Jean Lemieux
Nos meilleurs amis les morts
Montréal, Québec Amérique, coll. « QA fiction »,
2023, 336 p., 29,95 $.
Vie de chalet : longtemps après
En ouvrant Nos meilleurs amis les morts, septième enquête d’André Surprenant, le héros imaginé par Jean Lemieux, j’ai fait le chemin parcouru par le roman policier avant d’être reconnu comme genre narratif à part entière, un préjugé qui n’a rien à voir avec les romans de Lemieux.
On se souvient que le
sergent-détective Surprenant habite une maison léguée par son oncle Roger avec Geneviève,
sa conjointe, et les deux fils d’icelle. Toujours à l’emploi du SPVM, il relève
du poste de la Place Versailles. Louis-Philippe Brazeau, « obèse amateur d’opéra »,
est toujours son coéquipier; Sébastien Guzman, un enquêteur du bureau; leur consœur
en congé de maternité n’a été pas remplacée. Les crimes n’en sont pas moins nombreux
et le meurtre du notaire Jean-Claude Ladouceur – « saigné comme un cochon »
–, les oblige à faire plus avec moins.
Au retour du travail, Mireille McClean
a trouvé son époux baignant dans une mare de sang. Rien d’anormal dans la
maison, sinon que le meurtrier semble être entré sans difficulté et avoir laissé
un carré rouge évoquant les grèves étudiantes sur la scène de crime. Calme, la
veuve raconte aux policiers : « J’ai rencontré Jean-Claude quand j’avais
vingt ans. Je travaillais avec mon père dans une pourvoirie en Mauricie. Ça ne
paraît pas aujourd’hui, mais dans ce temps-là, j’étais une fille de bois. »
La mise en situation de l’intrigue
livre juste ce qu’il faut de détails pour nous lancer sur la piste des
protagonistes initiaux. Jean Lemieux est soucieux du détail des personnages qu’il
imagine, tantôt un aspect physique, tantôt leur façon d’être. André Surprenant n’est
pas que policier, mais aussi un compagnon de vie, un père et un grand-père. Les
stéréotypes ne sont pas absents, mais l’usage qui en est fait illustre l’impétuosité
de certains protagonistes. Le journaliste Vandal, par exemple, fait encore des « échanges »
d’informations avec Surprenant selon le protocole non écrit du donnant-donnant.
En bon père de famille, Surprenant
s’intéresse ici à son beau-fils William, un cégépien actif au sein du mouvement
des Carrés rouges. C’est là une des mises en abyme conférant à la trame des
allures de poupée-gigogne dont l’accumulation soutient l’ensemble.
Lors d’une réunion portant sur le
meurtre de Ladouceur apparaît Robert Coupal, directeur adjoint du SPVM. On s’interroge
sur cette soudaine visite, Surprenant plus que les autres puisqu’il connaît
bien Coupal, car ils furent confrères à l’école de police.
Dans le contexte d’un crime non résolu,
un nouveau meurtre survient dont le scénario est semblable au précédent. Vincent
Liggio, la victime, habite le « frigo », un immeuble transformé en dispendieux
et mystérieux condos. Liggio est réputé faire partie de la mafia italienne et chargé
du blanchiment de l’argent du crime.
On adjoint enfin une nouvelle
enquêtrice au poste Versailles. Alice Verreau, une jeune policière, a de l’allant
et apprécie l’expérience et le style de Surprenant dont elle devient la
coéquipière.
Le notaire Ladouceur était,
dit-on, un homme discret autant dans sa personnalité que dans sa pratique du
droit notarial. On sait cependant qu’il a été impliqué dans diverses transactions
immobilières concernant le « frigo », que des sommes de son compte en
fidéicommis ont transité par des institutions liées au banquier Pierre Melanson.
Le romancier lève petit à petit le voile sur cet homme qui règne sur l’univers
de plusieurs personnages.
C’est le cas de Léonard McClean, le
beau-père de Ladouceur. Âgé et malade, cet homme au tempérament pugnace ne s’en
laisse pas imposer, employant une violence verbale qui augure de possibles
gestes brutaux. Plus l’enquête sur le premier meurtre progresse, plus McClean
père revient dans les discussions, notamment au sujet du chalet de Mireille
McClean à Saint-Roch-de-Mékinac, où est également situé un domaine appartenant
à Melanson, là où s’est noyée la jeune Ariane Bellemare des décennies plus tôt.
Diverses hypothèses laissent croire
que les meurtres de Ladouceur et de Viggio sont d’ordre financier, surtout que,
dans les heures suivant ces assassinats, leurs comptes de banque ont été vidés.
Côté vie familiale, nous rencontrons
Laurie, la fille naturelle de Surprenant, « la cadette née d’une aventure
dans un congrès en 1987 » et dont il a appris l’existence des années plus
tard. Devenue policière comme lui, sa première affectation à la SQ est en
Abitibi. Geneviève, sa compagne, lui suggère de passer du temps avec Laurie. C’est
ainsi qu’elle l’accompagne à Shawinigan. Hélas, Laurie se trouve au mauvais
endroit au mauvais moment et elle est victime d’un tireur, probablement celui qui
a commis les meurtres.
Une troisième victime s’ajoute, Mireille
McClean noyée dans sa piscine. Les enquêteurs menant plusieurs enquêtes simultanément,
ils en viennent à considérer qu’il y a un lien entre elles. C’est la piste du
lointain passé du notaire, celui de sa femme, du père de celle-ci, du domaine
de Melanson et de Melanson lui-même, ultime point de convergence sous l’aura du
jeu d’échecs. L’imbroglio semble inextricable jusqu’à ce que les policiers fassent
le lien entre la noyade présumée de la jeune Ariane Bellemare et ceux qui ont jadis
fréquenté le domaine de Melanson. Même Robert Coupal est associé à cet événement.
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