mercredi 31 mai 2017

Émilie Andrewes
La séparation des corps
Montréal, Druide, coll. « Écarts », 2017, 144 p., 17, 95 $.

À la recherche d’une vie perdue

À quoi servent toutes ces notes de lecture consignées livre après livre, sinon d’être des haltes me permettant de revenir dans l’état d’esprit de la première lecture. C’est ainsi que je revois comment et pourquoi j’ai reçu Les mouches pauvres d’Ésope (XYZ, 2004), le premier roman d’Émilie Andrewes, avec autant de plaisir, tout littéraire fut-il. L’écrivaine fit ensuite paraître trois œuvres livres à la même enseigne avant de passer, cette année, chez Druide, La séparation des corps.
J’ignore pourquoi je n’ai pas lu les autres livres d’É. Andrewes, mais, cette fois, je me suis senti interpeller par cette nouvelle histoire, du moins par ce qu’en annonçait la quatrième de couverture, « une histoire d’amour passionné entre Christina et Marie-Ange », et plus encore.
La romancière explore effectivement la relation amoureuse de ces deux femmes que rien ne destinait à une telle rencontre. L’une, à plus de 40 ans, est mère d’un garçon d’une vingtaine d’années souffrant de retard intellectuel; elle est originaire d’Haïti et cuisine des repas pour la petite clientèle qu’elle a développée. L’autre est dans la vingtaine, vit toujours chez ses parents et travaille à la production de poinsettias dans une serre. Or, les parents de Christina, un couple en voie d’extinction, sont parmi les clients de Marie-Ange puisque la mère n’a jamais su ni voulu cuisiner.




C’est ainsi que Christina et Marie-Ange ont fait connaissance et, qu’au fil des mois, elles tissent des liens jusqu’à ce qu’explose la passion amoureuse de Christina. Il faut dire que les deux personnages imaginés par l’auteure sont à l’opposer l’une de l’autre, surtout à cause de l’expérience humaine que leur confère leur âge respectif. Ainsi, on découvre que Marie-Ange est une battante qui a tout fait pour protéger son indépendance tout en sécurisant l’existence de son enfant. Sa petite entreprise de plats cuisinés permet leur survie, mais aussi des sorties occasionnelles dans les bars gais.
Christina, pour sa part, n’a pas encore fait son coming out et a eu peu de partenaires. Elle ne comprend pas encore tout à fait les conséquences que la reconnaissance de son homosexualité peut avoir dans une société où cette relation est plus tolérée qu’acceptée. Si son père et sa mère ne semblent pas surpris de ce qu’elle en vient à leur confier, Christina subira l’opprobre de son employeur qui voyait en elle l’épouse de son fils et la relève de l’entreprise.
Christina découvrira aussi que s’installer avec son amoureuse sans trop la connaître recèle un lot de surprises auxquelles n’a jamais pensé. Marie-Ange sait qu’elle ne peut étaler tout de son passé, entre autres ses relations amoureuses houleuses. Cela se produira pourtant quand Edwidge débarquera chez elle et que sa jeune compagne ne saura gérer cette situation.
Les événements se bousculent, entre autres lors de soirées bien arrosées, au point où Christina se rend à l’évidence que sa relation avec Marie-Ange est impossible. Cette dernière, qui l’avait pourtant prévenue, est surprise d’être secouée par leur rupture et quitte la Métropole pour New York où elle déniche un emploi de femme de chambre dans un hôtel cossu.

Le titre de ses six chapitres du roman — naissance, croissance, dégénérescence, pourrissement, mort et résurrection — résume bien la trame du roman. Autrement, il faut faire pleine confiance à l’écriture d’Émilie Andrewes, car son histoire est à l’image de ses personnages et de leurs relations : ambiguës, mais hyperréalistes.

mercredi 24 mai 2017

Martin Racine
Julien Hébert, fondateur du design moderne au Québec
Montréal, du passage, 2016, 256 p., 34,95 $.

