mercredi 11 janvier 2017

Jo Ann Champagne (dir.)
Une incorrigible passion
Fides, 2016, 400 p., 32,95 $


Trois livres parus l’automne dernier avaient en commun un élément de leur titre qui soulignait la passion des auteurs pour autant de sujets distincts. Il y eut Passion Haïti (Septentrion, coll. « Hamac-carnets ») de Rodney Saint-Éloi, Passion chronique (Trois-Pistoles, coll. « Écrire ») et Une incorrigible passion, un collectif conçu et dirigé par Jo Ann Champagne.
Or, rares sont les gens ayant œuvré dans le domaine des communications, particulièrement la promotion du livre, qui ne connaissent pas Jo Ann Champagne. Son nom a été associé, entre autres, à celui d’auteurs reconnus, dont Hubert Reeves et le regretté Martin Gray, et à L’Essentiel, une maison d’édition qu’elle a fondée et dirigée de 1987 à 2009.
Or, Mme Champagne nourrissait, depuis longtemps, le projet de faire connaître son «incorrigible passion» du livre et de la lecture de façon magistrale. L’origine lointaine d’Une incorrigible passion est la découverte qu’elle a faite du quasi-analphabétisme de sa mère. Cela a eu, entre autres conséquences, l’orthographe de son prénom passé de Johanne à Jo Ann. Se sont ajoutés ses nombreux et riches contacts avec des femmes et des hommes dont le travail est celui des mots, pour décrire et expliquer leurs recherches ou pour créer des univers souvent plus grands que nature.
Elle a ainsi réuni vingt-trois personnalités autour d’une même ferveur, le livre et son importance dans les sociétés où la culture et sa diffusion sont primordiales. C’est ainsi qu’elle «s’est entourée de passionnés en provenance des deux côtés de l’Atlantique et leur a demandé de prendre la plume pour partager leur ferveur. Parmi ses invités [on trouve] un médiéviste, des poètes, un astrophysicien, des journalistes, des auteurs connus, un libraire, un spécialiste de l’environnement, un linguiste et lexicographe, un une bibliothécaire, un éditeur et deux camelots de L’Itinéraire.
Ce mariage de points de vue sur l’art d’écrire et l’importance du livre a pour résultat un ouvrage dont les textes peuvent sembler hétéroclites à première vue, mais qui ont en commun de communiquer le rôle déterminant que la connaissance et la pratique de l’écriture, et son corollaire la lecture, ont sur leur vie. Sans être moralisateurs, tous s’entendent pour dire que, sans ces apprentissages, leur vie n’aurait pas été la même.
C’est bien ce que nous disent les textes d’Une incorrigible passion, tout en mettant en valeur le talent de communicateur de chacun. Ainsi, on ne peut être indifférent à ces témoignages dont le premier est celui du regretté Benoît Lacroix, un vieil ami de Mme Champagne qu’elle a accompagné jusqu’à son dernier souffle. Se souvient-on que le Père Lacroix fut un médiéviste réputé et un spécialiste de Saint-Denys-Garneau?
Notez que pour tirer la «substantifique moelle» du livre, il faut considérer chacun des textes comme un tout et se laisser emporter par la passion que chacun révèle. Je prends comme exemple « Ce bonheur menacé, la lecture » dans lequel Alain Rey, le père du dictionnaire Robert contemporain, affirme que « le pouvoir de lire devrait faire partie de la Déclaration des droits de la personne humaine. »
Autre exemple, ce que l’écrivain Robert Soulières raconte de sa profession d’éditeur avec la verve et la truculence qu’on lui connaît. Qui d’autre que ce fou de littérature jeunesse pût aussi bien décrire les aléas d’une activité qui semble parfois si mystérieuse. Je pourrais faire un commentaire analogue sur le poème de l’écrivain et graphiste Roger Des Roches pour qui « Vivre dans les pages » est un engagement de tous les instants.
Préférais-je un article plus que les autres? Ce serait injuste, car la diversité des discours qui composent le collectif en fait sa richesse. J’avoue quand même que « Ou le livre ou le brouillard » de Laurent Laplante n’a jamais quitté mon esprit depuis que je l’ai lu et relu, car je ne veux ni ne peux oublier sa criante et alarmante vérité dénonçant la culture de l’éphémère qui a cours aujourd’hui.

Une incorrigible passion me semble une bien belle façon d’ouvrir l’année lecture autant par la diversité de ses textes que par les plumes remarquables qui l’ont écrit.

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