Marie-Renée Lavoie
Autopsie d’une femme
plate
Montréal, XYZ, 2017, 248 p., 24,95 $.
Non au clan des
maudites folles
Il a suffi que Josée Bonneville,
alors éditrice chez XYZ, s’intéresse à un premier roman et qu’elle l’amène,
avec l’auteure, dans sa forme définitive pour que paraisse La petite et le vieux en 2010. Puis, Pierre Foglia, qui s’est
toujours défendu d’être un critique mais en a dit grand bien, et la carrière
littéraire de Marie-Renée Lavoie a démarré en trombe. Depuis, il y a eu Le syndrome de la vis (2012), un second
roman, une incursion en littérature jeunesse avec 4 récits et bientôt un cinquième.
Impressionnant? Nul doute, l’écrivaine n’a pas cessé d’imposer un style qui
soit bien le sien.
Son nouveau livre, Autopsie d’une femme plate, raconte l’aventure
aigre-douce de Diane, une femme de 48 ans que le père de leurs trois enfants
vient de larguer pour les beaux yeux de la jeune Charlène. Ne condamnons pas trop
vite un scénario archiconnu, usé à la corde, ce serait mal connaître le talent
de l’auteure capable de rendre la bêtise humaine intéressante, voire intelligente.
Diane Delaunais, narratrice et
laissée pour compte, peut se fier à Claudine, fidèle amie et collègue de
travail, pour partager les tourments qui l’assaillent, ce qu’elle croit lorsque
la réalité subit la distorsion de ses émotions. Par exemple, quand elle « pète
les plombs », pour les mauvaises raisons, ou qu’elle fait le procès de son
attitude présente et passée vis-à-vis
Jacques, l’époux en-allé. Le duo Diane et Claudine est criant de vérité,
si bien que le drame de chacune verse aisément dans la satire avec une dose de
méchanceté à la limite du ridicule.
Il faut savoir que Claudine,
mariée à un prof de philo qui lui a préféré une étudiante, a la garde de leurs
deux filles, Laurie et Adèle, en pleine crise d’adolescence. La semaine où elle
les héberge est l’occasion de joutes verbales épiques. Toute la méchanceté,
gratuite ou non, qui émerge des conflits parents-ados est mise en relief de
façon caricaturale. Comment pourrait-il en être autrement dans la trame
narrative de cette histoire?
Antoine, Alexandre et Charlotte,
les enfants de Diane, sont de jeunes adultes pour qui elle se fait toujours du
souci, ce qui est dans sa nature. Elle s’inquiète d’ailleurs de l’effet que le
départ de Jacques aura sur sa relation avec eux. Et s’ils lui tournaient le
dos? Quand l’inquiétude se transforme en peur, les pires scénarios sont redoutés.
Chacun des 21 chapitres du roman illustre
un aspect des observations que la narratrice fait sur elle-même dans le
contexte de sa rupture amoureuse, de son état de « platitude »
qu’elle attribue à son aveuglement volontaire de la détérioration des liens qui
l’unissaient à Jacques, accentuée par le départ des enfants. Cela donne lieu à des
passages truculents par l’hyperréalisme du récit imaginé par l’auteure,
vocabulaire « catholissime » en prime.
On a ainsi droit à quelques séances
de démolition de mobilier, de trous percés dans les murs ou d’autres exutoires.
Que dire de Blanche, son ex-belle-mère, qui vient lui faire la leçon ou du
voisin retraité qui coupe le gazon le samedi et réveille tout le quartier? Sans
oublier les dialogues animés et loufoques de Diane et Claudine réglant le sort
du monde en échafaudant d’invraisemblables solutions, tout en éclusant vin ou
de mousseux devenus leur « solution temporaire ».
Ceux que Diane aime lui offrent
leur soutien, mais, un malheur n’arrivant jamais seul, deux événements
l’obligent à sortir de la léthargie dans laquelle le départ de Jacques l’a fait
plonger. Quels vilains tours va encore lui jouer le destin?
La littérature sait embellir la
laideur du monde, faire du moindre drame une hilarante comédie humaine tout en
mettant en perspective ce que l’égoïsme du temps présent nous refuse.
Marie-Renée Lavoie l’a bien compris et elle utilise tout son talent et la maîtrise
de son art pour attirer le lecteur et retenir son attention du début à la fin.
Que demander de plus à une fiction, miroir grossissant de la réalité et dans la
fulgurance de son expression?
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