mercredi 4 novembre 2020

Louis Fournier

FLQ : histoire d’un mouvement clandestin

Montréal, VLB éditeur, 2020, 368 p., 34,95 $.

 

Pour en fini avec Octobre 1970

5 octobre 2020 : il y a 50 ans la cellule Libération du FLQ enlève James Richard Cross, attaché commercial britannique. Ce rapt marque le début de la crise d’Octobre. Beaucoup de choses ont été dites ou écrites sur cette période trouble de l’histoire du Québec et du Canada. Autant d’ex-felquistes que des journalistes ou des historiens ont raconté, chacun à leur façon, l’apothéose des activités du Front de libération du Québec.


Ces actions ne se résument cependant pas à Octobre 1970. C’est pourquoi la troisième édition de FLQ : histoire d’un mouvement clandestin, l’essai de Louis Fournier, est considéré comme LA référence sur l’ensemble de ce sujet.

Le travail journalistique de l’auteur est exemplaire, tant du côté de ses recherches que de la probité professionnelle de son propos. À l’époque, Fournier était jeune journaliste à la station radiophonique de CKAC, laquelle a souvent servi de boîte aux lettres aux cellules felquistes. C’est ainsi qu’il fut le tout premier lecteur du manifeste, 24 heures avant Radio-Canada.

Pour bien comprendre l’origine du mouvement clandestin, l’essayiste rappelle le contexte sociopolitique du début des années 1960. Ainsi, un vent de liberté soufflait sur les territoires d’anciennes colonies et dépendances, dont l’Algérie, l’Irlande, la Catalogne, Cuba, etc. Chez nous, l’élection du parti libéral dirigé par Jean Lesage marque le début de la Révolution tranquille. À la même époque, on note la montée d’un nationalisme exacerbé qui se manifeste, entre autres, par la création du RIN, en 1960, et l’apparition des premiers graffitis « Vive le Québec libre » bien avant le Général de Gaule.

Fin février 1963, G. Hudon, G. Schœters et R. Villeneuve créent le FLQ dont les premiers attentats visent surtout le pouvoir fédéral. Hélas, W. O’Neill, un veilleur de nuit, est la première victime collatérale de cette violence.

Louis Fournier raconte, d’un chapitre à l’autre et de façon détaillée, les actions d’éclat du FLQ tout en décrivant son mode de fonctionnement en cellules peu ou pas reliées entre elles. Les felquistes de cette époque sont des jeunes gens issus de divers milieux sociaux, surtout ouvriers et étudiants. Ils perpètrent des vols de banque, d’armes ou de dynamite. Une pédagogie de l’indépendance nationale se développe à travers la Cognée, le journal clandestin du mouvement, et la revue Parti pris qui devient une maison d’édition qui publie, entre autres, Nègres blancs d’Amérique (1968), un essai dont Aimé Césaire a dit, dans son Discours sur la Négritude : « Eh bien, cet auteur, même s’il exagère, a du moins compris la Négritude. ». Pierre Vallières, l’auteur de l’essai, et son camarade Charles Gagnon prônent une indépendance socialiste tout en défendant, jusqu’à l’ONU, le droit des Québécois à disposer de leur territoire.

Plus on approche de 1970, plus la guérilla urbaine occupe l’espace public. Il y a ceux qui veulent l’indépendance rapidement, coûte que coûte, et d’autres qui préfèrent la voie démocratique. Louis Fournier consacre la cinquième et sixième partie de son livre aux événements d’Octobre 1970, des enlèvements à la Loi sur les mesures de guerre, de la lecture du Manifeste à la mort de Pierre Laporte, de la libération de James R. Cross au départ de ses ravisseurs vers Cuba, de l’arrestation des membres de la cellule Chénier aux procès jusqu’en 1973.

J’ai vécu et suivi de près la crise d’octobre 1970 sur le campus de l’université McGill où j’étudiais. J’ai eu de longues discussions avec des camarades originaires d’autres provinces canadiennes ou d’autres pays. L’idée n’était pas de justifier la violence, mais d’expliquer le plus correctement possible ce qui a engendré le radicalisme de certains. Tout cela alors que l’armée canadienne circulait dans les rues de la Métropole, créant un climat que je n’ai pu observer sur place qu’aux moments où des attentats terroristes se multipliaient en France ou en Angleterre.

FLQ : histoire d’un mouvement clandestin mérite les commentaires élogieux qu’il reçoit. Ce livre est, à mon avis, un exemple du travail journalistique rigoureux de l’auteur. Louis Fournier a levé tous les cailloux rencontrés dans sa recherche des faits et de la vérité que chacun recelait. Le « mystère » entourant le décès du ministre Laporte demeure, les membres de la cellule Chénier ayant convenu en être solidairement responsables. Cependant, Fournier rappelle que l’écoute électronique illégale de Me Robert Lemieux conversant avec son client Jacques Rose renfermerait la « clé » du mystère selon ce qu’en ont dit les rares personnes à avoir entendu cet enregistrement.

Un fait demeure : des gens sont décédés, d’autres ont été mutilés et d’autres encore portent le poids des conséquences, directes et indirectes, des actions du FLQ. La violence sociopolitique n’est pas dans les gènes de la société québécoise et quand elle émerge, elle est vouée à un échec éventuel. Pas étonnant puisqu’ici la révolution fut tranquille.

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