Alexandre Mc Cabe
Chez la Reine
Montréal, Bibliothèque québécoise, 2018, 144 p.,
9,95 $.
Superposition
d’images
Lorsqu’un lieu qui nous est familier
apparaît dans une fiction, on a l’impression d’entrer dans cet univers imaginé.
Voir la Méditerranée me fait revivre L’été
de Camus, lire Modiano me ramène à Paris. Parfois, la rencontre de la fiction
et de la réalité bouleverse. Le début de Chez
la Reine — roman d’Alexandre Mc Cabe d’abord paru à La Peuplade en 2014 — m’a
ramené au chevet de mon père à l’hôpital de Joliette, où Jérémie, le grand-père
du récit, agonise lui aussi.
C’est dans cet état d’esprit que
j’ai poursuivi la quête de souvenirs, comme une histoire de famille que raconte
le petit-fils par bribes, avec nostalgie. La fin de la vie du grand-père
maternel est l’occasion pour lui de revenir à Sainte-Béatrix, le village
lanaudois où sa famille a vécu, où il a grandi et vécu des moments importants de
son enfance à l’adolescence.
La Reine d’abord. C’est la tante du
narrateur, la sœur aînée de sa mère. Elle doit son sobriquet au commerce que
tient de son mari, Le Roi du couvre plancher. La Reine, c’est aussi celle chez
qui tous se retrouvent pour les fêtes de famille depuis que les grands-parents
se sont installés dans une maison mobile près de chez elle.
De retour à Sainte-Béatrix pour
se reposer avant de retourner auprès de Jérémie, le narrateur en profite pour
faire un détour en empruntant les rangs qui lui rappellent de bons souvenirs.
Un arrêt s’impose chez son ami Thomas avec qui il croit avoir fait les 400
coups, bien modestes d’ailleurs. Longtemps inséparables, les deux jeunes hommes
ont pris des voies distinctes où chacun a exploité leurs expériences communes
selon où le destin les avait menés. On apprend que Thomas était un tombeur que
rien n’arrêtait, une conquête n’étant pour lui qu’une conquête. C’est
d’ailleurs un soir de fête bien arrosée qu’il a poussé son ami dans les bras
d’Hélène, un flirt du temps de l’école secondaire. Ce qui devait arriver arriva
et le narrateur vécut sa première relation amoureuse sans lendemain.
Poursuivant sa route, le héros
timoré arrive à destination et nous fait visiter la propriété rurale de la
Reine. Il raconte les habitudes agricoles qui permettent à sa tante d’oublier
les soucis du commerce familial et les tracas que lui causent, bien malgré eux,
ses vieux parents. Si j’ai mentionné plus haut l’aspect nostalgique du roman,
il s’amplifie dès qu’il est question des moments heureux du passé de la vie
familiale et même des inévitables travers de chacun dont on s’accommode.
Il est impossible de ne pas
rappeler le dernier Noël du grand-père avec les siens. On ne peut oublier les
visites de Victor Proteau, l’ancien compagnon d’une tante qui était resté près
de la famille après leur séparation, son histoire se confondant avec la leur. Et
la politique? Le grand-père a toujours eu son franc parlé sur ce sujet et on
comprend que le petit-fils tient bien de lui.
« La mort de Jérémie »
est celle d’un véritable patriarche, un chef d’un clan uni à la vie à la mort.
Les larmes, oui, mais en n’oubliant pas que le grand-père a demandé en ouverture
de l’histoire: «Quand est-ce que ça va finir?» Ce à quoi, Maude, la sœur du
narrateur qui travaille auprès de gens en fin de vie, lui répond: «Ça va finir
quand tu vas le décider.» Ce qui est souvent la banale vérité.
Un curieux épilogue se greffe au roman dans lequel
l’auteur raconte une visite à la fille d’Albert Camus qui le reçoit à
Lourmarin, une communauté du Vaucluse, en France, dans la dernière propriété de
son père. D’une certaine façon, la mort du grand-père et le rapprochement de
l’écrivain adulé s’associent dans un même devoir de mémoire, exemple
supplémentaire que quotidien et imaginaire peuvent se confondre, ici pour le
meilleur.
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