mercredi 24 octobre 2018

Simon Paradis
Reine de miel
Montréal, Marchand de feuilles, 2018, 352 p., 27,95 $.

Sucré. Salé. Aigre-doux.

Je me suis souvent senti spectateur devant Reine de miel, premier roman de Simon Paradis semblable à de la haute voltige d’une narration fragile suspendue au-dessus du temps et de l’espace, avec pour toile de fond la science de l’apiculture ancestrale, réelle ou imaginée




Le roman s’annonce d’abord comme une enquête policière après qu’un inconnu fut retrouvé au fond d’une cuve de miel de l’entreprise des Paradis, apiculteurs depuis le 19e. Double mystère puisque Vincent, septième de la génération, est aux abonnés absents. Ne sautons pas trop vite aux conclusions, car il faut connaître et comprendre les origines de cet engagement familial et les faits saillants d’une aventure dont la trame se confond avec celle de l’apiculture au Québec, en Amérique du Nord et même en Europe.
Le romancier a raconté, en entrevue, que l’histoire de sa propre famille l’a inspiré et qu’il en a fait une très large fresque. Au cœur de ce récit, la « reine de miel », une espèce que des apiculteurs du Canada et des États-Unis ont mis temps et argent à développer pour remplacer la reine autochtone incapable de survivre aux rigueurs de l’hiver.
Cette quête sera parsemée d’embûches tant du côté humain que de la part de l’insecte qu’on dit social. Pour bien comprendre les enjeux, l’auteur projette sur quatre écrans – Québec, É.-U., Mexique et France – le déroulement d’intrigues complémentaires. Mais, il y a d’abord la famille Paradis, son apprentissage de l’apiculture, sa volonté d’implanter cet élevage qui n’est encore qu’une activité parmi les tâches annuelles des agriculteurs, d’en susciter l’intérêt et de suivre l’évolution de la production du miel.
Dire que Reine de miel a des aspects d’un « Apiculture pour les nuls » ou de « Miel 101 » est un euphémisme. Je pense ici au lexique descriptif des variétés de miel selon le terroir des ruches – climat, sol, végétation, etc. – qui évoque une science presque aussi rigoureuse que celle de l’œnologie. Que dire de la rencontre d’apiculteurs, tenue lors de l’Exposition universelle de Paris en 1878, à laquelle participèrent, entre autres, un certain Thomas Valiquet, le maître Celso et Charles Dadant, sinon qu’elle marqua l’entrée dans la modernité de l’apiculture et de la production du miel.
Simon Paradis a le talent d’un conteur, sans toujours distinguer l’essentiel du superflu, semant la confusion entre les lieux, les époques, les personnages et même les péripéties de ce qui est tantôt une histoire de famille, tantôt celle de 100 ans d’évolution de l’apiculture. Sans oublier de relater comment on devient l’héritier d’un art hissé au rang d’une science et d’expliquer l’ultime test confirmant qu’on est véritable apiculteur.
Je ne saurais reprocher à Simon Paradis la qualité de la langue du roman, que du contraire. S’il faut avoir un dictionnaire sous la main, comme cela va de soi quand on lit, pour bien comprendre quelques mots du langage de l’apiculture, il faut aussi faire diligence à l’emploi parfois abusif de métaphores et d’autres figures. Certes, la périphrase est utile, entre autres, pour éviter les répétitions, mais cela peut parfois peser lourd sur le discours narratif.
Toujours du côté de l’écriture, le romancier réussit à partager la dimension émotive de l’apiculture en mettant en évidence les liens qui unissent l’éleveur et les abeilles, surtout ceux qu’il tisse avec la reine qui vont bien au-delà de la domestication d’un chien ou d’un chat. C’est d’ailleurs, selon moi, un des aspects les plus marquants du livre.
Partager un univers dont le miel est l’or liquide n’est pas une mince affaire. Il ne faut surtout pas que cela édulcore la saveur aigre-douce propre aux aléas d’un long roman comme celui de Simon Paradis. Et, ma foi, l’auteur y est parvenu avec brio.

1 commentaire:

  1. Bravo pour votre critique. J'ai été incapable d'aller jusqu'au bout, ça m'a profondément ennuyée à cause de la confusion, comme vous l'écrivez.

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