Sylvain Larose
Débandé
Montréal, Sémaphore, 2021, 192 p.,25,95 $.
L’école reflet de notre société?
Josée Blanchette, chroniqueuse au Devoir, donnait à lire « La société des libres penseurs disparus », le 21 mai dernier. Elle y racontait sa rencontre avec Sylvain Larose, professeur des cours d’univers social au secondaire et chargé de cours en didactique de l’univers social à l’UdeM. C’était aussi l’occasion de mettre à l’épreuve les principes pédagogiques décrits par ce prof dans Être, agir, enseigner en tant qu’anarchiste à l’école secondaire (M éditeur, 2018). Les élèves rencontrés ont semblé généralement très satisfaits de la liberté qui régnait en classe et l’apprentissage de l’autorégulation individuelle et sociale qu’elle permettait.
Ce personnage, aux pratiques
pédagogiques contraires à celles de l’auteur, confronte le libertarisme de ce
dernier à son conformisme, voire un modèle d’enseignement moyenâgeux. L’ironie
et le sarcasme sont des armes très efficaces et le romancier n’hésite pas à les
utiliser plus que moins. Cela lui permet, par personnages interposés, de mettre
en opposition des professeurs d’une école secondaire avec la direction de l’établissement,
sans oublier l’interventionnisme du comité d’école composé des parents d’élèves.
Éric est un despote en classe. C’est
la croix et la bannière pour la majorité des élèves qui savent que celles ou
ceux qui ne s’y résolvent pas seront les victimes de l’opprobre de l’enseignant,
souvent à répétition.
On est loin du Club Vineland,
l’excellent film de Benoit Pilon, ou de La société des poètes disparus de
John Keating. Dire qu’Éric a la mèche courte et qu’il devient irascible quand
il est question d’une pédagogie plus équilibrée entre les devoirs du prof et ceux
des élèves, voire d’un esprit plus démocratique en classe, est un euphémisme.
Les élèves d’Éric ne sont pas ses
amis, une relation qu’il reproche à nombre de ses consœurs et confrères plus
jeunes. Il se rit bien de les voir s’embourber dans le vacarme que suscite
parfois leur nonchalance que l’esprit de groupe des élèves exploite à qui mieux
mieux. Pour lui, tout est une question de discipline et de travail qui ne
doivent jamais avoir de cesse si on veut réussir en classe comme ailleurs dans
la vie adulte.
Plus on suit cet enseignant-robot,
ce qu’il semble être devenu au fil des ans en faisant de son enseignement un
éternel copier-coller, plus on comprend les confrontations qu’il provoque chez
certains élèves et ses jeunes collègues. Même le stagiaire qu’il reçoit ne
comprend pas tout à fait sa philosophie professionnelle, mais n’en dit mot
puisque son maître a son sort entre les mains.
Éric fait souvent référence à sa « vieille
gang » d’amis, des collègues qui pratiquaient la même pédagogie directive qui
fait d’eux les seuls maîtres en classe. Ce temps jadis s’oppose, à ses yeux du
moins, aux pratiques de ses plus jeunes camarades. Il y a aussi quelques
survivants de son époque qui semblent avoir libéralisé leur façon de faire et
qui, parfois, viennent au secours de l’homme de Cro-Magnon qu’il est devenu.
Petit à petit, d’événements en
classe, la sienne ou celle d’un autre prof, à une altercation avec la mère d’une
élève qui est aussi au Comité de parents, d’un débordement telle une solide
gauche servie par un adversaire – qui ne l’est pas à ses yeux! – à son knockout
technique, lire ici épuisement professionnel, Éric se voit obliger, même
au-delà de sa volonté, à rendre les armes pour un temps du moins. Cela
suffira-t-il à remettre en question ses pratiques pédagogiques et ses relations
de travail? Revenir en classe en temps de pandémie, en présentiel ou non, n’arrange
rien, sinon un lâcher-prise, une démission morale qu’il croit éthique.
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