Jo Ann Champagne (dir.)
Une incorrigible
passion
Fides, 2016, 400 p., 32,95 $
Trois livres parus l’automne
dernier avaient en commun un élément de leur titre qui soulignait la passion
des auteurs pour autant de sujets distincts. Il y eut Passion Haïti (Septentrion, coll. « Hamac-carnets ») de
Rodney Saint-Éloi, Passion chronique
(Trois-Pistoles, coll. « Écrire ») et Une incorrigible passion, un collectif conçu et dirigé par Jo Ann
Champagne.
Or, rares sont les gens ayant
œuvré dans le domaine des communications, particulièrement la promotion du
livre, qui ne connaissent pas Jo Ann Champagne. Son nom a été associé, entre
autres, à celui d’auteurs reconnus, dont Hubert Reeves et le regretté Martin
Gray, et à L’Essentiel, une maison d’édition qu’elle a fondée et dirigée de
1987 à 2009.
Or, Mme Champagne nourrissait,
depuis longtemps, le projet de faire connaître son «incorrigible passion» du
livre et de la lecture de façon magistrale. L’origine lointaine d’Une incorrigible passion est la
découverte qu’elle a faite du quasi-analphabétisme de sa mère. Cela a eu, entre
autres conséquences, l’orthographe de son prénom passé de Johanne à Jo Ann. Se
sont ajoutés ses nombreux et riches contacts avec des femmes et des hommes dont
le travail est celui des mots, pour décrire et expliquer leurs recherches ou
pour créer des univers souvent plus grands que nature.
Elle a ainsi réuni vingt-trois
personnalités autour d’une même ferveur, le livre et son importance dans les
sociétés où la culture et sa diffusion sont primordiales. C’est ainsi qu’elle
«s’est entourée de passionnés en provenance des deux côtés de l’Atlantique et
leur a demandé de prendre la plume pour partager leur ferveur. Parmi ses
invités [on trouve] un médiéviste, des poètes, un astrophysicien, des
journalistes, des auteurs connus, un libraire, un spécialiste de
l’environnement, un linguiste et lexicographe, un une bibliothécaire, un
éditeur et deux camelots de L’Itinéraire.
Ce mariage de points de vue sur
l’art d’écrire et l’importance du livre a pour résultat un ouvrage dont les
textes peuvent sembler hétéroclites à première vue, mais qui ont en commun de communiquer
le rôle déterminant que la connaissance et la pratique de l’écriture, et son
corollaire la lecture, ont sur leur vie. Sans être moralisateurs, tous
s’entendent pour dire que, sans ces apprentissages, leur vie n’aurait pas été
la même.
C’est bien ce que nous disent les
textes d’Une incorrigible passion,
tout en mettant en valeur le talent de communicateur de chacun. Ainsi, on ne
peut être indifférent à ces témoignages dont le premier est celui du regretté
Benoît Lacroix, un vieil ami de Mme Champagne qu’elle a accompagné jusqu’à son
dernier souffle. Se souvient-on que le Père Lacroix fut un médiéviste réputé et
un spécialiste de Saint-Denys-Garneau?
Notez que pour tirer la
«substantifique moelle» du livre, il faut considérer chacun des textes comme un
tout et se laisser emporter par la passion que chacun révèle. Je prends comme
exemple « Ce bonheur menacé, la lecture » dans lequel Alain Rey, le
père du dictionnaire Robert contemporain, affirme que « le pouvoir de lire
devrait faire partie de la Déclaration des droits de la personne humaine. »
Autre exemple, ce que l’écrivain
Robert Soulières raconte de sa profession d’éditeur avec la verve et la
truculence qu’on lui connaît. Qui d’autre que ce fou de littérature jeunesse pût
aussi bien décrire les aléas d’une activité qui semble parfois si mystérieuse.
Je pourrais faire un commentaire analogue sur le poème de l’écrivain et
graphiste Roger Des Roches pour qui « Vivre dans les pages » est un
engagement de tous les instants.
Préférais-je un article plus que
les autres? Ce serait injuste, car la diversité des discours qui composent le
collectif en fait sa richesse. J’avoue quand même que « Ou le livre ou le
brouillard » de Laurent Laplante n’a jamais quitté mon esprit depuis que
je l’ai lu et relu, car je ne veux ni ne peux oublier sa criante et alarmante
vérité dénonçant la culture de l’éphémère qui a cours aujourd’hui.
Une incorrigible passion me semble une bien belle façon d’ouvrir
l’année lecture autant par la diversité de ses textes que par les plumes
remarquables qui l’ont écrit.
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