’est pas destinée à une longue existence ni à une quelconque pérennité,
c’est-à-dire tout le contraire de ce Jacques Boulerice construit livre après
livre depuis Élie, Élie pourquoi? (Le
Jour, 1970).
Ainsi, qui sera étonné de
retrouver ici papa, maman, grand-mère Rosa, les fils ou l’amoureuse? Comme un
hier à aujourd’hui que le temps élague de ces mots qu’on croyait d’une absolue
nécessité, mais que le poète a lui-même effacé avant le temps ou la critique.
Reprendre la route de la
fraternité 50 ans devant la parution d’Avenues
était un beau défi, l’émotion ou l’expression d’icelle n’étant pas jamais la
même d’un âge à l’autre. Or, Marcher dans
les pas du temps fait bien le pont dessiné par les auteurs, illustrant ainsi
que certaines sources ne se tarissent jamais.
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