mercredi 25 mars 2020

Louise Dupré
Théo à jamais
Montréal, Héliotrope, 2020, 240 p., 24,95 $.

L’ampleur de la vérité

J’entre parfois dans une fiction toute neuve comme si je l’avais quittée la veille. Il en est ainsi de ce qu’écrit Louise Dupré, rencontrée la première fois ici, à Saint-Jean-sur-Richelieu, au début des années 1970. Apprenant la parution de Théo à jamais à la rentrée hiver-printemps, j’ai voulu glisser ce récit dans mes valises, une excellente intuition.



Le récit que nous raconte Béatrice Hubert se termine près de deux ans après les événements qui l’ont obligée à consigner sa vision des faits alors vécus. Certes, cet exercice en est un de mémoire, mais aussi la quête d’une rédemption de fautes graves que la narratrice croit avoir commises.
L’autrice met d’abord en perspective ce qui a déclenché le drame. Ainsi, assise à sa table de travail, elle est à faire le montage d’un documentaire sur les meurtres de masse commis chez nos voisins du Sud. Ce contrat n’est pas facile à réaliser, mais les propos des parents ou des amis des tueurs lui permettent de comprendre le désarroi dans lequel ils se retrouvent, victimes collatérales souvent pointées du doigt comme des coupables.
Ce jour-là, son téléphone sonne. Au bout du fil, Helen Gardner lui demande si elle est bien Béatrice Hubert, épouse de Karl Glackmeyer et mère de Théo. Elle lui explique qu’un accident est survenu, que le père et le fils sont à l’hôpital et qu’il lui faut venir dès que possible. Médusée, Béatrice acquiesce et dit qu’elle sera à Miami en soirée.
Il faut savoir qu’elle et Karl forment un couple depuis une quinzaine d’années. Ils se sont connus grâce à Darwin, un chaton égaré qu’elle a voulu rapporter à ses jeunes maîtres Elsa et Théo, les enfants de Karl. Refusant la récompense promise à quiconque retrouverait Darwin, Béatrice accepte de souper avec la famille; puis, d’une visite à l’autre, elle apprend que Laurence, l’épouse de Karl et mère des enfants est décédée dans un accident de la route. Béatrice en vient à s’installer avec eux.
Allons à Miami où Béatrice est accueillie par Mme Gardner. Les deux femmes sympathisent spontanément, ce qui facilite pour l’une l’exercice de son rôle ingrat d’accompagner les proches de jeunes meurtriers et pour l’autre d’apprendre ce qui s’est passé pour que son compagnon et leur fils soient hospitalisés. Théo, venu rejoindre son père en Floride où ce dernier prononçait une série de conférences, s’est amené à une de ces rencontres et il a fait feu sur son père. Sur place, un policier du campus l’a tiré à son tour.
On vient d’apprendre que Théo est décédé. Béatrice est sous le choc, mais l’empathie de la thérapeute l’aide à absorber le coup. À l’hôpital, Béatrice voit Karl, sans lui dire que son fils est décédé; la rencontre est brève, mais intense. Les deux femmes repartent vers l’hôtel où on lui a réservé une chambre estimant qu’il était trop tôt pour retrouver le logement où Karl et Théo ont passé les derniers jours; les policiers doivent d’ailleurs faire l’examen des lieux.
Seule dans cette chambre anonyme, Béatrice entreprend un long questionnement, point d’ancrage du récit. Avant tout, elle téléphone à Monika, sa belle-sœur et amie, qui veille sur Elsa et Darwin. Elle lui apprend le décès de Théo et lui fait un rapide bilan de santé de son frère. Elles conviennent qu’elle et Elsa viendront la rejoindre dès que possible.
Béatrice annonce le décès de Théo à Karl, dès qu’on l’y autorise. Le père pleure à chaudes larmes, puis il renferme sa peine à double tour, croyant qu’il est inutile de broyer du noir quand on ne peut rien changer à la situation. Il en va tout autrement pour Béatrice qui, depuis son enfance, joue son rôle de sœur aînée cherchant à tout comprendre, parfois même l’impossible. C’est d’ailleurs pourquoi elle écrit cette histoire, un peu pour s’en détacher, mais surtout pour affronter cette adversité.
Elle passe en revue les derniers mois de la vie de Théo et sa rébellion parfois violente à l’endroit de son père. Elle veut comprendre pourquoi elle n’a pas su ou pu anticiper le parricide appréhender. Karl ne s’en est jamais fait avec l’humeur de son fils, laissant le temps faire son œuvre comme l’a fait son propre père à son endroit. Ce dernier croyait que la violence faite aux enfants était la meilleure manière d’en faire des nazis.
B. et K. doivent désormais consacrer leur rôle de parents à Elsa et faire en sorte qu’elle transcende le décès de son frère. Damiel, son amoureux l’accompagne dans cette transition, plus sereine qu’on aurait cru.
Béatrice poursuit sa quête. Il y a eu les colères à répétition de Théo qu’elle et Karl ont mis sur le dos d’un mal-être passager. Ont-ils été assez attentifs à cet état soudain, contraire au caractère du garçon? Béatrice décide de vider la chambre de Théo et passe au peigne fin tout ce qu’elle y trouve, dont les travaux du collégien. C’est ainsi qu’elle apprend un peu de cette vie en dehors de la famille dont elle ignorait tout, Théo n’en parlant jamais. Elle voit Félix, un prof de littérature avec qui T. entretenait une bonne relation. Puis, c’est Marie-Ève, une consœur de T. qui lui apprend que Sam, prénom trouvé dans les papiers de Théo, n’est pas un garçon mais bien Samantha, un amour non réciproque de Théo, partie dans l’Ouest canadien.
Louise Dupré a créé des archétypes de personnages, leurs différences donnant à chacune et chacun la force de se relever dans l’adversité. Il y a aussi une complémentarité évidente dans le couple B. et K., comme entre Karl et sa sœur Monika, et peut-être entre Elsa et Damiel.
La quête de réponses aux questions de Béatrice sur ce qui a poussé Théo à poser son geste l’oblige de conclure qu’il n’y a pas d’explication ni raisons ni motifs. Lors de la mise en terre des cendres de Théo, sa famille est là; il y a aussi Félix et des camarades de classe qu’il fréquentait.
Louise Dupré a choisi de crever l’abcès du désarroi de Béatrice qui finit par comprendre qu’il n’y a aucune explication rationnelle au geste de Théo comme celui d’autres jeunes meurtriers, sinon un mal-être devant lequel il lui faut avouer son impuissance. Ce faisant, ce sont là des regards croisés sur des générations, leurs différences ou leurs ressemblances, et leur manière d’aborder et d’accepter les aléas de l’existence qui émergent.

