mercredi 21 mars 2018


Aurélie Campana
L’impasse terroriste : violence et extrémisme au XXIe siècle
Montréal, MultiMondes, 2018, 144 p., 22,95 $ (papier), 16,99 $ (numérique).

Du terrorisme des uns à celui des autres

Est-il possible qu’un trop-plein d’informations nous distraie de contenus qui méritent d’être pris au sérieux contrairement aux balivernes éphémères? Mais, il y a des limites à voir des atrocités commises au nom de la foi ou de la sécurité nationale. Avouons qu’il n’est pas simple de comprendre le terrorisme, souvent banalisé par des jugements approximatifs, aussi haineux que l’inquiétude qui les provoque. Or, voulant aller au-delà des infos en rafale, j’ai lu l’essai d’Aurélie Campana, professeur titulaire de science politique à l’Université Laval de Québec, intitulé L’impasse terroriste: violence et extrémisme au XXIe siècle.




« Terrorisme » a de multiples significations, selon le point de vue d’où on l’aborde. Il n’est pas une affaire de sémantique, mais de jugements sociopolitiques posés sur des actions réelles, légales ou non. Ainsi, les pays soumis à une dictature ont recours à un « ensemble des mesures arbitraires et violentes qui visent à imposer un pouvoir sur une population ». Cela s’avère depuis la Révolution française du 18e siècle.
La terreur politique actuelle a pris la forme d’associations d’individus épousant une cause commune visant à imposer sa loi à l’ensemble d’une ou de plusieurs populations. On pense, entre autres, à Al-Qaida et au 11 septembre 2001, et à l’organisation « État islamique » (Daech) qui a provoqué « une guerre globale contre le terrorisme ». Ce faisant, on a employé un modèle de guerre traditionnelle sans remettre en question son efficacité. Hélas, une « telle approche contribue à dépolitiser en partie cet ennemi que l’on présente avant tout sous couvert religieux, nourrissant des stéréotypes et créant des amalgames entre islamisme, djihadisme, islam et violence. »
« Une lutte impossible? », de demander l’essayiste. Elle poursuit en analysant, puis en expliquant pourquoi « le risque zéro n’existe pas ». À son avis, Al-Qaida est considérée comme le modèle d’organisation terroriste du 21e siècle. Il a été exporté, puis adapté à diverses causes défendues par des militants ou des activistes qui ont imposé leurs lois à une majorité allant parfois jusqu’à la convertir à leur point de vue.
Cette « pollution » idéologique et ses moyens d’action d’une extrême violence ont même intoxiqué des individus qui sont passés au terrorisme sans conviction, prétextant un engagement, même inexistant. Ces personnes sont parfois appelées des « loups solitaires ».
Avec le « Web, interface entre le réel et le virtuel », l’auteure met en perspective ce qui semble être la mondialisation du terrorisme par plates-formes interposées. Si les médias traditionnels sont toujours un moyen de semer la terreur grâce aux bulletins de nouvelles en continu, Internet est le support de diffusion préféré d’un groupe comme Daech qui y investit temps et argent pour répandre sa propagande. Faut-il imposer un contrôle des contenus diffusés sur la toile pour autant? Non, car cela va à l’encontre de la liberté d’expression, surtout que ces groupes terroristes savent contourner les portes closes.
Le terrorisme, ne l’oublions pas, vient d’insatisfactions d’une frange de la population. C’est en cela que les extrémismes de droite ou de gauche se rejoignent, parfois même dans l’action. Le chômage, réel ou intellectuel, qui perdure devient un vide, un mal-vivre inguérissable.
L’impasse terroriste : violence et extrémisme au XXIe siècle étudie, analyse et aide à comprendre les enjeux et les actions du terrorisme actuel. Il n’y a pas un seul terrorisme, mais plusieurs, tant dans leurs fondements que dans les moyens d’exprimer leurs revendications. Si on s’insurge devant l’assassinat d’écoliers, on semble impuissant devant le terrorisme larvé de la puissante NRA. À se demander si le terrorisme des uns n’engendre pas le terrorisme des autres.

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