Design industriel ou architecture de l’objet

Quel personnage que le regretté Julien Hébert, père du design moderne au Québec! Replongeons-nous dans l’après-guerre des années 1940 et comprenons que le dernier souci des entrepreneurs, toutes catégories confondues, était l’esthétique de leurs productions. Notre mémoire collective avait oublié le souci des artisans d’autrefois, notamment ceux qui fabriquaient du mobilier, de faire en sorte que leur travail soit non seulement utile et durable, mais aussi qu’il reflète une certaine beauté liée à l’environnement conférée par le matériau, dont la qualité des bois utilisés.




Or, des décennies plus tard, le jeune Hébert, après des études en philosophie et en sculpture à l’École des Beaux-Arts arts de Montréal, ne parvient pas à restreindre son talent et sa passion d’une création intégrée à l’architecture ou au mobilier, un art qui n’a pas encore vraiment de nom au Québec. Il part en France et « frappe à la porte de l’atelier d’Ossip Zadkine » qui l’accueille au sein de sa douzaine d’élèves. Écrire que la chimie entre les deux hommes opère est un euphémisme, car leur façon de comprendre le rôle multidimensionnel de l’art est de même nature. Il suffit de voir les sculptures de J. Hébert et celle de son maître pour comprendre aisément cette proximité.
Le retour au pays de la famille Hébert correspond, à peu près, à la parution de Refus global que signe Borduas, un de ses anciens professeurs. Si l’ouverture sur le monde artistique réclamée par les signataires est bien réelle, allant jusqu’à clamer haut et fort que c’est une véritable révolution sociale qui le permettra, J. Hébert connaît déjà cette liberté grâce à son séjour en Europe. Outre sa rencontre avec Zadkine, les travaux de l’école d’architecture et d’art appliqué du Bauhaus, fondée en Allemagne en 1919, l’ont également profondément marqué.
Comment allier connaissances académiques et pratiques artistiques dans une même esthétique? C’est là une question qui amènera Julien Hébert à créer une nouvelle pratique, celle du design industriel qu’on appelait alors « esthétique industrielle ». Un de ses premiers projets fut la création de chaises d’aluminium recouvertes de tissu; produites à Montréal, celles-ci furent exposées au MoMa de New York.
S’il continue à réfléchir à l’intégration de l’art à la vie quotidienne et à mettre ce concept en pratique, il travaille également sur le terrain en enseignant d’abord « l’histoire de l’art et la sculpture » à l’École des beaux-arts de Montréal, « puis l’aménagement et le design à l’École du meuble », cela avant de devenir «professeur agrégé à l’École de design industriel de l’Université de Montréal» dont il fut un ardent défenseur.
L’ouvrage de Martin Racine, Julien Hébert, fondateur du design moderne au Québec, nous apprend qu’il fut un « pionnier dans l’émergence du design au Québec », qu’il « a marqué les domaines du mobilier, de l’aménagement de l’espace, du design d’exposition, du graphisme, et a été le mentor de nombreux designers, dont Michel Dallaire. Plusieurs de ses œuvres sont célèbres, et certaines sont des jalons marquants de l’espace public: logo d’Expo 67, plafond du Centre national des arts à Ottawa, mobilier et espace du Canada à Expo 67, murales du métro Place-Saint-Henri et de la salle Wilfrid-Pelletier... ».
Une anecdote au sujet de J. Hébert et de son disciple Dallaire : le maître a eu de la difficulté à faire accepter la signature graphique d’Expo 67, devenue aujourd’hui celle du parc Jean-Drapeau, et l’élève, la fameuse torche olympique qu’il a conçue.

La vie et l’œuvre de Julien Hébert sont tout sauf ennuyeuses, et l’ouvrage de Racine nous fait découvrir un parcours personnel et professionnel hors du commun. C’est avec des hommes et des femmes de sa trempe qu’on bâtit un patrimoine culturel durable, ici d’avoir amené dans la modernité la créativité et l’esthétique des artisans d’autrefois.

mercredi 17 mai 2017

Nuit blanche
Québec, no 146, printemps 2017, 66 p., 8,95 $.

35 ans, ce n’est pas rien!

