mercredi 10 janvier 2018

Myriam Gagnon
Michel Dallaire, de l’idée à l’objet
Montréal, Éditions du passage, 2017, 268 p., 49,95 $.

Joindre le beau à l’utile

Michel Dallaire, né à Paris-du-Destin le 15 août 1942, est un designer industriel de génie ou, en termes folkloriques, un artisan patenteux et laborieux. Cela résume, sans malice, les 75 ans d’un créateur dont nous connaissons trop peu les réalisations et l’itinéraire hors du commun qui l’a mené jusque-là. Pour en savoir plus sur l’homme et l’œuvre, survolons Michel Dallaire, de l’idée à l’objet, la monographie que Myriam Gagnon lui consacre, en harmonie avec l’exposition que le Musée de la Civilisation de Québec (https://www.mcq.org/fr/) présentée jusqu’au 26 août 2018.




Deux photos m’interpellent: celle où, à 4 ans, il est en compagnie de Jean-Philippe Dallaire et cette autre récente prise lors d’un événement de la Fondation Émile-Nelligan qu’il préside. Même rondeur du visage, même regard scrutateur, même sourire moqueur si accueillant remarqué lors de la remise du prix Gilles-Corbeille à mon ami VLB, en 2011. « Sympathique, doté en plus d’un sens de l’humour ravageur et d’une bonne dose de charisme, c’est le genre de personne dont on cherche la compagnie » résume bien sa personnalité.
Sa vie, de la naissance à l’adolescence, n’est pas un conte de fées, mais il croise quelques bonnes gens qui éclairent sa route autrement ombrageuse. Il en va ainsi de sa tante Thérèse et de son mari Georges Ayotte, décorateur, ensemblier, scénographie, maquettiste et mélomane; on ne peut douter de l’influence de ce dernier sur l’avenir du garçon, curieux de tout. Rien de surprenant alors que « l’adolescent s’inscrive aux Arts appliqués avec deux atouts dans sa manche : un coup de crayon précis […] et une solide base en ébénisterie ».
Le design industriel ne pouvait trouver meilleur élève que Michel Dallaire, car pour lui « le design est avant tout une question de gros bon sens […] une démarche intellectuelle d’interrogation et de problématisation des enjeux humains, sociaux ou culturels ». Non seulement ne doit-il pas concevoir l’objet que sur la table à dessin, mais aussi en réaliser le prototype en atelier en tenant compte de l’utilisation souhaitée.
Pensons au « SportRack » qu’il a conçu et réalisé en 1980 pour l’homme d’affaires Maurice Pinsonnault. Celui-ci voulait produire « un support à skis pour toit de voiture qui s’installe rapidement ». Dallaire a poussé l’idée jusqu’à la polyvalence en le rendant apte à porter vélos, planches à voile ou bagages.
Sa formation professionnelle, Michel Dallaire l’a acquise ici, entre autres aux côtés de Julien Hébert, père du design industriel québécois, mais aussi en Scandinavie et auprès de Dieter Rams, « figure emblématique du néo-fonctionnalisme allemand », lui-même inspiré du mouvement Bauhaus. De là, on comprend pourquoi la «beauté des objets [que Dallaire] créés est ainsi liée à l’harmonie entre les différentes composantes, leur séduction tient au plaisir de ressentir cette harmonie. »
Parmi les nombreux projets réalisés par M. Dallaire dont on parle encore, il y a la bouteille d’eau de javel Lavo, le flambeau des Olympiques montréalais à l’huile d’olive (dont les péripéties font bien rire), le mobilier du village olympique et de la Grande Bibliothèque, le moniteur pour bébés Angel Care, le support à vélos urbains, etc. Ce qui m’a profondément touché, c’est la simplicité, presque naïve, du designer à raconter d’où lui vient l’étincelle de la créativité d’où émergent ses réalisations.

En refermant Michel Dallaire, de l’idée à l’objet, j’ai été envahie par une grande émotion, celle d’avoir rencontré, à travers les pages du livre qui lui rend hommage, un homme d’excellence pour qui « la modestie est le genre d’orgueil qui déplaît le moins », selon une phrase de Jules Renard.

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