Yvan Lamonde, Marie-Andrée Bergeron, Michel Lacroix et
Jonathan Livernois
Dictionnaire des
intellectuel.les au Québec
Montréal, PUM, coll. « Corpus », 2017, 348 p.,
49,95 $.
Histoire des malaimés
Peut-on dire que les
intellectuels sont des damnés de la terre québécoise? Question de perceptions
ou de préjugés, on se méfie trop souvent de ces gens qui donnent l’impression
d’être au-dessus de la mêlée populaire. Pourtant, toute société démocratique a
un réel besoin des réflexions de ces femmes et de ces hommes pour discuter et faire
évoluer sa pensée sociale, politique, culturelle et plus. C’est ainsi que quatre
d’entre eux, issus du milieu universitaire — Y. Lamonde, M.-A. Bergeron, M.
Lacroix et J. Livernois —, se sont adjoint une solide équipe d’auteurs pour
écrire cet indispensable Dictionnaire des
intellectue.les au Québec.
Cet essai s’appuie sur une longue
réflexion, de nombreuses discussions et d’intenses négociations pour fixer le
cadre de leur recherche et, de là, le contenu de l’ouvrage. Il mérite ainsi que
tous celles et ceux qui s’intéressent à l’évolution de la pensée d’ici prennent
le temps de consulter les « 137 entrées exhaustives » qui le
composent.
Certes, il n’y a ni diplôme ni
certification attestant qu’une personne est un intellectuel, mais on considère
généralement que les individus « dont la profession comporte essentiellement
des activités de l’esprit » sont de facto des intellectuels. On pense aux
universitaires, aux écrivains, aux philosophes et à d’autres acteurs de la
scène publique, sans distinction de genre.
Il aurait été impossible aux
auteurs de constituer un dictionnaire rendant justice à cette armada de
penseurs sans dépasser les limites du bon sens de publier leur travail en un
seul livre de dimension raisonnable. C’est pourquoi ils se sont donné des
règles strictes pour établir qui allaient être les candidates et candidats qui
y seraient inscrits.
Il y aurait d’abord des
individus, mais aussi des mouvements sociaux ou littéraires et même des périodiques
considérés comme des phares par et pour certaines générations, du 18e
au 21e siècle.
Ils ont, bien sûr, défini ce
qu’était « l’intellectualisme » de ceux qui allaient constituer leur
corpus selon des « considérations théoriques, historiques et éthiques ».
Allant plus loin dans l’expression de leurs choix, ils ont mesuré ou pondéré « l’importance
de chaque personne ou phénomène collectif » et les ont catégorisés en
trois blocs leur consacrant 500, 1000 ou 1500 mots selon l’influence de chacun.
Un des premiers constats des
auteurs fut le peu de place que les femmes semblent avoir occupée dans le
milieu intellectuel. « La fin du 19e voit enfin une première
cohorte de femmes investir l’espace public et y tenir un discours médiatisé […]
Par le journalisme, la fiction et l’essai, ainsi que la création d’associations
féminines (…) puis la lutte politique pour l’égalité des droits (dont celui de
vote), les femmes négocient leur "contournement" de l’assignation
patriarcale à la sphère domestique et au rôle de mère ou d’épouse. » Les
premières d’entre elles à être ainsi reconnues ont pour nom Joséphine Marchand,
A.-M. Huguenin (Madeleine), Robertine Barry et, plus tard, Fernande
Saint-Martin et Nicole Brossard pour ne nommer que celles-là.
J’ai consacré de longs moments,
au demeurant fort éducatifs, à découvrir les 137 entrées du Dictionnaire des intellectue.les. Je
l’ai consulté simplement d’une lettre à l’autre ou, plus historiquement, d’une
entrée à une autre, chacune m’appelant à faire des liens entre elles pour
dégager les tendances d’une époque ou d’un mouvement idéologique.
On ne peut que saluer le travail
remarquable de l’équipe ayant réalisé cet ouvrage de référence qui résume de
façon circonstanciée l’histoire des femmes et des hommes dont l’engagement intellectuel,
social, artistique ou politique a fait la société québécoise d’aujourd’hui, ce
qui nous permet d’établir des relations égalitaires avec d’autres sociétés.
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