Je suis tombé dans la marmite des journaux et revues avant même de savoir lire. Cela allait donc de soi que le journalisme m’intéresse et devienne chez moi une « passion chronique ». Cela m’a, entre autres, amené à codiriger une revue littéraire trimestrielle où j’ai constaté le travail qu’exige la préparation de chacun des numéros, et le déplorable peu de soutien de l’État indispensable à la survie financière de tels périodiques.
J’ai aussi noté qu’il y a chez nous plusieurs publications consacrées à la création littéraire, mais très peu à la recension et à la critique. Il y a Lettres québécoises qui s’intéresse exclusivement à notre littérature, puis il y a Nuit blanche qui ajoute à ce corpus celui de toutes les littératures francophones.




Le dernier numéro de Nuit blanche souligne son 35e anniversaire. J’ai donc demandé à Suzanne Leclerc, sa directrice, de me raconter l’histoire de la revue et elle m’a répondu avec passion. J’ai ainsi appris que Dominique Duffaud et Anne-Marie Gérineau l’ont cofondé et publié le premier numéro en 1982 de la revue qui se définissait alors comme « un bulletin de l’actualité littéraire ».
Je souligne au passage que Nuit blanche fut aussi, brièvement, le nom d’une maison d’édition qui publia entre autres Tout Félix en chansons (1996) et L’écriture mythologique, essai sur l’œuvre de Victor-Lévy Beaulieu (1996) de Jacques Pelletier, et dont le fonds fut repris par Guy Champagne, en 1988, sous le nom des Éditions Nota bene, aujourd’hui Groupe Nota bene.
Revenons à la revue. Quel est donc le champ d’intérêts et d’activités de Nuit blanche? Mme Leclerc écrit que « c’est le magazine de toutes les littératures écrites ou traduites en français, au carrefour desquelles la littérature québécoise occupe une place centrale. Entrevues d’écrivains, grands dossiers — dont plusieurs portent sur les littératures du monde, les littératures franco-ontarienne et acadienne —, rubriques originales, recensions, etc. Cela en fait un magazine pluriel et curieux de tous les genres littéraires, des écrivains de toutes origines. »
Pour couvrir un si vaste territoire littéraire, il faut une équipe de collaborateurs aguerris. Ceux-ci viennent de « partout au Québec et d’ailleurs dans la francophonie, des écrivains, professeurs, journalistes et autres grands lecteurs qui apportent à la revue une ample diversité de points de vue sur les pratiques littéraires actuelles. À la version papier se greffe celle sur le Web lancée en 1995 et qui n’a cessé depuis de s’enrichir de textes originaux, des numéros courants et d’archives, le tout comptant pas moins de 15 000 textes et images. Nul doute, nuitblanche.com constitue une mémoire vivante unique au Québec. »
Tout ce travail a connu son lot de difficultés au fil des ans, dont la baisse dramatique des subventions et la faillite de son distributeur qui ont mis à mal les périodiques culturels. Malgré cela, la petite équipe de gestionnaires a tenu le cap et fait entrer Nuit blanche dans le 21e siècle en arrimant solidement les deux plateformes, papier et numérique. Parmi ses choix, il y a ceux d’offrir aux abonnés des contenus originaux sur le Web (http://www.nuitblanche.com/), une plus-value à la version papier, et de rendre disponible sur ce site tout ce contenu de textes et d’images déjà mentionné.
Récemment par exemple, lors du décès de Laurent Laplante, remarquable collaborateur à la revue, j’ai été à même de constater, sur le site nuitblanche.com, l’importance et la richesse de la contribution du regretté critique dont on peut consulter l’ensemble des articles.

Si la littérature francophone vous intéresse, visitez le site de Nuit blanche où vous pouvez vous abonner. Je suggère aussi de vous procurer le numéro 156 et y découvrir, entre autres, l’univers de l’écrivaine Maude Veilleux. Attardez-vous aussi au texte que Laurent Laplante consacre à l’œuvre de notre concitoyen Pierre Ouellet, Prix Athanase-David 2015.

mercredi 10 mai 2017

Olivier de Solminihac et Stéphane Poulin
Les Mûres
Paris, Sarbacane, 2017, s.p., 24,95 $.

