jeudi 5 octobre 2017

Marie-Renée Lavoie
Autopsie d’une femme plate
Montréal, XYZ, 2017, 248 p., 24,95 $.

Non au clan des maudites folles

Il a suffi que Josée Bonneville, alors éditrice chez XYZ, s’intéresse à un premier roman et qu’elle l’amène, avec l’auteure, dans sa forme définitive pour que paraisse La petite et le vieux en 2010. Puis, Pierre Foglia, qui s’est toujours défendu d’être un critique mais en a dit grand bien, et la carrière littéraire de Marie-Renée Lavoie a démarré en trombe. Depuis, il y a eu Le syndrome de la vis (2012), un second roman, une incursion en littérature jeunesse avec 4 récits et bientôt un cinquième. Impressionnant? Nul doute, l’écrivaine n’a pas cessé d’imposer un style qui soit bien le sien.




Son nouveau livre, Autopsie d’une femme plate, raconte l’aventure aigre-douce de Diane, une femme de 48 ans que le père de leurs trois enfants vient de larguer pour les beaux yeux de la jeune Charlène. Ne condamnons pas trop vite un scénario archiconnu, usé à la corde, ce serait mal connaître le talent de l’auteure capable de rendre la bêtise humaine intéressante, voire intelligente.
Diane Delaunais, narratrice et laissée pour compte, peut se fier à Claudine, fidèle amie et collègue de travail, pour partager les tourments qui l’assaillent, ce qu’elle croit lorsque la réalité subit la distorsion de ses émotions. Par exemple, quand elle « pète les plombs », pour les mauvaises raisons, ou qu’elle fait le procès de son attitude présente et passée vis-à-vis  Jacques, l’époux en-allé. Le duo Diane et Claudine est criant de vérité, si bien que le drame de chacune verse aisément dans la satire avec une dose de méchanceté à la limite du ridicule.
Il faut savoir que Claudine, mariée à un prof de philo qui lui a préféré une étudiante, a la garde de leurs deux filles, Laurie et Adèle, en pleine crise d’adolescence. La semaine où elle les héberge est l’occasion de joutes verbales épiques. Toute la méchanceté, gratuite ou non, qui émerge des conflits parents-ados est mise en relief de façon caricaturale. Comment pourrait-il en être autrement dans la trame narrative de cette histoire?
Antoine, Alexandre et Charlotte, les enfants de Diane, sont de jeunes adultes pour qui elle se fait toujours du souci, ce qui est dans sa nature. Elle s’inquiète d’ailleurs de l’effet que le départ de Jacques aura sur sa relation avec eux. Et s’ils lui tournaient le dos? Quand l’inquiétude se transforme en peur, les pires scénarios sont redoutés.
Chacun des 21 chapitres du roman illustre un aspect des observations que la narratrice fait sur elle-même dans le contexte de sa rupture amoureuse, de son état de « platitude » qu’elle attribue à son aveuglement volontaire de la détérioration des liens qui l’unissaient à Jacques, accentuée par le départ des enfants. Cela donne lieu à des passages truculents par l’hyperréalisme du récit imaginé par l’auteure, vocabulaire « catholissime » en prime.
On a ainsi droit à quelques séances de démolition de mobilier, de trous percés dans les murs ou d’autres exutoires. Que dire de Blanche, son ex-belle-mère, qui vient lui faire la leçon ou du voisin retraité qui coupe le gazon le samedi et réveille tout le quartier? Sans oublier les dialogues animés et loufoques de Diane et Claudine réglant le sort du monde en échafaudant d’invraisemblables solutions, tout en éclusant vin ou de mousseux devenus leur « solution temporaire ».
Ceux que Diane aime lui offrent leur soutien, mais, un malheur n’arrivant jamais seul, deux événements l’obligent à sortir de la léthargie dans laquelle le départ de Jacques l’a fait plonger. Quels vilains tours va encore lui jouer le destin?

La littérature sait embellir la laideur du monde, faire du moindre drame une hilarante comédie humaine tout en mettant en perspective ce que l’égoïsme du temps présent nous refuse. Marie-Renée Lavoie l’a bien compris et elle utilise tout son talent et la maîtrise de son art pour attirer le lecteur et retenir son attention du début à la fin. Que demander de plus à une fiction, miroir grossissant de la réalité et dans la fulgurance de son expression?

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