Louis Hémon
Maria Chapdelaine
Montréal, Bq, 2020, 224 p., 6,95 $ (papier),
5,99 $ (numérique).
Le pays du Québec
Je n’avais jamais lu Maria Chapdelaine, le roman phare de Louis Hémon paru à titre posthume. Je ne comprenais pas l’importance du récit dans l’histoire de la littérature canadienne-française du début du 20e siècle. Or, l’arrivée d’un quatrième film tiré du roman a piqué ma curiosité et je suis allé constater les écueils auxquels le cinéaste devait faire face en ces temps de rectitude politique.
J’ai lu Hémon sans déplaisir et passé en revue des ouvrages de référence qui en traitent, dont l’Histoire de la littérature canadienne de Mgr Camille Roy, l’Histoire de la littérature québécoise de Biron, Dumont Nardout-Lafarge, ainsi que La littérature canadienne francophone du regretté Edwin Hamblet, professeur émérite de la SUNY, à Plattsburgh.
J’emprunte à ce dernier, jeune professeur
invité à McGill au début des années 1970 que j’ai connu, dont j’ai apprécié le
travail et, surtout, nos longues discussions littéraires, le résumé de Maria
Chapdelaine.
« Samuel Chapdelaine, pionnier
traditionnel, est attiré par l’appel de nouvelles terres à défricher. Il aime le
défi de la forêt vierge canadienne. Sa femme souffre de l’isolement de l’arrière-pays
et regrette sa vieille paroisse natale. Par fidélité, Madame Chapdelaine (Laura)
subit son épreuve en silence. Leur fille Maria est attachante par sa simplicité
et son bon caractère. Elle se résigne aux difficultés de la vie quotidienne, et
son courage et son stoïcisme la feront triompher de tous les revers et de toutes
les déceptions. Trois archétypes d’hommes viennent lui faire la cour. François
Paradis, bûcheron alcoolique qui travaille dans les chantiers, est celui qu’elle
aime. C’est un coureur de bois instable de caractère et qui n’aime pas la vie
de sédentaire; il périt dans une tempête de neige en essayant de se rendre chez
Maria au moment des fêtes. Lorenzo Surprenant est le franco-américain, l’émigré,
qui invite Maria à venir vivre aux États-Unis où la vie est plus facile. C’est
le "vendu" qui finira par s’assimiler à la culture anglo-saxonne.
Eutrope Gagnon, un voisin, simple
cultivateur, ne peut offrir à Maria autre chose que l’existence qu’elle connaît
depuis toujours. Lorsque Madame Chapdelaine meurt, Maria entend les voix de son
pays qui la convainquent de rester au Québec. En épousant Eutrope, elle incarne
l’idéal de la race canadienne-française. » (Edwin Hamblet, La
littérature canadienne francophone, Paris, Hatier, 1987, 84-85)
Côté critique, voyez ce que Mgr
Camille Roy en a dit : « Sans nous attarder à l’aberration volontaire
de ceux qui veulent apercevoir dans Maria Chapdelaine une peinture, non pas du
colon défricheur, mais de l’habitant canadien en général, et qui pour cela
accusent l’auteur d’une généralisation qui est dans leur propre esprit, force nous
est de reconnaître que Louis Hémon a fait un livre qui révéla l’acuité de son
observation, sa haute culture, un art supérieur de conduire le récit, une
langue propre, élégante et souple où se mêle avec mesure et avec une étonnante
vérité le parler populaire canadien, et qu’il montra aussi par l’exemple, tout
le parti que l’on peut tirer, pour le roman, de la matière canadienne. » (Mgr
Camille Roy, Histoire de la littérature canadienne, nouvelle édition revue et
mise à jour, 1930, Québec, Imprimerie de l’Action Sociale Ltée, p. 225)
J’en reviens au film de Sébastien
Pilote, le quatrième tiré du roman. Deux éléments de la trame ont, à mon avis,
sûrement posé problème. D’abord, l’utilisation du mot « sauvage » faisant
alors référence aux Premières nations. On peut croire qu’au début du vingtième
siècle, un auteur français a été éduqué au mythe du « bon sauvage »
ou du « noble sauvage », un personnage idyllique qui est l’idéalisation
de l’état de l’homme à l’état nature vivant librement. Comment le représenter
au cinéma aujourd’hui sans en faire une appropriation culturelle?
L’autre problème que Maria
Chapdelaine peut soulever aujourd’hui : le rôle de Laura, la mère, et celui
de l’adolescente Maria. Le contexte est celui d’un roman du terroir où la
nature doit être soumise aux humains et, qu’à ce titre, l’identité à un coin de
terre est une obligation à laquelle tous doivent se soumettre. Laura
Chapdelaine obéit à son homme sans partager sa passion de rendre le lopin cultivable.
Or, pour Samuel Chapdelaine « faire de la terre » est l’ultime but de
sa vie : il est un colonisateur sans limites.
Où se situe Maria entre les quêtes
différentes de ses parents? À l’époque, la jeune femme a comme un modèle la
fidélité à ses racines terriennes et au mieux-être des siens. C’est ce modèle auquel
Maria adhérera finalement en épousant Eutrope Gagnon, d’autant plus que son cœur
était du côté de François l’aventurier décédé trop tôt. Le choix de Maria a peu
à voir avec ses vrais sentiments étant plutôt inspirés par l’abnégation de
Laura, sa mère, qui rêvait de la ville et de son confort. Une sorte de confinement
permanent.
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