mercredi 18 mars 2020

Virginie Francoeur
Sciences et arts : transversalité des connaissances
Québec, PUL, coll. « Administration/Gestion », 2019, 140 p., 24,95 $.

Au-delà de l’immédiat : l’entièreté des êtres

Y a-t-il une société occidentale où la formation générale des citoyens n’est pas la responsabilité du système scolaire publique? Je l’ignore, mais j’observe que cet ensemble de savoirs est régulièrement mis à jour selon l’évolution des disciplines, des connaissances basiques et des valeurs sociales. C’est ce qu’on appelle le fonds culturel des individus auquel ils peuvent ajouter un fonds qui leur est propre. Jadis, il y avait une formation s’appuyant sur les lettres, une autre sur les sciences objectives, une autre encore sur les pratiques professionnelles. Ces modèles sont-ils devenus monolithiques au point où il n’y a plus de transversalité des connaissances, voire des habiletés minima?



Cette question préoccupante mérite d’être étudiée, ce que l’écrivaine et universitaire Virginie Francoeur s’est proposé de faire dans un essai intitulé Sciences et arts : transversalité des connaissances. L’ouvrage est le fruit d’une démarche universitaire visant à réunir professeurs et étudiants de trois facultés – sciences de l’administration, lettres et sciences humaines, aménagement, architecture et design – autour du projet commun d’exprimer le point de vue de chacune / chacun sur un article scientifique tiré d’une banque préalablement choisie par l’essayiste.
Laissons l’universitaire et écrivaine présenter l’essai :
Cet ouvrage est divisé en trois parties. La première consiste à proposer un court historique des écoles de gestion afin de bien étayer la vision qui y est développée, puis à remettre en question l’oligopole des revues scientifiques, la production de connaissances scientifiques ainsi que ses conséquences en recherche et en enseignement. La deuxième partie illustre l’exposition «Sciences & Arts» ainsi que la contribution des participants aux diverses étapes ayant pour but de rendre l’exposition reproductible et d’inciter d’autres individus à s’impliquer dans cette voie. Puisque cette analyse vise à rapporter les propos de plusieurs participants (étudiants, professeurs, chercheurs), elle ne se veut pas nécessairement objective. Elle contient des commentaires de nature subjective, inspirés par l’expérience vécue des participants. La troisième partie illustre les propos des professionnels du milieu des affaires qui sont inspirants par leur pratique de gestion créative, cela dans le but d’établir un parallèle entre recherche et pratique. En résumé, l’importance de la transversalité des connaissances entre sciences et arts est mise en évidence et explorée sous divers angles. (pp. 5-6)
La première partie, à caractère historique, trace en effet un tableau succinct de la mouvance des axes de développement des Écoles de gestion, de leur création au 19e siècle aux É.-U. où « les professeurs étaient des chefs d’entreprise ne possédant pas nécessairement de diplômes universitaires ». Ces derniers favorisaient des programmes mettant l’accent sur la pratique plus que sur la recherche, les besoins de gestionnaires compétents étant criants. Plus tard, les universités ont plutôt recruté des détendeurs de PhD. Puis, quand fut créé le MBA (Master of Business Administration), un certain équilibre s’est imposé puisque ce diplôme était initialement destiné des diplômés gestionnaires services.
