Nathalie Petrowski
La critique n’a jamais tué personne. Mémoires
Montréal, La Presse, 2019, 296 p., 29,95 $ (papier), 20,99 $ (numérique).
L’art d’écorcher des égos
La presse écrite, puis télévisuelle et maintenant dématérialisée m’intéresse depuis toujours. D’une époque à l’autre, j’ai eu des coups de cœur pour des journalistes dont le propos et la façon de s’exprimer enrichissaient mon esprit critique. Nathalie Petrowski est de ceux-là, car j’aimais sa gouaille, ses coups de gueule et l’ironie de ses comptes rendus de spectacle, ses recensions et critiques de disque ou de livre.
La journaliste a décidé en janvier 2019 de « quitter non pas le métier, mais le journal qui m’emploie et pour lequel je signe des chroniques, des portraits et des reportages depuis 26 ans, un quart de siècle en somme. » Elle estimait « avoir atteint l’âge où il était temps d’aller voir ailleurs » et voulait éviter la mise à pied de ses jeunes collègues.
Journaliste, écrivaine, scénariste, cinéaste, critique média, la communicatrice hors pair a profité de sa liberté retrouvée pour écrire Petrowski : La critique n’a jamais tué personne, mémoires. Elle nous entraîne à sa suite dans les trois quotidiens montréalais où elle a travaillé – Le Journal de Montréal, Le Devoir, La Presse – avec des arrêts consacrés à des projets personnels – réalisation d’un film, participation à des émissions de radio ou télé – et sa collaboration à des magazines.
Le livre consacre une section à chacun des trois journaux. S’ajoute le prologue qui ébauche le projet devenu ces mémoires et l’épilogue où poignent des horizons nouveaux d’un métier en pleine transformation.
Du Journal de Montréal, je retiens qu’« écrire dans un journal est une chose. Y exprimer des opinions et des critiques en est une autre. […] Pour ma part [note-t-elle], il était hors de question que je me contente d’un sujet-verbe-complément dans mes textes. Tant qu’à écrire dans un journal et avoir le privilège d’être publiée, aussi bien en donner au public pour son argent. En l’amusant, en le choquant, en le touchant, n’importe quoi pourvu qu’il ne s’ennuie pas. »
Au Devoir, auquel la mémorialiste s’est jointe à la fin de 1976, il y eut un changement radical de culture éditoriale et journalistique, surtout que le quotidien était sous la houlette de Claude Ryan. Affectée aux affaires culturelles, la journaliste ne comprenait pas le sectarisme à l’endroit des canons à la mode : « Il y avait tout un pan de la culture des jeunes qui explosait de partout, et les journalistes du Devoir, la plupart dans la quarantaine, n’en avait jamais pris connaissance ou avaient d’autres préoccupations. » Les 15 ans au Devoir ont aussi donné lieu à des confrontations de conceptions opposées du journalisme et à de fortes amitiés féminines.
Nathalie Petrowski y a profité de l’appui du directeur de l’information, Michel Roy, qui devint son mentor. La mémorialiste cite l’hommage qu’a signé Lise Bissonnette lors du décès du journaliste Roy : « … aucun journaliste d’aujourd’hui n’aura pu vivre le privilège d’un apprentissage, d’un compagnonnage au sens classique, auprès d’un maître aussi rigoureux et aussi bienveillant que Michel Roy. »
Divers incidents « diplomatiques » sont racontés dans ces mémoires, des aléas qui guettent constamment les salles de presse comme des épices aux saveurs inattendues. N. Petrowski souligne, en épilogue, que le journalisme professionnel a plus que jamais sa place dans l’espace public, notamment comme vigile de la démocratie et des « fake news », menaces constantes de désinformation. « Les réseaux sociaux sont venus mêler les cartes et donner l’impression que n’importe quel citoyen peut s’improviser critique ou journaliste et qu’importe quelle nouvelle, même inventée de toutes pièces, a autant de poids et de légitimité qu’une vraie. »
En refermant Petrowski: La critique n’a jamais tué personne, mémoires, je me suis souvenu pourquoi je respecte et admire les journalistes, surtout les plumes qui font de moi un citoyen bien informé et dont les opinions m’aident à forger la mienne. Enfin, deux détails m’ont fait sourire : d’abord, Nathalie Petrowski doit trouver le titre d’un article avant de l’écrire; puis, l’emploi du je dans un article, surtout dans la critique, n’est pas nécessairement un renvoi à l’auteur, mais à d’autres individus qui partagent une opinion. Ces habitudes sont aussi les miennes depuis 44 ans.
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