Entre rêves et réalités

Je me demande parfois comment sont faits les rêves des enfants d’aujourd’hui. Ne sont-ils pas constamment bombardés par des images en continu, qu’ils ne parviennent pas à distinguer le vrai du faux, la réalité de l’imaginaire? Leur vie s’appuie-t-elle uniquement sur de l’un éphémère bancal? Leurs rêves sont-ils faits que de personnages aussi géants que monstrueux? Il y a pourtant à portée d’eux des livres qui leur sont destinés et qui racontent des histoires magiques à mille lieues des horreurs imposées.
Je pense ici au très bel album dessiné par Stéphane Poulin et écrit par Olivier de Solminihac, Les mûre. Ce joyeux bestiaire a pour personnages, l’ours Michao, la chevrette Marguerite et le renardeau qui se charge de raconter le départ de cette petite famille de la maison de campagne où ils ont séjourné l’été durant.




Certains se souviendront que ces personnages étaient aussi ceux de Bateau de fortune (Sarbacane, 2015), un album où « Michao les emmène à la plage. Qui verra la mer le premier? Sur place, ils s’aperçoivent qu’ils ont oublié pelles, seaux, ballons, maillots de bain! Que faire, sinon rêver… et construire un bateau de fortune avec trois fois rien, puis le pousser vers l’horizon, loin, loin aussi loin que dans leurs rêves les plus fous! Il faut "imaginer", conclut Michao. »
Dans Les mûres, « Marguerite et le renardeau jouent avec insouciance, profitant pleinement des derniers instants et partent avec Michao cueillir un plein bol de mûres, ce qui devient une aventure, pleine de sensations. À l’heure du départ, alors qu’une cloche résonne au loin, ces mûres auront la douce saveur des souvenirs de vacances. »

La réalité peut aussi rattraper les jeunes lectrices et lecteurs quand ce qui inspire l’auteure et l’illustratrice vient tout droit de faits vécus au temps jadis. C’est ainsi qu’Emmanuelle Bergeron fait revivre quatre héroïnes qu’illustre Caroline Merola dans Quatre filles en art (Soulières, 2017). C’est ainsi qu’on rencontre la grande comédienne française Sarah Bernhardt (1844-1923), la créatrice de mode Gabrielle Coco Chanel (1883-1971), l’écrivaine Agatha Christie (1890-1976) et la chanteuse québécoise Mary Travers (1894-1941) dite La Bolduc.
L’auteure et l’illustratrice continuent ainsi à faire connaître des personnages féminins qui ont marqué l’Histoire grâce à leur talent remarquable dans des sphères différentes et dans divers pays. Elles se sont ainsi arrêtées à Cinq sportives de talent (Marie-Louise Sirois, Myrtle Cook, Sharon et Shirley Firth, Nadia Comaneci) et à Quatre filles de génie (Hypathie d’Alexandrie, Marie-Anne Pulse-Lavoisier, Beatrix Potter, Marie Curie).
Enfin, comment ne pas voir dans Souffler dans la cassette (Leméac, 2017), le premier roman de Jonathan Bécotte, le parfait mariage entre la fiction et la réalité. En effet, ce «roman poétique dépeint l’amitié entre deux garçons du primaire dont les jeux et  les aventures formeront les racines des hommes qu’ils deviendront. Ce livre fait sourire le lecteur parfois de façon attendrie et parfois avec nostalgie, au point où celui-ci se surprend à vouloir retourner à l’époque de son enfance, du moins de fouiller parmi ses souvenirs d’alors. C’est ainsi que le jeune auteur fait passer le narrateur de la naïveté de ses premiers jours d’école à la boule d’émotions de sa première vraie peine d’amour.» Comme le disait J. Bécotte à l’animatrice de « Plus on est de fous, plus on lit! » : « On a une relation forcée avec ses parents, ses frères et ses sœurs, tandis que son meilleur ami, on le choisit. [...] C’est le premier élan vers une autre personne qu’un membre de sa famille. Je pense que c’est pour ça que c’est aussi fort ».
Lire, c’est rêver les routes à venir, à la mesure de chacun.

mardi 2 mai 2017

Denis Boudrias et Jacques Boulerice
Marcher dans les pas du temps (récits, prose et poésie)
Saint-Jean-sur-Richelieu, Crayon d’argent, 2017, 184 p., 20 $.

