Marie-Ève Martel
Extinction de
voix : plaidoyer pour la sauvegarde de
l’information régionale
Montréal, Somme toute, 2018, 208 p., 24,95 $.
Le prix social de la
liberté de presse
La presse subit sans cesse l’ire du
public, ce n’est pas nouveau. Pourtant, les médias sociaux relaient sans
relâche ses contenus. Pendant ce temps, les revenus distribués aux plateformes
de nouvelles sont les mêmes, alors que celles-ci se multiplient. On comprend
alors que les médias traversent une crise majeure, ce qu’analyse Marie-Ève
Martel dans un essai percutant, Extinction
de voix : plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale.
L’enquête de l’essayiste porte
sur les journaux, radios et télés en dehors des grands centres, comme Montréal
et Québec. À quoi servent les médias locaux, demande-t-elle? Réponse courte:
rendre compte de la vie des micros sociétés où ils sont installés. Version
longue: ils sont les chiens de garde de la vie démocratique; le ciment de la
vie sociale et économique; les partenaires de la vie culturelle et de ses
manifestations; la voix des sans voix; la mémoire d’une collectivité.
Ces rôles polarisants ne
s’exercent pas à la légère et sont régis par un code d’éthique et une rigueur
intellectuelle à toute épreuve. Écrire dans un journal ou traiter d’affaires
publiques à la radio ne s’improvisent pas. C’est d’autant plus important, car le
« journalisme citoyen » peut aisément sombrer dans un populisme dont
le discours s’alimente de fausses nouvelles.
Jadis, la moindre municipalité
québécoise avait au moins un hebdo. La liberté de presse était « encadrée »
et les publicités, une obligation morale. Sans rouler sur l’or, les journaux
étaient rentables en informant la population de la région, la rivalité entre
eux équilibrant les opinions. Puis, ces journaux étaient vendus et la
population, fière de les supporter.
Autres éléments de leur érosion, sinon
d’une destruction massive : l’arrivée de Google, Apple, Facebook, Amazon (GAFA).
Ces sociétés ont squatté les communautés en appâtant leurs sources de
financement publicitaire. Marie-Ève Martel donne des exemples de cela, entre
autres que les divers gouvernements ont fait passer la majorité de leur budget
de publicité du côté d’internet, dont GAFA.
Que dire de la gratuité des
médias passés sur la toile et cessés d’être imprimés? La gratuité n’est
qu’illusion, le consommateur les payant en achetant les produits des
publicitaires.
L’essai aborde aussi la situation
des journalistes. Devenus les bêtes noires de certains élus qui ignorent tous
des relations avec les médias, les journalistes en région, parfois dans les villes,
n’ont plus les coudées franches. Leur rôle de conscience sociale est devenu la
risée de gens d’influence. Certes, rien n’est parfait au pays de la presse,
mais la majorité de celles et ceux qui ont choisi le journalisme comme profession
ont d’abord acquis la formation nécessaire pour l’exercer leur indispensable rôle
en démocratie.
« Quelles solutions pour
l’avenir des médias en région? » demande M.-È. Martel. L’aide financière
de l’État est une piste non négligeable à condition d’être sévèrement encadrée
pour bloquer toute interférence politique ou autre. Par exemple, cela peut se
faire en ramenant l’obligation de publier dans la presse écrite les avis
publics, l’abolition de certaines taxes ou des frais postaux.
Si la recherche de nouvelles
sources de financement est déterminante, elle doit être accompagnée d’une
sensibilisation de la population au rôle des médias régionaux dans la vie sociopolitique,
économique et culturelle du milieu. Une bibliothécaire me confiait récemment avoir
expliqué aux élèves de son institution qu’il y a plusieurs sources
d’information autres que Wikipédia et qu’une information sérieuse et rigoureuse
s’appuie sur plus d’une source. Le droit à l’information doit être accompagné du
devoir de celle-ci d’être irréprochable. Les journalistes professionnels sont,
pour la majorité d’entre eux, encadrés par des règles strictes en démocratie et
savent s’autoréguler.
En lisant cet essai, j’ai aussi
appris que la société Icimédia, dont Le
Canda français est le bateau amiral, est actuellement l’entreprise de
presse regroupant le plus d’hebdos régionaux au Québec. Or, quand j’associe
toutes les informations relatives à la situation de ces périodiques à la
mission que s’est donnée Icimédia, je crois que, partout où cette société opère
un journal, la population a des chances d’être bien informée puisque sa
première préoccupation est justement de l’informer en tenant compte des réalités
du milieu.
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