Quant à la singularité des revues scientifiques, elle tient du fait que la majorité des articles, peu importe la langue maternelle des auteurs, sont écrits en langue anglaise. Cette situation fait débat de façon récurrente depuis quelques années. Par exemple, dans Le Devoir édition du 28 janvier 2020, les universitaires J.-P. Warren et V. Larivière signaient une lettre d’opinion intitulée « Des défis de la diffusion des connaissances en français » où ils décrivent l’état des lieux et soulignent le risque d’en arriver à un modèle unique des communications scientifiques, favorisant les É.-U. Cependant, ils mettent en relief que les articles scientifiques publiés en français (Québec, France, Belgique, Suisse ou Maghreb), disponibles sur la plate-forme à but non lucratif québécoise Érudit, sont « téléchargés en moyenne presque autant que ceux des revues de la firme Nature Publishing Group, considérées par beaucoup comme étant les revues les plus importantes à l’échelle internationale. »
Une autre spécificité des revues est le rapport qu’elles entretiennent avec les chercheurs dont elles subventionnent fréquemment le travail menant aux articles. C’est la règle « Hygrade » qui s’applique: plus un chercheur publie, plus il reçoit de subventions, plus il en reçoit, plus il dispose de sommes nécessaires à la poursuite de son travail. Sans pensée conspirationniste, on peut s’interroger sur les sujets ou l’orientation de certaines recherches ainsi favorisées ou désavantagées.
La seconde partie de l’essai, après la mise en contexte initiale, expose de façon détaillée la démarche empirique de Mme Francoeur visant à
stimuler les possibilités de la création de lien avec la science que l’on suppose aux antipodes» des arts. Le but visé étant de «faire agir toutes ces forces créatrices en synergie en concevant une "œuvre globale", rassembleuse, un "art conjoint" qui consiste à réunir ce qui est habituellement disjoint. (p. 29)
Pour atteindre cet objectif, chaque étudiant participant devait
s’inspirer d’un document scientifique et […] le traiter en regard de sa discipline de manière indépendante, c’est-à-dire de transformer des données scientifiques en fonction du médium artistique de son choix.
Chaque étape de la réalisation du projet est clairement exposée et les résultats sont ensuite présentés tels qu’ils ont été présentés dans l’exposition éponyme tenue à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval en 2017. Le lecteur peut ainsi faire lui-même l’exercice de lire le résumé des articles scientifiques et ce que chacun a inspiré aux étudiantes et étudiants qui ont « traduit » leur compréhension dans un langage artistique différent. Les proses, les poèmes ou les affiches qui en ont résulté illustrent parfaitement, à mon avis, les liens possibles, sinon souhaitables entre le discours scientifique, lui-même littéraire, et d’autres formes de discours artistiques.
En terminant la lecture de Sciences et arts : transversalité des connaissances, je me suis souvenu de Leonard de Vinci qui fut, en son temps, à la fois peintre, ingénieur et architecte. Homme de science et artiste, c’est l’ensemble de ses créations qui tire avantage de la transversalité de ses connaissances et de ses habiletés. L’étude de Virginie Francoeur nous rappelle qu’au 21e siècle il est temps d’élargir nos horizons, notamment en entretenant la richesse du fonds culturel de tous les citoyens dans la mesure du potentiel de chacun. À l’époque où l’éphémère est roi et que l’histoire se limite souvent aux événements des 24 dernières heures, il faut valoriser un humanisme reposant autant sur d’inutiles savoirs que sur des connaissances spécifiques, voire pointues. Ces savoirs dont on ne voit pas l’usage immédiat sont souvent ceux qui, à moyen et long terme, s’avéreront les plus commodes au quotidien.

