mercredi 22 mai 2019

Bruno Jobin
Le cri de l’enfantôme
Gatineau, Vents d’Ouest, coll. « Azimuts », 2019, 168 p., 18,95 $.

Maître ès accumulation et ironie

Il y a longtemps que je n’ai pas recensé un roman de Bruno Jobin qui publie aujourd’hui son neuvième opus, Le cri de l’enfantôme. Mon silence sur ses livres n’est pas un jugement sur leurs valeurs littéraires, mais un signe de mon désintérêt aux polars ce genre que l’auteur affectionne. D’ailleurs, je suis aussi muet sur le travail d’autres écrivains au talent reconnu.



C’est d’ailleurs à un de ceux-là, Réjean Ducharme, que M. Jobin emprunte un élément du titre de son histoire, Les Enfantômes, une œuvre du regretté écrivain parut chez Gallimard en 1976. Ce faisant, je crois que le Johannais a voulu rendre hommage au plus discret membre de la communauté littéraire québécoise.
Qu’en est-il du Cri de l’enfantôme? Le résumé de la trame suggéré en 4e de couverture étant fidèle au récit, sans tombé dans l’accroche publicitaire, je vous la propose :
« Un gamin de sept ans séquestré dans une cage, une mère ado au look gothique, une copine star de cinéma, une cousine originaire de Mongolie, une sourde-muette adepte du vaudou. Au cœur du drame, un narrateur dans la vingtaine, bras rachitique, pied bot, et dont l’œil gauche épie une araignée au plafond. En orbite, un trio de mousquetaires désœuvrés. Dans un bar de danseuses, une certaine Miss Nobody. Et au QG des flics, Hercule Poirot et Woody Allen sur la piste d’un tueur en série. Bienvenue dans cet univers insolite où les rossignols sont des pédophiles, les injections d’arsenic un modus operandi, et les smarties de sacrés indices. Ponctuée par un humour corrosif, nourrie par une imagination débridée, voici l’incroyable histoire d’un homme hanté par le fantôme de l’enfant qu’il porte en lui, telle une malédiction. »
L’auteur Jobin a abondamment puisé dans l’univers de la littérature française en utilisant des écrivains de renom — je pense ici à Charles, Arthur ou Paul qui renvoient à Baudelaire, Rimbaud et Verlaine — pour en faire des personnages correspondant à leur histoire personnelle ou à celle tirée de leurs livres. M. Jobin fait également référence à d’autres artistes ainsi qu’à d’autres aspects de l’univers de la littérature dont des figures de style comme l’analogie, l’accumulation, l’énumération ou le calembour dont il souligne l’existence tout en n’hésitant pas à faire grand usage. Trop ou pas assez? À chacun d’en juger.
Ultimement, je me suis demandé, au tournant d’une page ou de l’un des chapitres, où allait me mener un tel pot-pourri. Fait-il qu’un tel montage d’éléments disparates, mais bien centrés sur la trame, m’étourdisse au point de cesser séance tenante ma lecture ou plutôt devais-je considérer l’ironie qu’un tel amoncellement de clichés — puisés dans tous les domaines, de la publicité aux croyances populaires, des dictons bon enfant aux truismes des images les plus simplettes — met en relief? J’ai bien fait de poursuivre la lecture, retenu par le ton moqueur que le romancier semble avoir choisi pour être le pivot même de la trame du récit, mettant ses vastes connaissances au service de sa créativité.
Croyez-moi, ce trop-plein de références amuse bien plus qu’il ennuie.
Un mot sur les Éditions Vents d’Ouest. « Organisme sans but lucratif, la maison, fondée en 1993, compte présentement 220 titres inscrits au catalogue et répartis en neuf collections. Vents d’Ouest se consacre à l’édition d’œuvres littéraires et a pour mandat de développer, de promouvoir et de diffuser une littérature authentique de haute qualité, tant à l’échelle régionale que nationale, en plus d’agir comme animateur culturel dans la région de l’Outaouais. Les objectifs de la maison sont de soutenir la création, d’encourager la relève et de contribuer à la diversification de la littérature. »
Aucun doute, l’éditeur a bien fait son travail en publiant Le cri de l’enfantôme. À à nous d’en découvrir les péripéties.

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