mercredi 14 juin 2017

Yvan Lamonde, Marie-Andrée Bergeron, Michel Lacroix et Jonathan Livernois
Dictionnaire des intellectuel.les au Québec
Montréal, PUM, coll. « Corpus », 2017, 348 p., 49,95 $.

Histoire des malaimés

Peut-on dire que les intellectuels sont des damnés de la terre québécoise? Question de perceptions ou de préjugés, on se méfie trop souvent de ces gens qui donnent l’impression d’être au-dessus de la mêlée populaire. Pourtant, toute société démocratique a un réel besoin des réflexions de ces femmes et de ces hommes pour discuter et faire évoluer sa pensée sociale, politique, culturelle et plus. C’est ainsi que quatre d’entre eux, issus du milieu universitaire — Y. Lamonde, M.-A. Bergeron, M. Lacroix et J. Livernois —, se sont adjoint une solide équipe d’auteurs pour écrire cet indispensable Dictionnaire des intellectue.les au Québec.
Cet essai s’appuie sur une longue réflexion, de nombreuses discussions et d’intenses négociations pour fixer le cadre de leur recherche et, de là, le contenu de l’ouvrage. Il mérite ainsi que tous celles et ceux qui s’intéressent à l’évolution de la pensée d’ici prennent le temps de consulter les « 137 entrées exhaustives » qui le composent.




Certes, il n’y a ni diplôme ni certification attestant qu’une personne est un intellectuel, mais on considère généralement que les individus « dont la profession comporte essentiellement des activités de l’esprit » sont de facto des intellectuels. On pense aux universitaires, aux écrivains, aux philosophes et à d’autres acteurs de la scène publique, sans distinction de genre.
Il aurait été impossible aux auteurs de constituer un dictionnaire rendant justice à cette armada de penseurs sans dépasser les limites du bon sens de publier leur travail en un seul livre de dimension raisonnable. C’est pourquoi ils se sont donné des règles strictes pour établir qui allaient être les candidates et candidats qui y seraient inscrits.
Il y aurait d’abord des individus, mais aussi des mouvements sociaux ou littéraires et même des périodiques considérés comme des phares par et pour certaines générations, du 18e au 21e siècle.
Ils ont, bien sûr, défini ce qu’était « l’intellectualisme » de ceux qui allaient constituer leur corpus selon des « considérations théoriques, historiques et éthiques ». Allant plus loin dans l’expression de leurs choix, ils ont mesuré ou pondéré « l’importance de chaque personne ou phénomène collectif » et les ont catégorisés en trois blocs leur consacrant 500, 1000 ou 1500 mots selon l’influence de chacun.
Un des premiers constats des auteurs fut le peu de place que les femmes semblent avoir occupée dans le milieu intellectuel. « La fin du 19e voit enfin une première cohorte de femmes investir l’espace public et y tenir un discours médiatisé […] Par le journalisme, la fiction et l’essai, ainsi que la création d’associations féminines (…) puis la lutte politique pour l’égalité des droits (dont celui de vote), les femmes négocient leur "contournement" de l’assignation patriarcale à la sphère domestique et au rôle de mère ou d’épouse. » Les premières d’entre elles à être ainsi reconnues ont pour nom Joséphine Marchand, A.-M. Huguenin (Madeleine), Robertine Barry et, plus tard, Fernande Saint-Martin et Nicole Brossard pour ne nommer que celles-là.
J’ai consacré de longs moments, au demeurant fort éducatifs, à découvrir les 137 entrées du Dictionnaire des intellectue.les. Je l’ai consulté simplement d’une lettre à l’autre ou, plus historiquement, d’une entrée à une autre, chacune m’appelant à faire des liens entre elles pour dégager les tendances d’une époque ou d’un mouvement idéologique.

On ne peut que saluer le travail remarquable de l’équipe ayant réalisé cet ouvrage de référence qui résume de façon circonstanciée l’histoire des femmes et des hommes dont l’engagement intellectuel, social, artistique ou politique a fait la société québécoise d’aujourd’hui, ce qui nous permet d’établir des relations égalitaires avec d’autres sociétés.

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