La couleur du
temps
Montréal, Flammarion
Québec, 2019, 432 p., 49,95 $.
Mille et mille mots
Le besoin de fixer l’image n’est
pas d’hier. Dessin primitif, sculpture, peinture furent des premières formes
pour y répondre. Plus tard vinrent les photos en noir et blanc, puis couleur.
Or, la photo fut hissée au niveau de l’art que tardivement. Aujourd’hui, nous
utilisons notre portable pour prendre des photos, une façon de détourner l’éphémère
à la mode en s’imaginant arrêter le temps de façon aussi fugace que le temps
lui-même.
J’ai grandi entouré des œuvres des
grands photographes de la presse internationale, comme les magazines Life, Paris-Match
ou National Geographic. C’est en me rappelant les voyages photographiques de
mon enfance que j’ai parcouru le remarquable album de Dan Jones et Marina Amaral
intitulé La couleur du temps : nouvelle histoire du monde en couleurs,
1850-1960.
« "Rendre son éclat à un monde délavé" et offrir un nouveau
regard sur le monde, c’est le pari fou et fabuleux que Dan Jones, journaliste
et historien anglais, et Marina Amaral, artiste brésilienne spécialisée dans la
colorisation de photos anciennes, ont relevé avec cet ouvrage. Au travers de
deux cents photographies colorisées, prises entre 1850 et 1960, ils font
défiler sous nos yeux un siècle d’histoire mondiale. Du règne de Victoria à la
conquête spatiale, en passant par l’aventure coloniale, les avancées
scientifiques et la montée des totalitarismes, ce livre retrace l’époque
tumultueuse qui précède la nôtre. Soigneusement sélectionnée parmi des milliers
d’images, chaque photo devient un tableau saisissant de vérité qu’une généreuse
légende replace dans le fil de l’histoire pour tisser un passionnant récit
continu. Pour le lecteur, le résultat est stupéfiant: les clichés qu’il croyait
connaître acquièrent une dimension presque troublante et proposent un panorama
inédit. » Bref, l’Histoire reprend vie.
C’est en regroupant les photos par décennie et en débutant chacune des
époques par un tableau récapitulatif d’événements dont la valeur historique est
reconnue et les photos pouvant le mieux les illustrer qu’on a construit ce
livre. Faisant œuvre pédagogique, l’historien a résumé chacune des périodes:
les années 1850 sont devenues celles du monde des Empires; 1860, des insurrections; 1870,
des temps troublés; 1880, de l’âge des merveilles; 1890, du crépuscule du
siècle; 1900, de l’aube ténébreuse; 1910, des guerres et révolutions; 1920, des
années folles; 1930, de la marche vers la guerre; 1940, du chaos et du salut; enfin,
1950, des temps qui changent.
Outre les schémas historiques des périodes, le cliché d’ouverture de chacune
d’entre elles est non seulement remarquable visuellement, elle l’est aussi par sa
mise en contexte emblématique, perspective indissociable de la photo elle-même.
Ce sont des photos comme celles des horreurs de la Commune de Paris (1870), de la
construction de la Tour Eiffel (1887-1889), des frères Lumière « qui brevetèrent
leur cinématographe en 1895 » ou des frères Wright qui firent, en 1903, le
premier vol d’un engin motorisé.
Le travail de coloration des photos a été réalisé à partir d’informations
précises sur les couleurs, les teintes et les nuances de l’époque où elles furent
prises et cela redonne vie à la représentation de chacune. Nous ne sommes pas
ici dans le maquillage, mais dans une véritable reconstitution.
La majorité des photos sont celles d’individus, des hommes surtout, qui
ont marqué leur époque respective par leur génie créateur ou destructeur. D’autres
images pointent vers des victimes de guerres ou de maladies. D’autres enfin
vers des réalisations ou des œuvres qui ont marqué l’imaginaire d’alors et
continuent de le faire. Lire les 432 pages du livre, c’est faire un extraordinaire
voyage dans le temps générant une profonde réflexion sur la nature humaine, sa
grandeur et ses misères.
Laurent Theillet
De visu : portraits d’artistes
Montréal, du Passage, coll. « Autour de l’art, no 012 »,
2019, 104 p., 24,95 $.
L’art du portrait tient une place
importante dans l’Histoire. Pensons aux royautés ou aux familles fortunées, et la
liste des peintres portraitistes s’allonge. Puis, la photographie s’est
lentement installée et démocratisé cet art. La rencontre de Laurent Theillet et
de 35 artistes d’ici – comédiens, musiciens, danseurs, écrivains, etc. – s’est
traduite par ce recueil de portraits où le visage de chacun est autant un
dialogue avec le photographe qu’avec nous. On les observe un long moment, puis
on s’attarde au texte d’où coulent les mots exprimant la vérité de chacune et
chacun, comme si leur âme traversait la pellicule imaginaire du numérique.
Certes, nous connaissons le visage d’Évelyne Brochu, d’Anne Dorval, d’Ève
Landry ou de Fred Pellerin, mais quelle réalité intérieure se cache derrière cette
pose et leur regard, franc ou fuyant?