Jean Désy
Nous sommes poésie : rencontres sur les sentiers de
la poéticité
Montréal, XYZ, 2022, 280 p., 24,95 $ (papier), 18,99 $ (numérique).
À la mémoire d’un ami poète
Les années durant lesquelles j’ai fréquenté Jean Royer furent et demeurent marquantes pour l’homme vieillissant que suis. De tout ce que mon ami Jean m’a appris, la plus importante que la poésie est d’abord et avant tout une façon d’appréhender la vie en considérant ce qui nous entoure dans son essence plutôt qu’en son apparence. J’évoque Jean parce que je crois qu’il aurait adhéré aux propos de Nous sommes poésie : rencontres sur les sentiers de la poéticité, une suite de « rencontres sur les sentiers de la poéticité essentielle » qu’a eu Jean Désy et dont il relate l’essentiel du verbatim.
Je vous suggère d’ailleurs de
lire, gratuitement, le numéro 165 de la revue Lettres québécoises sur le
site Érudit (https://www.erudit.org/fr/revues/lq/2017-n165-lq02958/) pour le mieux
connaître.
Revenons à Nous sommes poésie,
un essai empruntant la forme d’un dialogue entre l’auteur et une trentaine de
connaissances. Ces rencontres ont eu lieu dans la nature familière à Jean Désy
et qui convenait aux dix sujets de discussion proposés. L’élaboration de chacune
de ces conversations, animées par la passion des interlocuteurs, est introduite
par une mise en situation cernant les domaines abordés mais jamais conclus,
sinon en évoquant des pistes que lectrices ou lecteurs peuvent développer à
leur guise ou selon leurs intérêts.
Je retiens deux mises en situation
à titre d’exemples. L’écrivain-médecin présente ainsi « Poéticité et vie
nature » : « Il existe, certes, des poésies urbaines, des textes
de qualité supérieure essentiellement inspirés par la ville, certaines grandes
villes en particulier, et par la multitude humaine. En ce qui me concerne, je
dois avouer que le monde des forêts, des rivières, des lacs vierges et des
animaux sauvages, de la taïga et de la toundra, a constitué le terrain privilégié
où j’ai pu ressentir la poésie du monde. » Il en va ainsi des « Différents
langages poétiques », mise ainsi en situation : « Les différents
langages poétiques utilisés sous leur forme "parabolique"
(parabolique étant utilisé dans le sens "telle une parabole") sont
essentiels parce que l’imagination active importe, surtout si on accepte de l’intégrer
à la lecture, à la réception d’un texte. Les seules compréhensions logique ou
rationnelle ne suffisent pas à nourrir une création, qu’elle soit littéraire ou
autre, à la faire évoluer jusqu’à ce que, grâce au lecteur, à la lectrice, elle
prenne son envol. »
« Une autre étape de la
révolution cartésienne [« bien conduire sa raison et chercher la vérité
dans les sciences »] amorcée depuis plusieurs siècles, qui a mené l’humanité
au bord de l’effondrement, doit cette fois tourner autour de la quête de grâce,
c’est ma conviction intime… Ces années-ci plus que jamais, donc, l’essentiel
révolutionnaire se doit d’être poétique. Personne ne peut s’épargner d’intenses
plongées dans la poésie des lieux, des espaces, du temps et des êtres. Il faut
considérer que ce ne sera que dans une réelle volonté de fusion rationaliste-irrationaliste,
dans un amalgame foré entre le matérialisme technoscientifique et les arts… que
l’humanité pourra reprendre contact avec l’amour des sols, des montagnes, des
arbres, des insectes, des oiseaux et des mammifères. L’amour, mais un amour gratuit,
agapan [amour en grec], représente la bouée vers laquelle l’humanité
doit diriger son navire dans ce voyage qui est le sien. Et pour boussole, je
propose la poéticité, avec en vigie, le poète. »
« Entrer en poéticité, c’est
accepter qu’une portion de l’essentiel du monde nous imprègne, nous transforme,
nous transporte, nous ouvre les portes d’un universel auquel nous rêvions,
peut-être, mais que nous n’avons pas encore vraiment touché, ou auquel nous n’avons
pas rêvé. »
Or, « Les voies poétiques sont
hermétiques qu’en apparence. Il s’agit que tout être épris de liberté laisse
voyager son imagination, comme ses aspirations les plus intimes, pour que la
poéticité s’empare de son esprit. »
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