mercredi 23 octobre 2024

Sophie Bertrand et Jocelyne Fournel (dir.)

Agence Stock : une histoire du photojournalisme au Québec

les éditions du passage, 2024, 200 p., 54,95 $.

L’image vaut toujours 1000 mots

La majorité des grandes revues de la presse internationale – Time, Life, Look, Paris Match, National Geographic Magazine, etc. – ont fait partie de mon éducation dès ma plus tendre enfance, dans les années 1950. Ces périodiques ont fait mon éducation à la géopolitique, aux grands événements sociaux ou scientifiques à l’échelle planétaire, le cerveau d’un enfant étant comme une éponge. Ils m’ont fait voyager sur tous les continents grâce aux photoreportages du français Henri Cartier-Bresson (1908-2004) qui affectionnait les photographies de rue, les aspects pittoresques et signifiants de la vie quotidienne. Il y eut aussi les œuvres du photographe humaniste français, Robert Doisneau (1912-1994).

Depuis mon arrivée à l’hebdo du Haut-Richelieu, Le Canada français, en 1979, j’ai connu de véritables artisans du photojournalisme : Ken Wallet, Jacques Paul, Rémi Boily, Jessica Viens-Gaboriau, sans oublier de nombreux pigistes.

Le photojournalisme de haut niveau respectant un code d’éthique rigoureux – une obligation de la profession et de la presse qui fait appel à ses services, celle qui refuse la collaboration des paparazzis – est un art dont les artisanes et artisans sont aussi importants que les articles qu’ils accompagnent ou qui sont en soi du journalisme visuel.

Les éditions du passage soulignent cette année 25 ans de recueils de poésie et de beaux livres. À mon avis, tous les livres parus à cette enseigne sont des beaux livres : la poésie sur papier crème et petit fil rouge en bordure ou les autres ouvrages dont le travail d’édition et d’impression ne cesse d’être remarqué, parce que tout à fait remarquables. Parmi les premiers ouvrages célébrant l’anniversaire de la maison d’édition, il y a Agence Stock : une histoire du photojournalisme au Québec, écrit sous la direction de Sophie Bertrand et Jocelyne Fournel.

En introduction, Mme Bertrand raconte : « En 1987, trois jeunes photographes décident de fonder une agence de photographies. À l’instar des agences de presse européennes, canadiennes ou américaines, Robert Fréchette, Jean-François LeBlanc et Martin Roy souhaitent créer une structure indépendante inédite au Québec. Dès la fin des années 1980, l’Agence Stock Photo s’inscrit dans le paysage photographique et établit des collaborations régulières avec la presse nationale et internationale. Pendant plus de trente ans, Stock va accueillir de nouveaux photographes, chacun venant y partager son expérience et sa vision singulière de la photographie documentaire. Au total, quatorze photographes – Oscar Aguirre, Benoit Aquin, Josué Bertolino, Normand Blouin, Robert Fréchette, Laurent Guérin, Caroline Hayeur, Jean-François LeBlanc, Michel Legault, Horacio Paone, Martin Roy, Jean-Eudes Schurr, Marie-Hélène Tremblay, et moi-même – ont été, à différents moments et pendant une durée variable, membres du regroupement. Rassemblés par une démarche commune à caractère social, ils·et elles ont apporté une diversité de regards sur des enjeux sociopolitiques, sur la culture locale, tout en couvrant des événements majeurs qui ont façonné la société québécoise des années 1990 à nos jours.

Quoique plusieurs de leurs images aient fait l’objet de publications monographiques, d’expositions d’envergure (Rencontres d’Arles, Rencontres photographiques de Gaspésie, Mois de la Photo à Montréal, entre autres) ou individuelles, sans compter les nombreuses parutions dans les médias, aucun ouvrage à ce jour n’a été consacré au collectif. Afin de remédier à ce manque dans l’histoire de la photographie québécoise, nous avons souhaité faire rayonner celle de l’Agence Stock Photo tout en suivant, en filigrane, une trame d’événements qui ont ponctué le Québec de 1987 à 2017. Pour ce faire, seules les photographies prises en territoire québécois ont été sélectionnées. Après une recherche approfondie dans les archives respectives des photographes, nous avons extrait, parmi des milliers d’images, celles qui nous semblaient posséder une valeur patrimoniale, tant des images iconiques ayant marqué la mémoire collective du Québec, que des images inédites présentant différentes cultures et traditions québécoises ou, plus simplement, des moments du quotidien.

Ce livre n’est pas révélateur de la vaste production photographique de ses auteur-e-s et ne prétend pas donner à voir toutes les richesses culturelles et territoriales de la province. L’ambition de cet ouvrage est plutôt d’inscrire de façon pérenne un pan de la photographie québécoise et de souligner l’apport notable de l’Agence Stock Photo dans ce domaine, autant que les écritures photographiques singulières des membres qui en ont fait partie successivement.

Le photojournalisme et la photographie documentaire représentent un instant contextualisé de nos sociétés. Les images nous permettent de nous rappeler, de nous questionner, et forment un patrimoine qui nous aide quelques fois à prendre conscience d’enjeux sociétaux, politiques ou environnementaux. Elles sont, de fait, subjectives et suscitent des polémiques ou provoquent des débats, elles nous informent ou nous désinforment parfois, comme elles peuvent, également, nous diviser ou nous rassembler autour d’une mémoire collective. Par cet objet du livre, nous vous invitons maintenant à voir ou à revoir les images des photographes qui ont fait l’histoire de l’Agence Stock Photo, et dont la somme des photographies réunies dans cet ouvrage constitue une richesse artistique, historique et sociologique, un véritable héritage commun. »

Plus de 100 photographies documentaires en noir et blanc et en couleur composent cet ouvrage selon de grandes thématiques : Référendum sur la souveraineté du Québec (1995); Résistance de Kanehsatà:ke (ou crise d’Oka, 1990); Sommet des Amériques à Québec (2011); Printemps érable (2011); Montréal, la nuit; et La chasse et la pêche.

Outre l’introduction de Sophie Bertrand, l’ouvrage comprend trois essais brefs : « Zone de turbulences, tracé d’une agence soumise à des vents contraires » de l’historien de la photographie Vincent Lavoie, ainsi que deux conversations, l’une avec Jean-François LeBlanc et l’autre avec Caroline Hayeur. Ces échanges, sous forme d’entrevue, nous font suivre la démarche de M. LeBlanc et celle de Mme Hayeur, tant comme photographe que participant au projet Agence Stock photo, et où en est leur parcours professionnel.

Je reviens sur « Zone de turbulences, tracé d’une agence soumise à des vents contraires » dans lequel V. Lavoie brosse une large fresque sur l’époque où l’agence fut créée, notamment la décision de la Cour Suprême du Canada ayant statué sur le droit à l’image, rendant techniquement impossible de publier des photos d’individu ou de groupe sans leur autorisation. Il y est aussi question de la création d’autres banques d’images aux États-Unis et ailleurs dans le monde, les règles de l’usage de ces fonds et de l’interférence que ces commerces ont causées aux professionnels de la photo documentaire et du photojournalisme.

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