Michel Garneau
Le couteau de bois
Montréal, L’Oie de Cravan,
2021, 76 p., 17 $.
Histoire estivale du « ptit » frère
Plusieurs de mes maîtres et amis m’ont amené aux œuvres de Michel Garneau. Marcel Dubé, ami de son frère Sylvain Garneau; Victor-Lévy Beaulieu, son ami et éditeur; sans oublier Michel Garneau lui-même grâce à sa voix radiophonique restée moduler dans ma mémoire auditive, un don fort apprécié alors qu’on n’a jamais assez de ressources mémorielles.
L’œuvre littéraire de Michel
Garneau m’est arrivée par vagues, le ressac en échappant un ici et un là. C’est
Poésies complètes, 1955-1987 (Guérin littérature / L’Âge d’Homme,
1988), un recueil rétrospectif, qui m’a permis d’apprécier pleinement sa plume,
tantôt conteur, tantôt dramaturge ou nouvelliste, et toujours poète.
Puis, il y a eu sa traduction de recueils
de Leonard Cohen, son vieil ami, dont Book of Longin qui lui a inspiré
les inoubliables Poèmes du traducteur (l’Hexagone, 2008).
Les éditions Somme toute ont, quant
à eux, réédité quelques-uns de ses ouvrages, dont La première internationale de narration (2018) et Émilie ne sera
plus jamais cueillie par l’anémone (2019).
Le regretté Jean Royer décrit parfaitement,
dans son Introduction à la poésie (Bq, 1989 et 2009), son art d’écrire :
« Michel Garneau prend le langage à la fois comme une jouissance et une
communication. Sa poésie [et sa prose], qui emprunte à la langue familière,
raconte souvent avec truculence, les joies et les peines de la vie sociale et
individuelle. En fait, il n’y a pas de poète plus joyeux que Garneau, en même temps
qu’il reste toujours politique devant les événements qui nous concernent en
tant qu’humains et Québécois. »
C’est ce qu’on observe dans ses derniers ouvrages parus aux éditions l’Oie de Cravan : Le museau de la lune (2006), Le sacrilège (2011), L’hiver, hier (2015) et cet incontournable Choix de poèmes (pas trop long) en 2019. Il en va ainsi dans Le couteau de bois, paru « à L’Oie de Cravan aux portes de l’été deux mille vingt-et-un ». En couverture, un portrait de famille peut être pris un printemps des années 1950; on y voit la mère, le père et leurs enfants, dont Michel, le benjamin, assis à la droite du papa.
Les Garneau – trois gars, deux
filles, une mère primesautière et un père avare de paroles – sont à la campagne
pour l’été. Le chalet familial est un lieu de rendez-vous de parents et d’amis.
Tout le monde ne reçoit pas comme Pierre, le frère du «ptit» comme l’auteur s’identifie,
d’artistes comme Alfred Pellan ou Gordon Webber qui profitent de l’hospitalité
des Garneau pour peindre dans la nature. François Hertel, jésuite, poète et
philosophe dont l’anticonformisme lui valut d’être expulsé de la communauté en
1947, est aussi un habitué.
Le couteau de bois de l’histoire est
bien réel. Cadeau de son frère Sylvain, lui-même poète marquant de son époque,
il remplace le vrai couteau égaré. Pour que cet objet, « gossé » à
partir d’un bout de bois, ressemble plus au véritable objet, le «ptit» sable la
lame jusqu’à ce qu’elle soit bien tranchante.
Un jour où un oncle, frère du
père, fait visite, le benjamin, encouragé par un de ses frères ou même le
silence de sa mère, blesse le désagréable invité d’un coup du couteau de bois.
Il y a drame en la demeure, bien qu’on rigole sous cape. Le «ptit» est envoyé
dans sa chambre jusqu’à ce qu’il s’excuse, ce qu’il ne fera pas, tout résolu qu’il
est.
Ce souvenir d’enfance raconte un événement
marquant à jamais l’imaginaire du benjamin, comme ce qui est juste ou pas. La
photo de couverture est reprise quelques fois dans le livre, un personnage rayé
d’une fois à l’autre, si bien qu’à la fin ne reste que le «ptit».
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