mercredi 11 mars 2020


Jacques Savoie
#Maria
Montréal, Boréal, 2019, 328 p., 27,95 $.

Faire du vrai avec du faux

J’ai gardé un bon souvenir des romans de Jacques Savoie, tant ceux écrits pour des jeunes que destinés aux adultes, dont Le cirque bleu, Les ruelles de Caresso ou Les soupes célestes. Comme tant d’autres, je revois avec plaisir le classique de Mankiewicz, Les portes tournantes tiré d’un roman de Savoie et dont il cosigna le scénario. Dans ce contexte, j’étais curieux de voir où l’œuvre de l’écrivain était rendue après toutes ces années.



Intitulé #Maria, la curiosité a suscité mon intérêt pour l’histoire de Mathias Fort qui, à priori, me semblait exhaler les parfums au goût du jour, du mouvement #MeToo, de l’état lamentable de l’environnement à la politique états-unienne actuelle qui confond le vrai du faux par l’intermédiaire de la vérité alternative. Il y a aussi que le romancier a dédié son récit à Maria Schneider, comédienne française qui, à 19 ans, fut la vedette de Dernier tango à Paris (1972), le film de Bertolucci dans lequel elle a été réellement sodomisée par Marlon Brando, un viol sur grand écran dont elle ne s’est jamais complètement remise.
Mathias Fort, personnage principal du roman, a fait des études en littérature avant d’être repêché par le Service canadien du renseignement de sécurité. Son rôle au SCRS était « d’imaginer des scénarios catastrophes susceptibles de se produire, des drames qui n’étaient pas encore arrivés, mais qui étaient dans l’air du temps. » Son répartiteur, son seul lien physique avec l’organisme, était le sergent Éric Lagacé. Outre les lettres, Fort a dû faire l’école de police à Nicolet, afin d’y apprendre l’abc de la clientèle qu’il allait devoir étudier et, surtout, prévoir les prochains mouvements sur l’échiquier sociopolitique.
Les rapports entre Mathias et Lagacé, d’abord cordiaux, deviennent presque filiaux, le sergent ajoutant à sa formation sa propre expérience. Pas étonnant que leur relation soit ainsi, Mathias ayant vécu une enfance difficile, sa mère Rébecca, musicienne à l’OM, ayant quitté tôt le domicile familial, et son père Olivier, « vétérinaire méticuleux et incompris », ne s’étant jamais vraiment préoccupé de son fils dont il avait pourtant la responsabilité.
Le rôle de Mathias au sein du SCRS ressemblait à celui d’un devin, c’est pourquoi il devait observer toutes les situations politiques susceptibles d’influencer, pour le meilleur ou pour le pire, celles du Canada. Ainsi, quelques années « après l’apparition de la téléréalité, Mathias s’était intéressé à la puissance de cette proposition médiatique. » La relation de Fort et Lagacé s’éroda et il a suffi d’une erreur pour qu’il suspende Mathias.
L’événement survint au moment où ce dernier remettait en question un travail que le passionnait de moins en moins et qui rencontra Jerry Leblanc, un retraité du SCRS, qui lui fit comprendre qu’il y avait une vie après les services secrets. Une suite de quiproquos allait le conforter, malgré lui, dans son désir d’un nouvel avenir, surtout qu’on venait de lui apprendre que l’héritage de son père s’était multiplié considérablement avec les années puisqu’il n’avait jamais touché aux sommes investies.
La suspension terminée sans avoir eu de contact avec son répartiteur, Mathias avait décidé de quitter son emploi sans savoir ce qu’il allait faire, sinon qu’il était financièrement à l’aise. Un coup de téléphone d’Éric Lagacé le convoquant à une rencontre le surprit; il décida de s’y rendre pour annoncer à son répartiteur qu’il abandonnait le service. La réunion allait se tenir au bureau 101 et le mot de passe était « Je viens de la part de Xavier ». À partir de ce moment-là, l’aventure rocambolesque de Mathias Fret débute véritablement.
Arrivé sur place, il se retrouve devant Chloé, une secrétaire à qui il chuchote le mot de passe; ce qu’elle en comprend n’a rien à voir avec ce que Mathias imagine. Elle l’amène dans une salle de production cinématographique où, apprend-il, on travaille sur un film intitulé « 5G ». On lui présente Philippe, le premier assistant, qui est fort inquiet, car Malcom Dunn, vedette masculine du film, a été arrêté et mis en résidence au St-James, l’hôtel du Vieux-Montréal où il logeait. Philippe explique à Mathias que Dunn est accusé d’agression sexuelle dans la foulée de #MoiAussi et que Rebecca Swanson, la vedette féminine, a quitté le plateau pour retourner chez elle à Los Angeles. Le film n’est pas terminé et on ignore ce qui va arriver pour la suite des choses.
Mathias Fort ignore tous des rouages de la production cinématographique. Mais devant l’inquiétude de Philippe et des autres membres de l’équipe, il voit poindre à l’horizon des solutions à la situation, lui qui a l’habitude de prévoir l’avenir surtout de ses plus sombres moments. Ainsi, une suite de renversements de situation survient, allant d’un nouveau scénario écrit « à bout portant », c’est-à-dire improvisé au fur et à mesure des événements, mais impliquant toujours Dunn que Swanson. Les membres de l’équipe cinématographique retrouvent leur travail, de nouvelles images sont tournées avec un téléphone cellulaire et les médias sociaux sont mis à profit pour susciter l’intérêt à la nouvelle version du film.
Mathias devient, un peu malgré lui, producteur et réalisateur du simple fait qu’il rachète un projet qui était sur le point de faire faillite. C’est à ce moment que son condo passe au feu et que, s’y rendant, il remarque que son répartiteur et d’autres membres du SCRS sont sur place, ce qui sème un doute dans son esprit: sa démission de l’organisme et son nouveau travail seraient-ils la cause de l’incendie?
Parmi les faits qui animent l’action du roman de J. Savoie, il y a la rencontre de Mathias avec Rima, aide-maquilleuse très près d’Angelo, le coiffeur de plateau, lui-même très près de Mme Swanson. Il y a aussi que Mathias connaît Rima, rencontrée grâce à un réseau semblable à Tender, alors qu’il avait aussi décidé de prendre en main sa vie amoureuse.
Dire que #Maria a tout d’un scénario de film est un euphémisme, surtout grâce à toutes les péripéties et tous les rebondissements de l’histoire que Savoie raconte avec brio. Cela se résume en une mise en abyme, une histoire dans l’histoire, ici un film dans le film, un chassé-croisé entre la vérité et le mensonge où ce qui est faux devient la vérité, et certaines vérités des mensonges éhontés. Certes, il y a les accusations portées contre Dunn, mais il y a aussi un incident diplomatique entre le Canada et les États-Unis que le SCRS veut éviter à tout prix, un incident au dénouement aussi surprenant que vraisemblable. Cela sans parler du rôle déterminant des médias sociaux dans la diffusion du drame réellement vécu par Mme Swanson semblable à celui de Maria Schneider dont le nom sera retenu d’ailleurs comme titre final du film. Sans oublier, l’intérêt que cette médiatisation suscitera auprès des organisateurs du festival du film de Locarno, en Suisse, où le film sera projeté en première mondiale.
Il n’y a, somme tout, qu’un noyau de personnages que l’auteur a si bien typé qu’on reconnaît chacun très rapidement, pouvant presque prévoir leurs réactions et leurs actions. Dire que #Maria est aussi cinématographique que l’histoire qu’il raconte est près de la réalité, sinon de la vérité, car Jacques Savoie est passé maître dans l’art du récit réaliste où chaque geste et chaque dialogue s’enchaînent selon une logique implacable. Bref, #Maria est dans l’ici et maintenant hyperréaliste au point d’emprunter des causes et des noms d’individus issus du quotidien sociopolitique actuel.