Myriam Gagnon
Michel Dallaire, de
l’idée à l’objet
Montréal, Éditions du passage, 2017, 268 p., 49,95 $.
Joindre le beau à l’utile
Michel Dallaire, né à
Paris-du-Destin le 15 août 1942, est un designer industriel de génie ou, en
termes folkloriques, un artisan patenteux et laborieux. Cela résume, sans
malice, les 75 ans d’un créateur dont nous connaissons trop peu les
réalisations et l’itinéraire hors du commun qui l’a mené jusque-là. Pour en
savoir plus sur l’homme et l’œuvre, survolons Michel Dallaire, de l’idée à l’objet, la monographie que Myriam
Gagnon lui consacre, en harmonie avec l’exposition que le Musée de la
Civilisation de Québec (https://www.mcq.org/fr/)
présentée jusqu’au 26 août 2018.
Deux photos m’interpellent: celle
où, à 4 ans, il est en compagnie de Jean-Philippe Dallaire et cette autre
récente prise lors d’un événement de la Fondation Émile-Nelligan qu’il préside.
Même rondeur du visage, même regard scrutateur, même sourire moqueur si
accueillant remarqué lors de la remise du prix Gilles-Corbeille à mon ami VLB,
en 2011. « Sympathique, doté en plus d’un sens de l’humour ravageur et
d’une bonne dose de charisme, c’est le genre de personne dont on cherche la
compagnie » résume bien sa personnalité.
Sa vie, de la naissance à
l’adolescence, n’est pas un conte de fées, mais il croise quelques bonnes gens
qui éclairent sa route autrement ombrageuse. Il en va ainsi de sa tante Thérèse
et de son mari Georges Ayotte, décorateur, ensemblier, scénographie, maquettiste
et mélomane; on ne peut douter de l’influence de ce dernier sur l’avenir du
garçon, curieux de tout. Rien de surprenant alors que « l’adolescent
s’inscrive aux Arts appliqués avec deux atouts dans sa manche : un coup de
crayon précis […] et une solide base en ébénisterie ».
Le design industriel ne pouvait
trouver meilleur élève que Michel Dallaire, car pour lui « le design est
avant tout une question de gros bon sens […] une démarche intellectuelle
d’interrogation et de problématisation des enjeux humains, sociaux ou culturels ».
Non seulement ne doit-il pas concevoir l’objet que sur la table à dessin, mais aussi
en réaliser le prototype en atelier en tenant compte de l’utilisation souhaitée.
Pensons au « SportRack »
qu’il a conçu et réalisé en 1980 pour l’homme d’affaires Maurice Pinsonnault.
Celui-ci voulait produire « un support à skis pour toit de voiture qui
s’installe rapidement ». Dallaire a poussé l’idée jusqu’à la polyvalence
en le rendant apte à porter vélos, planches à voile ou bagages.
Sa formation professionnelle,
Michel Dallaire l’a acquise ici, entre autres aux côtés de Julien Hébert, père
du design industriel québécois, mais aussi en Scandinavie et auprès de Dieter Rams,
« figure emblématique du néo-fonctionnalisme allemand », lui-même
inspiré du mouvement Bauhaus. De là, on comprend pourquoi la «beauté des objets
[que Dallaire] créés est ainsi liée à l’harmonie entre les différentes
composantes, leur séduction tient au plaisir de ressentir cette harmonie. »
Parmi les nombreux projets
réalisés par M. Dallaire dont on parle encore, il y a la bouteille d’eau de
javel Lavo, le flambeau des Olympiques montréalais à l’huile d’olive (dont les
péripéties font bien rire), le mobilier du village olympique et de la Grande
Bibliothèque, le moniteur pour bébés Angel Care, le support à vélos urbains,
etc. Ce qui m’a profondément touché, c’est la simplicité, presque naïve, du
designer à raconter d’où lui vient l’étincelle de la créativité d’où émergent
ses réalisations.
En refermant Michel Dallaire, de l’idée à l’objet, j’ai été envahie par une
grande émotion, celle d’avoir rencontré, à travers les pages du livre qui lui
rend hommage, un homme d’excellence pour qui « la modestie est le genre
d’orgueil qui déplaît le moins », selon une phrase de Jules Renard.
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