Ronald Wright
Brève histoire du progrès, nouvelle édition revue et
augmentée
Montréal, Bq, 2020, 248 p., 12,95 $.
Du progrès à la dégénérescence
Il arrive parfois qu’un livre, brièvement
recenser, retienne mon attention au point où j’y reviens. C’est le cas de la version
revue et mise à jour de Brève histoire du progrès, un essai de Ronald
Wright arrivé à point nommé, au temps de la pandémie. En effet, les signaux que
nous envoie la planète en ce temps de confinement nous rappellent que « l’histoire a en effet prouvé que le progrès,
quel qu’il soit, mène directement à l’échec et à l’anéantissement. »
Cet ouvrage porte un regard analytique et critique sur l’histoire de l’humanité
d’aussi loin que les connaissances actuelles le permettent. L’auteur propose
ainsi une réflexion anthropologique sociale et culturelle sur diverses formes
de progrès, de leurs composantes et du rôle joué par l’être humain. Cette vaste
fresque repose sur des événements s’étant déroulés sur plusieurs millions d’années
dont nous ignorons les détails, mais elle s’appuie sur diverses études et des conclusions
reconnues par les scientifiques.
D’une part, il y a la création et l’évolution de la planète Terre. D’autre
part, il y a la création et l’évolution des vivants, du monde végétal et
animal. Comme d’autres de ma génération, enfant j’ai été un adepte du
créationnisme enseigné par l’Église catholique, selon la genèse biblique. La
théorie de l’évolution de Darwin a vite ébranlé mes convictions.
Cette mise en perspective illustre la force et la faiblesse primaire de
la race humaine, car le temps est le fil conducteur de tout. Il y a la capacité
de l’être humain de s’adapter à presque toutes les situations, ce qui me semble
beaucoup plus vaste que la simple résilience. Puis, il y a son inaptitude de se
rappeler ses expériences passées et d’en tirer des leçons applicables à l’avenir.
Wright s’arrête à tous les moments marquants de l’humanité, à ce qu’on
appelle son évolution, mais aussi à sa contre évolution. Aujourd’hui, il semble
que plus planète se développe plus les humains se rassemblent en société; plus
celles-ci se multiplient plus les besoins vitaux s’accroissent. Nourrir une
famille, c’est bien, en vêtir des dizaines est plus problématique. Entre les premiers
balbutiements de l’humanité et la théorie de Darwin (1809-1882), il y a eu plusieurs
millénaires d’évolution. Depuis, l’évolution n’a plus rien à voir avec celle du
temps jadis. Or, la constante temporelle, ultime appui à toute transformation,
est menacée dans son essence même, c’est-à-dire dans la mesure de sa durée. Le
« je n’étais pas né » est devenu son nouvel étalon.
Dans le contexte d’une pandémie, que vaut de rappeler la grippe espagnole
de 1918 à 1919 et ses 20 à 50 millions de morts, voire même 100 millions, soit
2,5 à 5 % de la population mondiale? Il faut pourtant profiter des leçons
apprises alors pour en tirer le meilleur parti, tout en tenant compte de la
réalité du siècle actuelle.
Or, Brève histoire du progrès
nous rappelle que ce sont les pandémies qui ont le plus marqué la terre et ses
habitants depuis le Moyen Âge, et même avant. Dans la fresque de l’histoire,
Ronald Wright passe en revue chacune des époques d’évolution et de
transformation de notre planète. Il conclut que chacun des cycles se termine par
un bouleversement naturel ou par un quelconque conflit générationnel. On dirait
même que la terre et ce qui l’habite doivent se recréer d’une ère à l’autre.
Plus nous nous approchons de l’époque contemporaine, le Moyen Âge par exemple,
plus la durée entre deux « révolutions » est brève.
Pensons au téléphone d’A. G. Bell.
Il fut breveté en 1876 et n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui, le mobile
étant arrivé cent ans plus tard. Que dire de la population sur terre dont la multiplication
est très inquiétante, car la terre ne pourra alimenter tout ce monde et une famine
régulera ce manque, comme cela s’est produit à plusieurs reprises au cours des
siècles. Wright nous le rappelle, comme il évoque que plus de virus ont tué d’individus
que toutes les guerres. Ce qui peut être la situation à laquelle nous
assistons.
J’écrivais en préambule que la
pandémie actuelle et la réaction des divers gouvernements ne sont qu’une mise à
jour de situations passées. La grande différence, c’est qu’ils sont exacerbés par
la diffusion de l’information de l’action et de la réaction des uns et des
autres. Cela crée une polarisation telle qu’elle pourrait engendrer des
conflits irrémédiables.
Sommes-nous à la fin d’une ère?
Nul prophète n’est encore apparu, même si certains leaders ont de semblables
influences sur une partie de leur population. Chose certaine, cette pause planétaire
pourrait permettre des changements de cap radicaux tant sur le plan écologique
et environnemental que sur celui de l’autonomie à satisfaire les besoins
élémentaires des nations relativisant la mondialisation.
Je ne cesse de relire des pages et des pages de Brève
histoire du progrès, et m’inquiète des suites de la pandémie actuelle. Plus
de cent jours après le début du confinement, notre instinct grégaire prend le dessus.
Il ne doit plus avoir la même insouciance comportementale, sinon le virus sera
de plus en plus létal comme le furent ses ancêtres.
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