mercredi 10 juin 2020

Ronald Wright
Brève histoire du progrès, nouvelle édition revue et augmentée
Montréal, Bq, 2020, 248 p., 12,95 $.

Du progrès à la dégénérescence

Il arrive parfois qu’un livre, brièvement recenser, retienne mon attention au point où j’y reviens. C’est le cas de la version revue et mise à jour de Brève histoire du progrès, un essai de Ronald Wright arrivé à point nommé, au temps de la pandémie. En effet, les signaux que nous envoie la planète en ce temps de confinement nous rappellent que « l’histoire a en effet prouvé que le progrès, quel qu’il soit, mène directement à l’échec et à l’anéantissement. »



Cet ouvrage porte un regard analytique et critique sur l’histoire de l’humanité d’aussi loin que les connaissances actuelles le permettent. L’auteur propose ainsi une réflexion anthropologique sociale et culturelle sur diverses formes de progrès, de leurs composantes et du rôle joué par l’être humain. Cette vaste fresque repose sur des événements s’étant déroulés sur plusieurs millions d’années dont nous ignorons les détails, mais elle s’appuie sur diverses études et des conclusions reconnues par les scientifiques.
D’une part, il y a la création et l’évolution de la planète Terre. D’autre part, il y a la création et l’évolution des vivants, du monde végétal et animal. Comme d’autres de ma génération, enfant j’ai été un adepte du créationnisme enseigné par l’Église catholique, selon la genèse biblique. La théorie de l’évolution de Darwin a vite ébranlé mes convictions.
Cette mise en perspective illustre la force et la faiblesse primaire de la race humaine, car le temps est le fil conducteur de tout. Il y a la capacité de l’être humain de s’adapter à presque toutes les situations, ce qui me semble beaucoup plus vaste que la simple résilience. Puis, il y a son inaptitude de se rappeler ses expériences passées et d’en tirer des leçons applicables à l’avenir.
Wright s’arrête à tous les moments marquants de l’humanité, à ce qu’on appelle son évolution, mais aussi à sa contre évolution. Aujourd’hui, il semble que plus planète se développe plus les humains se rassemblent en société; plus celles-ci se multiplient plus les besoins vitaux s’accroissent. Nourrir une famille, c’est bien, en vêtir des dizaines est plus problématique. Entre les premiers balbutiements de l’humanité et la théorie de Darwin (1809-1882), il y a eu plusieurs millénaires d’évolution. Depuis, l’évolution n’a plus rien à voir avec celle du temps jadis. Or, la constante temporelle, ultime appui à toute transformation, est menacée dans son essence même, c’est-à-dire dans la mesure de sa durée. Le « je n’étais pas né » est devenu son nouvel étalon.
Dans le contexte d’une pandémie, que vaut de rappeler la grippe espagnole de 1918 à 1919 et ses 20 à 50 millions de morts, voire même 100 millions, soit 2,5 à 5 % de la population mondiale? Il faut pourtant profiter des leçons apprises alors pour en tirer le meilleur parti, tout en tenant compte de la réalité du siècle actuelle.
Or, Brève histoire du progrès nous rappelle que ce sont les pandémies qui ont le plus marqué la terre et ses habitants depuis le Moyen Âge, et même avant. Dans la fresque de l’histoire, Ronald Wright passe en revue chacune des époques d’évolution et de transformation de notre planète. Il conclut que chacun des cycles se termine par un bouleversement naturel ou par un quelconque conflit générationnel. On dirait même que la terre et ce qui l’habite doivent se recréer d’une ère à l’autre. Plus nous nous approchons de l’époque contemporaine, le Moyen Âge par exemple, plus la durée entre deux « révolutions » est brève.
Pensons au téléphone d’A. G. Bell. Il fut breveté en 1876 et n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui, le mobile étant arrivé cent ans plus tard. Que dire de la population sur terre dont la multiplication est très inquiétante, car la terre ne pourra alimenter tout ce monde et une famine régulera ce manque, comme cela s’est produit à plusieurs reprises au cours des siècles. Wright nous le rappelle, comme il évoque que plus de virus ont tué d’individus que toutes les guerres. Ce qui peut être la situation à laquelle nous assistons.
J’écrivais en préambule que la pandémie actuelle et la réaction des divers gouvernements ne sont qu’une mise à jour de situations passées. La grande différence, c’est qu’ils sont exacerbés par la diffusion de l’information de l’action et de la réaction des uns et des autres. Cela crée une polarisation telle qu’elle pourrait engendrer des conflits irrémédiables.
Sommes-nous à la fin d’une ère? Nul prophète n’est encore apparu, même si certains leaders ont de semblables influences sur une partie de leur population. Chose certaine, cette pause planétaire pourrait permettre des changements de cap radicaux tant sur le plan écologique et environnemental que sur celui de l’autonomie à satisfaire les besoins élémentaires des nations relativisant la mondialisation.
Je ne cesse de relire des pages et des pages de Brève histoire du progrès, et m’inquiète des suites de la pandémie actuelle. Plus de cent jours après le début du confinement, notre instinct grégaire prend le dessus. Il ne doit plus avoir la même insouciance comportementale, sinon le virus sera de plus en plus létal comme le furent ses ancêtres.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire