Alain Bernard Marchand
Complot à l’UNESCO
Montréal, Les Herbes rouges, coll. « Roman »,
2019, 216 p., 21,95 $.
À Paris, les nuages
sont comme des trottoirs
Peut-être êtes-vous déjà entrés dans
la boutique de Marie-Ange Hébert, située dans un ancien phare de la Côte-Nord, pour
y admirer les bijoux que fabrique l’artisane à partir de pierres ou de bois
mort que le fleuve lui offre. Chanceux, vous avez croisé Émile, son fils, clerc
professionnel en vacances dans ce coin de pays.
Ne chercher pas, les Hébert, mère
et fils, car ils sont des personnages du plus récent roman d’Alain Bernard
Marchand, Complot à l’UNESCO, qui
nous amène à Paris, au siège social de l’organisme,
qui « a pour objectif de contribuer au
maintien de la paix et de
la sécurité en resserrant, par l’éducation,
la science et
la culture. ».
Narrateur et personnage principal, Émile est devenu
secrétaire du dg de l’UNESCO à la suggestion d’une amie. « Je me préparais
à enseigner le grec ancien, si tant est qu’on eût voulu encore l’apprendre,
mais le destin, qui est un peu l’horoscope des Anciens, en a décidé autrement. »
L’influenceuse, un mot à la mode,
se nomme Sophie Elytis. Il y a longtemps qu’Émile l’a rencontrée, qu’il est
tombé sous son charme et qu’ils sont devenus inséparables. Pour lui, il « y
avait chez elle quelque chose d’aérien… Méfiez-vous, car elle me donne souvent
envie de perdre la tête. La côtoyer équivaut à la réinventer. »
Sophie est comédienne et, comme tout est dans tout, elle est la fille
de l’ambassadrice de la Grèce à l’UNESCO. On imagine que cette dernière a favorisé
l’embauche d’Émile.
Outre quelques personnages en lien direct avec le travail d’Émile, il y
a sa mère Marie-Ange. Il y a aussi François Laverdure, son ami de toujours
devenu critique de cinéma qui n’hésite jamais à s’envoler pour Paris y
visionner quelque obscur film de maître en entraînant Émile, à son corps
défendant, dans de minuscules salles spécialisées. Chacune de leurs rencontres est
l’occasion pour que leurs univers distincts, l’un hyper réel et l’autre nageant
dans la fiction, se croisent et suggèrent une proximité inquiétante.
Un doute persiste tout au long du roman selon ce que le narrateur
raconte des bureaux de l’UNESCO, de son patron et des représentants des pays
membres rencontrés par hasard. Cette agitation, sous-jacente à l’ensemble des
péripéties et de l’action même de l’histoire, prend diverses tournures selon
ceux qui interviennent ou le coin de Paris où se situe l’action. Car oui, le romancier
a fait de la Ville lumière un incontournable personnage comme dans Le cent vingt-cinquième numéro d’Apostrophes,
son précédent ouvrage.
Un jour surgit un personnage douteux qu’on nomme le Colosse de Rhodes.
Celui-ci donne l’impression d’être un tueur à gages employé par on ne sait qui et
sans savoir qui est dans sa mire. L’individu dérange Sophie qui s’imagine des
scénarios de polar politico-mafieux et qui se met à le suivre, car elle le
croit une menace pour elle ne sait qui.
Dans la cavalcade des jeux diplomatiques dont le siège social de l’UNESCO
est la scène, alors qu’on prépare la rencontre historique entre le Président chinois
et le Dalaï-lama, survient la mort de François Laverdure, une balle dans le front.
Le soir précédent, la victime et Hébert avaient fait la bringue jusqu’au lever du
jour, alors que le critique rentrait au pays et que son ami cuvait son vin. L’enquête
policière s’embourbe très vite, le peu d’information qu’Émile peut leur donner
n’aidant en rien.
C’est le même Émile qui ramène le corps de son ami au Québec pour le rendre
à sa famille. Il en profite pour visiter sa mère et respirer l’air salin du
large. Survient alors un autre meurtre, celui de madame Hébert. Cela fait beaucoup
en peu de temps dans l’entourage d’Émile. Bien que Sophie et son patron lui
conseillent de prendre le temps pour honorer la mémoire de sa mère, Émile bouscule
les conventions pour rentrer à Paris et assister à la rencontre historique à
laquelle son travail l’a associé.
Que se passe-t-il lorsque les dignitaires entrent dans l’enceinte de l’UNESCO
où on les attend fiévreusement? Alain Bernard Marchand a imaginé une chute comme
le font les auteurs de polars ou d’intrigues cinématographiques. Pas étonnant
que son héros écrit : « Je ne dis pas tout. Moi aussi, j’ai des
secrets. L’écriture me permet d’ailleurs de les protéger. »
En refermant le livre, on constate que le romancier a semé discrètement
tout au long de la trame des indices suggérant une fin qui n’est pas celle qu’il
a ultimement choisie. On ne s’ennuie pas à lire Complot à l’UNESCO, ce roman jouant d’intrigues pour nous faire
visiter des coins de Paris et rencontrer des personnages du milieu diplomatique
qui n’ont rien d’ennuyeux et dont l’univers est à l’avenant. Mais au fait :
qui est vraiment Émile Hébert?
Aucun commentaire:
Publier un commentaire