Les mots, d’hier à maintenant

Deux collégiens d’autrefois, du temps d’avant qu’on invente le cégep pour, soi-disant, remplacer les fabriques de curés et d’élite, ont écrit et publié en 1965, avec leur camarade Beaudin, un recueil des mots aux couleurs des émotions d’alors. Le temps a passé depuis Avenues (du Verveux), mais leur ambition d’écrire ne s’est pas calmée.
Denis Boudrias est devenu avocat, juge municipal, coroner, ami des arts et des lettres, et mécène. Jacques Boulerice est revenu au collège pour y enseigner la langue et la littérature; il a aussi été de l’École littéraire du Jour en compagnie de Jean-Marie Poupart, Louis-Philippe Hébert et toute une cohorte de fous des mots ayant décidé, sans le savoir, de faire la Révolution tranquille littéraire.




Or, voilà que ces deux camarades d’hier se retrouvent pour réinventer la poésie et la prose qui les ont animés et projetés dans cet avenir, maintenant si tant passé qu’il est leur présent, à travers les pages de Marcher dans les pas du temps. Récits brefs, proses évocatrices et poésies riches de leurs expériences personnelles sont ainsi livrés au regard indiscret et imaginatif des lecteurs.
S’ils sont loin du projet intitulé Avenues que leur a proposé J.-P. Plante en 1965, ils en ont quand même gardé l’esprit comme l’écrivait à l’époque le regretté Gatien Lapointe: « Il y a dans ce recueil trois jeunes AVENUES qui s’ouvrent sur le monde et l’homme. Que chacun vienne y faire une promenade : il y trouvera un paysage intime et peut-être aussi sa propre immortelle jeunesse. »
La première partie du recueil est consacrée aux textes de Denis Boudrias. Si l’écriture de plaidoyers, de rapports ou de jugements fut son lot professionnel, il n’a pas pour autant perdu la liberté d’écrire pour le simple plaisir d’exprimer sentiments et émotions, ou de jeter un regard oblique sur la société où qu’elle soit. C’est ce que j’ai observé dans la prose ou les vers de l’auteur dont le verbe fréquente l’intimité des gens et de leurs pensées les plus secrètes.
Il aborde le thème de la solitude des êtres, de l’amour à réinventer, de l’âge qui, s’il additionne les années, prend parfois plus de temps que le temps lui-même n’autorise. Nul atermoiement, juste cette hâte quand le temps n’est plus compté. Quelques séjours à Paris racontés illustrent la façon de l’auteur d’observer ce qui l’entoure et de l’écrire avec toute l’affection que la Ville lumière lui inspire.
« Le vendeur de mots », qui clôt la section, résume à lui seul l’intention d’une littérature personnelle où la chimie des sens et le maillage des propos occupent la première place.
Suivent la poésie et les récits de Jacques Boulerice qui a choisi de les rassembler selon les époques où ils ont été écrits. Cette façon de faire permet à ceux qui le découvrent d’observer l’évolution de son art, comme celle des thèmes qui lui sont chers. Les familiers n’auront peut-être pas de grandes surprises, mais tous devraient se rallier à l’idée qu’une œuvre littéraire qui ne bat pas au même rythme que la vie d’un auteur n’est pas destinée à une longue existence ni à une quelconque pérennité, c’est-à-dire tout le contraire de ce Jacques Boulerice construit livre après livre depuis Élie, Élie pourquoi? (Le Jour, 1970).
Ainsi, qui sera étonné de retrouver ici papa, maman, grand-mère Rosa, les fils ou l’amoureuse? Comme un hier à aujourd’hui que le temps élague de ces mots qu’on croyait d’une absolue nécessité, mais que le poète a lui-même effacé avant le temps ou la critique.

Reprendre la route de la fraternité 50 ans devant la parution d’Avenues était un beau défi, l’émotion ou l’expression d’icelle n’étant pas jamais la même d’un âge à l’autre. Or, Marcher dans les pas du temps fait bien le pont dessiné par les auteurs, illustrant ainsi que certaines sources ne se tarissent jamais.