Marie-Renée Lavoie
Boires et déboires d’une déchicaneuse
Montréal, XYZ, 2022, 256 p., 24,95 $.
Quelques solutions temporaires plus tard…
La grande littérature n’a pas toujours besoin de drames démesurés alimentés par des personnages de haute classe ou de basse vilenie. À se demander si elle en a vraiment besoin, la vie quotidienne n’étant pas toujours un long fleuve tranquille. À preuve, Autopsie d’une femme plate (2017) et Diane demande un recomptage (2020), deux histoires truculentes racontées par Marie-Renée Lavoie dans lesquelles Diane Delaunais, sa progéniture et son ex, et Claudine Poulin et ses filles, déroulent sous nos yeux les aventures de femmes qui sont tout sauf plates.
Claudine en a plein les bras avec
son boulot quotidien et elle offre à Diane un contrat temporaire pour venir à
son secours. « Mandat de six semaines seulement, les boss veulent que le
ménage soit fait avant l’automne… C’est pas des affaires compliquées, juste de
chicanes normales, du monde qui s’haïssent, qui se plantent des couteaux dans
le dos… » (11) Titre de la fonction : chargée de la "synergie des
équipes professionnelles et numériques".
Le spectacle, mettant en vedette
Diane et quelques membres du personnel de l’entreprise, peut commencer. Je remarque
daredare que la présentation de celles et ceux qu’elle rencontre est faite à la
façon d’un bref CV. Par exemple, « Jean-Jean, dit Johnny – 51 ans, moto de
route, motomarine, vêtements de moto, modèles réduits de moto, filles sur des motos… »
(15) ou « Carole – 52 ans, tutoriels de coiffure, couchers de soleil,
Céline Dion, chats dans des boîtes, confitures maison, fougère en tissu… »
Le travail de Diane et celui de
Claudine, devenue sa patronne, déborde sur leur amitié et leurs habitudes de copropriétaires.
Même si elles s’imposent de ne pas parler travail à la maison, il leur arrive de
confondre métier et repos, pour notre plus grand plaisir d’ailleurs. C’est dans
leurs fréquentes conversations qu’elles ont recours aux « solutions temporaires »,
c’est-à-dire boire un coup ou deux.
Il en va de même lorsqu’on retrouve
les trois enfants de Diane – Charlotte étudiante en médecine vétérinaire, mère
Theresa de la cause animalière, son compagnon Dominique (Doum pour les intimes);
Alexandre, en Angleterre; Antoine, geek en informatique, et sa compagne Malika.
Claudine n’a plus qu’Adèle sous son
toit, une ado âgée de seize ans qu’elle nomme affectueusement la « petite
baveuse » ou, mieux, la « petit' crisse ». La chère Adèle s’amuse
à jouer la mouche du coche, l’empêcheuse de tourner en rond des deux maisonnées;
les joutes verbales et ses actions, aussi imaginatives que vengeresses, agrémentent
le récit.
Pour compléter l’environnement du
duplex, la romancière a imaginé des voisins de ruelle qu’elle a prénommés les
Ostimans. Si, Diane et Claudine ont jadis semblé lever le nez sur ces buveurs
de « petites frettes », il a suffi que Fiouze – le chiot cardiaque que
Charlotte a confié à sa mère – se prenne la tête dans le décor de l’escalier et
qu’un Ostimans le sauve pour qu’il tombe dans leurs bonnes grâces.
Il y a aussi Madeleine, une dame
âgée à laquelle Diane est venue en aide dans une précédente aventure et qu’elle
visite régulièrement dans le RPA qu’elle habite. Or, Madeleine est en perte d’autonomie,
ce qui oblige Diane à s’intéresser à cette situation et à être compatissante.
Les scènes mettant en présence les deux femmes sont émouvantes et s’inscrivent dans
les perspectives sociales que l’ensemble du roman met en relief. L’humour, c’est
connu, est une voie royale pour de telles discussions littéraires.
Revenons au bureau. Diane profite
de son titre faussement associé au numérique pour rencontrer Étienne et Dylan,
les informaticiens de la boîte logés au sous-sol de l’édifice. Elle les traite
aux petits oignons, consciente qu’elle n’a pas les autorisations appropriées
pour faire les demandes qu’elle leur adresse. Les échanges qui suivront cette première
visite et ce que chacun des protagonistes en retirera est un clin d’œil à la
nébuleuse numérique, avec un bref arrêt sur les réseaux sociaux et à une
mystérieuse influence sur la société où ils travaillent.
Toute la distribution gravitant
autour de l’univers de Diane, de Claudine et de certains membres du personnel
de la société qui les embauche participe à l’évolution de la trame narrative de
diverses façons, tantôt risibles aux éclats, tantôt humainement tristes. Comme
on disait jadis : où il y a homme, il y a hommerie. C’est le regard que
jette Marie-Renée Lavoie sur celles et ceux qui animent le récit qu’elle
imagine qui concilie difficultés de vivre, multiples quiproquos et sentiments
de tous les niveaux qui font de Boires et déboires d’une déchicaneuse
une histoire caricaturale d’une réalité hélas trop fréquente lorsqu’on doit
réduire les effectifs dans le cadre d’une restructuration.
Les solutions à divers problèmes
que Diane observe dans le cadre de la mission qu’on lui a confiée sont pour le
moins imaginatives. Je pense, par exemple à Fernand, l’homme à tout faire de l’entreprise
qui part à la retraite et qu’on ne veut pas remplacer. Diane considère son travail
indispensable pour tous et elle invite Lydia, la fille très compétente de la quincaillerie
qui l’a souvent dépannée, à postuler. Que dire de son tour de passe-passe pour faciliter
la vie des deux informaticiens, sinon qu’il suffit parfois de peu pour
préserver la bonne entente.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire